FAIT DU SOIR À Bagnols-sur-Cèze, l'esplanade du monument aux morts s'appelle désormais Maurice-Aurelle
"L'existence de Maurice Aurelle dépassait ce que l'on appelle simplement vivre". Ces mots sont ceux de Michèle Landeau, petite-fille de cette figure un peu oubliée de la Résistance à Bagnols-sur-Cèze. En ce 8 mai, jour de mémoire et de commémoration, l'omission est réparée puisque l'esplanade où se dresse le monument aux morts porte désormais le nom de Maurice Aurelle.
Deux plaques ont été dévoilées au cours de la cérémonie, conférant à cette esplanade (qui fut la cour de l’ancienne école primaire du Château) longtemps restée sans dénomination, un pan de l'histoire bagnolaise et de la vie de Maurice Aurelle. C'est son ami, Jean Gouret, qui a pris la parole au pupitre pour raconter le parcours de ce Résistant et fervent défenseur de la liberté et du "Plus jamais ça".
Maurice Aurelle est né en 1889 et décédé en 1974. Aujourd'hui, il repose au cimetière de Pierrelatte, au côté de son épouse Marguerite. Dès la Première Guerre mondiale en 14-18, cet homme s'illustre en héros. "Il a été blessé à deux reprises et chaque fois, après soins et rétablissement, il repartait à l'assaut et faisait l'admiration de ses supérieurs", raconte son ami. La médaille militaire ainsi que la croix de guerre lui seront décernées. Ses blessures de guerre lui vaudront une invalidité de 45 %. Maurice Aurelle retourne ensuite dans le corps des gardiens de la paix et devient instructeur principal à la préfecture de police de Paris.
"À 52 ans, il aurait pu vivre tranquillement (...). Mais il va encore être un héros"
"Lui qui avait admiré Pétain avant, ne peut accepter la collaboration avec les Allemands après la défaite de 1940. Il ne supporte pas la tournure que prennent les choses, les nouvelles tâches que l'on demande aux policiers, la pression mise sur les Communistes et la chasse aux Juifs qui se profile", narre Jean Gouret. Fidèle à son idéal de liberté, Maurice Aurelle anticipe son départ à la retraite en utilisant ses bonifications dues à ses blessures de la Guerre 14-18.
C'est ainsi, qu'avec son épouse, il s'installe à Bagnols-sur-Cèze en 1941 au n°9 de l'ancienne route d'Avignon, l'actuelle avenue Paul-Langevin. Juste en face du magasin du chef de la milice. Il a choisi cette ville car sa soeur y résidait. "À 52 ans, il aurait pu vivre tranquillement de sa retraite en se disant "Moi, j'ai déjà donné". Mais il va encore être un héros et s'implique immédiatement dans des luttes clandestines contre l'occupant, en attendant que les Alliés viennent délivrer la France", poursuit son ami.
En novembre 1942, il participe à une réunion se tenant au domaine de Saint-George entre Vénéjan et Saint-Étienne-des-Sorts. À cet instant, Raoul Trintignant, père de l'acteur Jean-Louis, est nommé responsable de l'Armée secrète du canton de Pont-Saint-Esprit, tandis que Maurice Aurelle est désigné responsable du canton de Bagnols et sera chargé de l'intendance hommes, armes, nourritures au maquis Bir Hakeim de Méjannes-le-Clap. Mais le 1er mars 1944, en fin de matinée, il est arrêté au café Camproux, puis dirigé à la prison des Baumettes à Marseille pour un interrogatoire sous la torture. Le lendemain, il est transféré à la caserne Vallongue de Nîmes, puis sera déporté le 3 mars dans un camp allemand. Il ratera la Libération de Bagnols en août 1944 et ne reviendra dans le Gard rhodanien que le 4 juin 1945.
Un "combat pour la liberté" poursuivi des années encore
"Pendant sa captivité, il avait été désigné par une délégation spéciale pour être maire de Bagnols. Mais très fatigué et par respect pour son ami Henri Jeanjean, qui avait assuré l'interim, il n'était pas question de lui reprendre la place", rappelle Jean Gouret. Maurice Aurelle appelait "camarade" tous ceux qui avaient lutté pour la liberté, mais ne se ventait jamais du rôle que lui avait pu jouer. La modestie. Tellement modeste que ce n'est qu'en 1995, en tombant sur une liasse de papiers officiels, que sa petite-fille a découvert l'implication que Maurice Aurelle - alors surnommé "Henri" - a pu avoir dans la Résistance. Il a reçu le grade de capitaine des Forces françaises de l'Intérieur, une troisième citation "À l'ordre du corps d'Armée", ou encore la médaille de la Résistance et a été fait chevalier de la Légion d'honneur.
Tout le restant de sa vie, Maurice Aurelle a continué son "combat pour la liberté" à travers des expositions, des conférences sur les camps de la mort. Brandissant toujours le "Plus jamais ça", comme maxime de vie. Au-delà de cette dénomination d'esplanade, ce Résistant bagnolais a désormais une place dans les archives municipales et un livret biographique a été édité à quelques exemplaires. "Ce qu'il est important de retenir de Maurice Aurelle, c'est qu'il a su allier tous les courants, toutes les pensées, tous les partis politiques pour une seule chose : protéger nos libertés", lance Jean-Yves Chapelet, le maire de Bagnols-sur-Cèze.
Ses paroles résonnent particulièrement en cette commémoration de la fin du second conflit mondial, mais aussi en cette année 2022 où la guerre est aux portes de l'Europe. Son discours prononcé au square Thome était également tourné vers l'ouverture, vers l'Union européenne, vers la fraternité et la paix. Même tonalité dans les mots du président des Anciens combattants, Jean-Claude Mougenot, qui chaque année honore ce devoir de mémoire "pour que ces faits qui ont existé ne se reproduisent plus". Et que des combats, comme celui mené par Maurice Aurelle, n'aient pas été vains.
Marie Meunier
Retrouvez ci-dessous les autres images de la cérémonie du 8 mai à Bagnols-sur-Cèze :