FAIT DU JOUR Une voiture électrique à 100 euros par mois : l’heure du bilan pour le leasing social
Une voiture électrique neuve pour 100 euros par mois : la promesse du dispositif de leasing social mis en place par le gouvernement était alléchante. Après avoir pulvérisé ses objectifs annuels, le dispositif a été suspendu pour 2024 dès lundi, mais sera reconduit en 2025. L’heure de tirer un premier bilan avec des concessionnaires gardois.
Bien que sous conditions de ressources et d’utilisation, puisque les gros rouleurs étaient ciblés (voir encadré), le moins qu’on puisse dire c’est que le leasing social a trouvé son public. Si le gouvernement tablait sur un quota de 20 000 à 25 000 véhicules en 2024, et qu’il était probable qu’il n’y en aurait pas pour tout le monde, en un mois et demi 50 000 ménages en ont bénéficié avant la suspension du dispositif pour 2024 annoncée ce lundi.
Au total, 22 modèles de 9 marques différentes étaient éligibles, des modèles forcément fabriqués en France ou en Europe. Parmi ces marques, Peugeot. À Bagnols, Romain Pailhon, concessionnaire de la marque au lion, a vu débarquer "une clientèle qu’on n’a pas l’habitude de voir sur du neuf, avec plus un profil pour l’occasion", explique-t-il. Après avoir reçu "beaucoup d’appels" au cours des quinze premiers jours du dispositif, annoncé en décembre pour une mise en place en janvier, le concessionnaire a constaté un afflux de clients "qui n’avaient pas toujours les bons documents et n’étaient pas toujours éligibles".
Reste que le leasing social a amené du flux au sein de la concession, "avec des nouveaux clients, ce qui en termes de business est toujours bon", affirme Romain Pailhon, qui a écoulé une dizaine de véhicules dans ce cadre, et aurait pu "monter jusqu’à une trentaine" si tous les dossiers étaient passés. Des nouveaux clients majoritairement repartis avec une e-208. Il faut dire que ce modèle était proposé à 99 euros par mois sans apport dans le cadre du leasing social, contre 200 à 250 euros en temps normal en fonction de l’apport.
Mais qui dit flux dit délais de livraison. "Oui, il y a les délais à gérer, mais à ce prix, les gens sont plus enclins à attendre", avance le concessionnaire, qui pointe une autre conséquence de ce dispositif. "Du fait du profil des clients, ça a cannibalisé le marché de l’occasion", affirme Romain Pailhon, et ce alors que sur l’occasion, après une forte hausse des prix suite à la crise sanitaire, "les prix ont tendance à chuter un peu."
À Bagnols toujours, chez Renault Bruno Benayer a constaté "pas mal de demandes" et a effectué une quinzaine de ventes dans le cadre du leasing social, des Mégane et des Twingo. Pour autant, son bilan est mitigé, face à un dispositif qui "désorganise le marché, ce qui n'est pas forcément bon".
Et Bruno Benayer se pose déjà une question pour l'après : "Le retour des voitures dans trois ans est un gros sujet, les voitures ciblées pour le dispositif étaient peu équipées, ce qui risque de tirer les prix vers le bas lors des reprises." Le risque étant aussi de se retrouver avec des voitures d'entrée de gamme sur les bras. Bref, "ça a fait du flux, mais ce n'était pas énorme en rentabilité, et ça va être un souci dans trois ans", résume Bruno Benayer, qui n'est donc "pas dans l'euphorie."
"Les gens sont arrivés avant le début de la mesure"
Sur Alès, le concessionnaire Turini Auto (Kamon Automobiles) s'est retrouvé rapidement submergé par les demandes, et ce bien avant le début de l'opération. Avec la publicité autour du leasing social électrique par les marques éligibles, les clients ont pris les devants pour profiter rapidement de cette offre alléchante : "Les gens sont arrivés avant le début de la mesure. On a commencé à les voir sur la deuxième quinzaine de décembre", dévoile Renaud Grégoire, vendeur de véhicule neuf dans la concession.
Des voitures à 49 euros ou 69 euros par mois... ce n'est pas tombé à l'oreille d'un sourd. Turini Auto proposait trois voitures différentes : la FIAT 500 et la 600 pour la marque italienne, le Jeep Avenger pour le pavillon américain. Ainsi, pas moins de 200 prises de contacts ont été effectuées avec les particuliers, pour une quarantaine de dossiers qui devraient aller jusqu'au bout. Pour l'État, l'arrêt de la mesure a un intérêt financier, pour les concessionnaires cela amènera bien sûr moins de trafic même s'ils vendront des produits quoi qu'il arrive, "la mauvaise nouvelle est surtout pour le client", précise Renaud.
"On est déçu que ça s'arrête si vite"
Pour Skoda Alès du groupe Laganier, le processus a été différent. L'éligibilité a démarré il y a une petite dizaine de jours, ce qui n'a pas profité longtemps à la concession : "On est déçu que ça s'arrête si vite pour nous parce que c'est générateur d'affaires. Ce n'est que depuis début février que le constructeur a pu proposer une offre, on a ramassé les miettes en quelque sorte", déplore Olivier Santamaria, conseiller commercial Skoda.
Il nous explique que la marque a dû faire de nombreux efforts pour essayer d'être éligible. Un seul modèle était concerné : le Skoda Enyaq en version 60 : "Il y avait très peu de modifications possibles, c'était le véhicule avec sa peinture métal parce que les remises ont été poussées au maximum. Mais pour moi, le véhicule se suffisait déjà à lui-même", précise Olivier.
Le professionnel de la vente a quand-même relevé une zone d'ombre dans cette proposition de l'État : "On ne peut pas dire que le gouvernement ait été très clair. Les gens ne savaient pas s'ils étaient éligibles, quel était leur revenu fiscal de référence... C'était peut-être le seul défaut, parce que certaines personnes se sont rendues compte trop tard qu'elles pouvaient bénéficier de cette offre", juge-t-il.
"On ne sait pas ce qu'on proposera aux clients qui viendront rendre leur véhicule"
Concerné dès le début, Renault Dacia Nîmes du groupe GGP Auto a proposé à ses clients quatre véhicules : les Twingo et Mégane e-tech dans un premier temps, avant que les Zoé et Kangoo e-tech ne viennent s'ajouter à l'offre. "On a pas encore de retour de la part du constructeur concernant la volumétrie, mais ce qui est certain c'est qu'on a eu énormément de demandes", affirme Patrick Tronquet, directeur de la concession.
Si l'offre a été bénéfique pour les constructeurs en général parce que les usines ont bien fonctionné, il s'inquiète pour la suite : "Ça a été une vente extrême. Quand la durée de location sera expirée, on ne sait pas ce qu'on proposera aux clients qui viendront rendre leur véhicule", s'interroge Patrick Tronquet.
Attention toutefois, le décret n° 2024-102 du 12 février 2024 relatif aux aides à l'achat ou à la location de véhicules peu polluants stipule qu'aucune sous-location n'est autorisée pendant la période de validité du contrat de location. En cas de non-respect de la règle, une amende de 1 500 euros pourrait vous être infligée.
Un dispositif sous conditions
Le leasing social est réservé aux personnes majeures domiciliées en France effectuant plus de 8 000 kilomètres par an dans le cadre de leur travail avec leur voiture personnelle ou habitant à plus de 15 kilomètres de leur lieu de travail où ils se rendent avec leur voiture personnelle. Le revenu fiscal de référence du foyer ne doit pas dépasser 15 400 euros par part. L’aide au leasing est d’une durée minimale de 3 ans, renouvelable une fois. Les voitures concernées sont électriques, soit neuves, soit d’occasion de moins de 3 ans et demi, construits en France ou en Europe. Les marques concernées sont : Renault, Peugeot, Citroën, Nissan, Opel, Fiat, Jeep, Hyundai et Volkswagen. 22 modèles de ces marques étaient éligibles sur la première mouture du dispositif, qui sera reconduit en 2025.