Publié il y a 8 ans - Mise à jour le 31.03.2016 - thierry-allard - 3 min  - vu 1258 fois

FAIT DU JOUR Une première mondiale à Marcoule dans le démantèlement nucléaire

Une maquette de Maestro (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Il porte bien son nom : le robot Maestro, qui était déjà pionnier et unique au monde, utilise désormais le laser pour démanteler les installations nucléaires. Une première mondiale.

Et c’est sur le site du CEA Marcoule. Tout sauf un hasard : « on a 22 installations nucléaires de base en phase d’assainissement démantèlement, explique la directrice de l’assainissement démantèlement nucléaire du CEA Laurence Piketty. Et les plus gros chantiers sont à Marcoule. »

Maestro, le maître des milieux « hostiles »

Sauf que qui dit démantèlement nucléaire dit irradiations, et donc très souvent impossibilité d’envoyer des agents en chair et en os, même dûment équipés, procéder à la découpe et à l’enlèvement des matériaux contaminés des installations nucléaires à démanteler. Il a donc fallu développer la robotique pour intervenir dans ces milieux dits « hostiles. »

C’est dans ce contexte que Maestro est né, après plus de dix ans de recherche et développement. « Il fallait qu’il puisse intervenir en milieu hautement radioactif, qu’il soit facilement décontaminable pour ne pas devenir lui même un déchet nucléaire, être fiable et agir comme le prolongement du bras de l’opérateur », énumère Didier Leterq, chef du département technologique du CEA Marcoule. Un cahier des charges relevé, que les équipes du CEA, de l’Ifremer et de l’entreprise française Cybernetix ont relevé.

Le robot Maestro sur une plateforme munie de chenilles. Le robot peut également être placé au bout d'un mât ou sur un pont aérien (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Maestro est donc en titane, pour une décontamination facile et une grande résistance et, avec six axes de rotation, se veut le plus ressemblant possible du mécanisme d’un bras humain, pour une grande liberté de mouvement. Au bout du bras, plus d’une dizaine d’outils, de la disqueuse à la scie en passant donc par la torche laser, peuvent être branchés et pilotés à distance. Aux commandes, à l’abri des radiations nucléaires, l’opérateur pilote Maestro via un poste de commande muni d’un retour d’effort, « pour que l’opérateur ressente le contact du bras avec l’élément à démanteler », précise Didier Leterq.

Maestro peut donc intervenir dans des milieux extrêmement hostiles, jusqu’à 10 000 Gray. Si cette unité de mesure quelque peu savante ne vous dit rien, sachez qu’être exposé à un lieu présentant une radioactivité d’un seul Gray est létale en seulement 30 minutes. Et cette technologie de pointe requiert une formation elle aussi de pointe. Ainsi, tous les opérateurs, appelés en interne « pilotes », sont d’abord formés par le biais de la réalité virtuelle, dans la salle immersive entièrement équipée du CEA, avant de passer à des tests à l’échelle 1 sur des éléments non-contaminés. Une fois ces deux étapes relevées, les « pilotes » peuvent opérer sur des installations en haute activité nucléaire.

Le robot Maestro en pleine action dans l'Atelier Pilote de Marcoule (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Une première mondiale qui intéresse les Japonais

Maestro est donc en fonction dans deux installations du CEA Marcoule depuis 2015 : l’atelier pilote, qui était conçu pour mettre au point des procédés pilotes, et l’usine UP1, qui a été avant son arrêt en 1997 la première usine française de retraitement des combustibles irradiés par les trois réacteurs de Marcoule, lorsqu’ils étaient en fonctionnement. Du côté de l’atelier pilote, il permet de démanteler les 5 kilomètres de tuyauterie de l’atelier qui représentent une dizaine de tonnes de déchets très irradiants. Le chantier, qui a démarré au printemps 2015, doit durer encore deux ans.

Le "pilote" de Maestro, dans l'Atelier Pilote de Marcoule (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Mais la première mondiale se situe à quelques dizaines de mètres de là, dans l’usine UP1. C’est là que la découpe laser permise par Maestro rentre en piste : « un dissolveur fait 4 mètres de haut, 2 mètres de diamètre et plus de 4 tonnes, présente Samuel Blanchard, chef du projet UP1. Il est fait en uranus, un métal très dur et très épais. » Un matériau impossible à découper autrement que par laser et qui se trouve, pour parachever le tout, dans un environnement très radioactif, très exigu et difficilement accessible.

Depuis son poste de commande installé à l’extérieur d’UP1, l’opérateur pilote la découpe laser du dissolveur, qui finira découpé en morceaux de 20 centimètres carrés qui seront ensuite retraités. Impossible de voir la manœuvre en vision directe : seuls les moniteurs installés dans le poste de commande permettent de voir le faisceau surpuissant découper en l’espace de quelques dizaines de secondes le métal du dissolveur. De quoi découper complètement le dissolveur « en 50 heures cumulées », explique Samuel Blanchard. En 2017, le deuxième dissolveur passera à son tour sous le laser de Maestro, et le troisième suivra.

Maestro en pleine découpe au laser du dissolveur de l'usine UP1 de Marcoule (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Une technologie qui facilite grandement le démantèlement, « et qui pourra être valorisée auprès de nos partenaires Areva et EDF », affirme Laurence Piketty. Plus loin, cette première mondiale intéresse les Japonais pour leur centrale de Fukushima : le ministère de l’industrie Japonais a confié au début de l’année au CEA et à Onet Technologies un projet visant à démontrer la faisabilité de la découpe laser pour la récupération des débris de combustibles des cœurs fondus des réacteurs de la centrale nucléaire japonaise. Après l’atelier pilote et les dissolveurs de Marcoule, Maestro pourrait bien ajouter la centrale de Fukushima à son palmarès.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Thierry Allard

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