FAIT DU JOUR Julien Hurard, le dernier torréfacteur « à l’ancienne » est à Uzès
À 44 ans, l’Uzétien Julien Hurard revendique d’être « le dernier à torréfier à l’ancienne en France. »
Impossible de la rater. La machine à torréfier de l’Atelier du café, à Pont-des-Charrettes, fait pas moins de six tonnes et demie. « C’est une très vieille machine qui date de 1905 », commente le torréfacteur tout en alimentant la bête en charbon - « à l’anthracite, pas du charbon de bois pour les grillades » - et en bois. Après avoir refermé la trappe en fonte, Julien Hurard scrute le thermomètre à aiguille situé sur le côté. Il lui faut attendre que la machine ait atteint 270 degrés pour charger le café.
Quand la machine est en température, le torréfacteur commence une drôle de gymnastique. Il prend un des sacs en toile de jute pleins de grains de café provenant d’une quinzaine de pays au choix et remplit des bacs qu’il verse dans la machine en grimpant sur un escabeau. Plusieurs allers-retours sont nécessaires et Julien Hurard ne s’économise pas.
C’est le moment qu’on a choisi pour lui poser la question qui nous trotte dans la tête depuis le début : non d’une cuillère à café, quelle est la différence entre cette vénérable machine et une plus moderne ? « Ceux qui utilisent des machines modernes s’emmerdent moins que moi ! », lance notre torréfacteur. On l’a bien cherché.
Plus sérieusement, la torréfaction dans cette machine est particulière. Le café tourne dans un cylindre pendant une vingtaine de minutes avec la chaleur du charbon. « En cuisson pure, ça ne va pas changer grand chose, reconnaît Julien Hurard. Mais on est sur de la braise, pas des flammes. La chaleur est mieux diffusée et la cuisson plus douce. » À la clé, « comme les arômes sortent au fur et à mesure de la cuisson, cette cuisson plus douce va permettre de développer les arômes plus finement. » Tout simplement.
La fumée bleue
« C’est en torréfiant qu’on devient torréfacteur » : Julien Hurard s’est formé sur le tas, après avoir repris l’entreprise de son ex-employeur, dans l’Hérault, et rapatrié la fameuse machine à Uzès, où il a démarré son activité il y a bientôt dix ans. Devenu amateur de café, il aime à partager sa passion : « Tous les cafés ne se ressemblent pas. Chaque café a son terroir, j’aime les assembler », affirme-t-il, intarissable dès qu’il s’agit de parler café.
Julien Hurard travaille avec des cafés issus de petits producteurs d’une quinzaine de pays différents d’Amérique centrale ou du sud, d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et même des Caraïbes. Autant de cafés qui ont des caractéristiques différentes, au-delà de la traditionnelle distinction entre l’arabica et le robusta.
Mais reprenons le fil de la torréfaction. Au bout d’une vingtaine de minutes, Julien Hurard prélève une petite partie des grains par une trappe et les inspecte. Aspect, goût, couleur, et odeur, tout est bon pour détecter une torréfaction à point. Il ouvre alors une grande trappe et les grains tombent sur une surface ronde sur laquelle ils vont refroidir, tout en dégageant une fumée bleue caractéristique. « Si ça fume blanc, c’est que c’est brûlé », commente le torréfacteur. Une fois que les grains sont froids, ils sont conditionnés. Soit tels quels, soit moulus directement.
Vers un agrandissement
Julien Hurard produit 25 tonnes chaque année. Une production qui part pour moitié chez des professionnels, comme les épiceries fines ou les restaurants, et pour moitié chez des particuliers, notamment via le site internet de l’entreprise. Et allant à rebours de la quasi-fatalité qui veut qu’on ne boit que du café médiocre en entreprise, l’Atelier du café propose aussi ses services aux entreprises et leur fournit la machine et le café qui va avec. « C’est moins cher que les capsules et il n’y a pas de déchets », commente le torréfacteur.
Un positionnement qui marche, et qui lui permet d’envisager l’avenir sereinement. L’Atelier du café se développe, compte désormais, outre le torréfacteur, trois salariés et un agent commercial et compte s’agrandir. « L’entreprise grossit, nous n’avons plus de place, explique Julien Hurard. Nous allons déménager dans les prochains mois pour doubler la superficie, toujours à Uzès. »
Il faut dire que le torréfacteur vit mal d’avoir dû renoncer à recevoir des groupes de touristes ainsi que de fermer le petit musée qu’il avait créé dans ses murs à cause de ce manque de place, la pièce servant aujourd’hui à entreposer du stock. Alors dans ses prochains locaux, qu’il fait construire, le torréfacteur compte faire « un petit salon de thé et un musée », où il exposera sa collection de 1 500 cafetières et moulins à café.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
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