FAIT DU JOUR Laurent Pélissier écrit aux élus camarguais pour dénoncer "les logiques rétrogrades"
Président de la Communauté de Communes Terre de Camargue (CCTC) depuis 2014, Laurent Pélissier a écrit le 6 octobre à tous les élus de son territoire pour les informer d'un blocage. En cause, le vote des statuts actualisés et des compétences de la CCTC et un transfert de compétences jadis approuvé et aujourd'hui rejeté. Un bête problème d'éclairage public. Et bassement politique selon lui.
Laurent Pélissier, le maire désormais LR de Saint-Laurent-d’Aigouze et président de Terre de Camargue depuis 2014 se réjouit lorsqu’il compte les décisions prises à l’unanimité par son conseil communautaire : nouvelle médiathèque à Aigues-Mortes attendue en décembre 2019, aménagement d’une salle pédagogique à la base intercommunale nautique du Ponant... L’intercommunalité actuelle a été fondée en 2001 mais un syndicat consacré à l’eau et l’assainissement existait depuis soixante-dix ans. Trois communes la composent (Saint-Laurent d'Aigouze, Le Grau-du-Roi et Aigues-Mortes, deux vedettes à la notoriété historique et touristique dépassant les limites administratives).
Si les nouveaux statuts ont été adoptés en juillet, ça n’a pas été le cas des compétences. Avec 13 voix contre, et 17 pour, « la majorité des deux-tiers n’étant pas acquise, l’intérêt communautaire des compétences n’est pas défini » lit-on dans le dernier compte-rendu de réunion de ce début octobre. Un peu gênant pour la suite. Laurent Pélissier, contrairement au mois de juillet a décidé ce mois d’octobre de rejoindre les votes contre. Une façon pour lui de marquer sa réprobation à une résistance au changement, à la mutualisation des moyens exprimée notamment par le maire du Grau du Roi qui a évoqué en juillet « une question de confiance » à Terre de Camargue. Terre de Camargue a adopté des statuts qu’elle ne peut mettre en œuvre pour l’instant.
« Certains sont en quête de visibilité sans doute… », commente agacé le président de l’intercommunalité camarguaise. La CC compte 32 élus, 13 chacun pour Aigues-Mortes et le Grau-du-Roi et 6 pour Saint-Laurent-d’Aigouze. En juillet dernier, 16 élus étaient pour l’adoption des nouveaux statuts, dix abstentions avaient été recensées et seul le vice-président Cubilier, qui a maintenu son vote en octobre avait voté contre. Tous les élus de Saint-Laurent d’Aigouze ont voté contre ce début octobre mais aussi les élus de l’opposition municipale graulenne. Le ton se durcit donc entre membres de Terre de Camargue. A une période de transition et de redéfinition délicates pour les intercommunalités, le président Pélissier attendait mieux.
@ObjectifGard : Quel genre de président d’intercommunalité voulez-vous et pensez-vous être ?
Laurent Pélissier : Fédérateur. Depuis 2014, je n’ai pas changé. Travailler ensemble sur des chantiers divers est important, sans préjuger des éventuelles fusions. Pour ma part, je suis persuadé que l’avenir de notre intercommunalité se dessine vers l’ouest, en y ajoutant de l’interrégional. Ces derniers jours, j’ai été aussi bien aux arènes d’Arles avec le maire des Saintes-Maries-de-la-Mer qu’à la Grande Motte pour un concert. Nous sommes une porte d’entrée et de sortie de la Méditerranée comme un carrefour entre Occitanie et Provence. Tous les gens de ce territoire partagent la même grande fierté de lui appartenir.
@ObjectifGard : Aujourd’hui, vous avertissez via un courrier à chaque élu local de votre territoire contre un recul de vos communes partenaires côté transfert de compétences. Pourquoi ?
L. P. : L’Etat et le sens de l’histoire nous pousse à davantage de mutualisation des moyens et de coopération. En 2016, nous avions acté le transfert de l’éclairage public à l’intercommunal sans problème. Or, il se trouve que le Grau-du-Roi est, quelques jours après avoir voté ce transfert, revenu sur son vote, puis Aigues-Mortes. C’est un budget de 500.000 € au total, pour l’entretien de l’éclairage public des trois communes membres, et le Grau du Roi représente la moitié de cette somme. Ce transfert de compétences n’est pas obligatoire et donc ne peut être imposé aux communes. Mais c’est aller à contresens. C’est un dépeçage et un pillage des compétences de Terre de Camargue, un affaiblissement de son rôle. Cela peut avoir des incidences sur la dotation globale qui nous est attribuée. Je considère cela comme un détricotage. On veut faire en sorte que la communauté de Communes pèse de moins en moins. »
Le Courrier de Laurent Pélissier à tous les élus du territoire, daté du 6 octobre (extraits)
"Le Conseil communautaire du 2 octobre dernier était l'occasion de voter des statuts actualisés au regard de la loi NOTRe (...) et dans une autre délibération de définir les intérêts communautaires détaillant au sein des statuts le périmètre précis de certaines compétences (...) la pente législative va clairement vers des transferts toujours plus importants des communes vers les intercommunalités. Et le législateur conditionne désormais de plus en plus le versement de ses dotations et subventions diverses à l'application de ses principes. En clair, ne pas transférer des compétences vers des intercommunalités coûte cher.
Mais malheureusement pour notre territoire (...) je constate que notre intercommunalité s'engage à contresens de cette tendance lourde et qu'elle se fragilise ainsi face à un avenir incertain.
Nous avions acté en 2016 de l'opportunité de transférer la compétence éclairage public, pleinement et entièrement à la Communauté de communes afin de définir une politique globale sur l'ensemble du territoire sur cette compétence. Malheureusement dès après le vote favorable des communes sur cette proposition, une volte-face a été opérée par des considérations, j'en ai l'intime conviction qui n'ont pas pris en compte l'intérêt du territoire mais plutôt des logiques budgétaires à court terme et aussi des logiques politiques personnelles.
Je n'ai pas souhaité soutenir le projet des statuts présenté le 2 octobre dernier car il illustrait une fois encore les logiques rétrogrades qui desservent notre territoire. Mais je suis par ailleurs responsable du fonctionnement démocratique de notre institution et j'ai respecté la décision majoritaire qui a validé ce type de statuts. Pour les mêmes raisons, j'ai eu la même démarche avec la question relative à l'intérêt communautaire. Celle-ci étant conditionnée pour être adoptée par la nécessité d'être votée par la majorité des 2/3 du Conseil communautaire, elle a été rejetée car des élus des trois communes membres, appartenant à des bords politiques différents, se sont retrouvés dans mon analyse" (...) "Je forme le voeu que le bon sens, que l'intérêt réel du territoire permettent une prise de conscience de ce qui sert et de ce qui dessert notre établissement public, nos habitants et notre territoire. Je vais engager des démarches dans votre direction pour qu'ensemble puisse être reposée et refondée cette analyse objective des besoins du territoire. Elle doit seule précéder nos décisions, pour les compétences comme pour un sujet majeur à venir : le périmètre de notre intercommunalité"
Florence Genestier