FAIT DU SOIR À Villeneuve-lez-Avignon, les sangliers ravagent les cultures du Mas de Carles
Depuis un mois, des convives peu délicats s'invitent sur les terres du Mas de Carles : il s'agit d'une famille de sangliers. Ils ont commencé par des visites régulières des oliviers en haut du site, effrayant au passage les poulets. Mais il y a une quinzaine de jours, ils ont forcé le grillage et ont littéralement labouré trois serres. La quasi-totalité des futures récoltes est détruite.
Dans ces serres, étaient cultivées en bio des patates douces, des aubergines, des pastèques et des poivrons. Il n'y a presque plus rien dans cette terre qui semble avoir été martelée en tout sens. "On prépare les plantations depuis fin-février. Ça a été des heures d'installation de l'irrigation, de semis, d'entretien... Ces cinq mois de travail ne se concrétiseront pas", déplore Matthieu Dutertre, encadrant technique dédié à la production végétale sur le Mas de Carles.
Difficile pour l'instant d'évaluer le manque à gagner... Mais entre les ventes en moins et les investissements en plus de clôture pour renforcer les protections des cultures, les dommages s'élèvent facilement à plusieurs milliers d'euros. "On vérifie toutes les clôtures pour remettre en état celles qui ont été forcées par les sangliers. On doit fermer les tunnels et on envisage de doubler avec une clôture électrique", explique Benjamin Arcusi, aussi encadrant technique spécialisé dans la maintenance.
Le plus grand préjudice reste celui affectant le moral déjà fragile des troupes, qui ont vu leur labeur détruit en l'espace de quelques minutes. Benjamin poursuit : "Au Mas de Carles, nous ne suivons pas une logique de rentabilité, nous n'avons pas de chiffre d'affaires à atteindre. Nos ventes nous permettent de compléter nos revenus. Cet événement est surtout dommageable pour ces personnes abîmées de la vie, qui se sont investies dans ce travail, qui ont mis du leur et qui ont vu les serres détruites. Ça met un coup au moral. C'est aussi tout le travail social que l'équipe encadrante mène avec eux qui a été mis à mal."
Des sangliers assoiffés par la sécheresse en quête d'eau
Créée dans les années 80, l'association du Mas de Carles accueille aujourd'hui 55 résidents. Souvent, ce sont des personnes qui ont connu un accident de la vie et qui ont dégringolé, tombant parfois dans des conduites addictives. Dans ce "lieu à vivre", niché dans la garrigue entre Villeneuve et Pujaut, ils sont hébergés et nourris avec un loyer à la hauteur de leurs moyens. Ainsi ils peuvent véritablement "faire une pause, se concentrer sur eux et remettre le pied à l'étrier". Pour reprendre confiance, les résidents effectuent des activités, comme le bricolage, la fromagerie... Et ils sont quelques-uns à faire tourner le maraichage, aujourd'hui menacé par le passage des sangliers.
C'est le premier été que cet omnivore génère autant de dégâts au Mas de Carles. Loin d'être un hasard, la présence accrue de cette espèce près des zones habitées s'explique en partie à cause de la sécheresse. Les équipes du Mas de Carles ont découvert que les sangliers souffraient également du manque d'eau : "On le voit, c'est ce qu'il y a sous-terre qui les intéresse. Ils sont tout d'abord rentrés dans notre oliveraie car on irrigue les arbres. Ils recherchent la fraîcheur et les insectes", atteste Benjamin en nous montrant la terre retournée autour des troncs noueux. Le problème, c'est qu'en faisant cela, les sangliers mettent à jour les racines et radicelles des arbres qui sont plus exposées au temps sec.
Même phénomène dans les trois tunnels de serre : les sangliers ont creusé des sillons et retourné tous les plants. Il suffit de deux heures à l'air libre pour que les tiges meurent. Ces mammifères ont également provoqué un grand stress chez les poulets, élevés à côté des oliviers: "Chaque soir, on les enferme puis on les lâche la journée. Au niveau sanitaire, on ne peut pas non plus prendre le risque d'avoir des animaux sauvages au contact de volailles d'élevage."
Les chasseurs non-autorisés à tirer à cause du risque incendie
Alors comment lutter contre cette espèce qualifiée souvent de "nuisible" ? Au Mas de Carles, le niveau de protection des cultures va monter d'un cran alors que sept serres sont encore intactes. L'encadrant technique dédié à la maintenance avance : "On s'est rapproché des organismes de chasse de Villeneuve et de Pujaut, ils nous ont dit qu'il était en ce moment impossible de tirer à cause du risque incendie." Risque incendie qui est accru par la sécheresse extrême. Sécheresse extrême qui pousse les sangliers à se rapprocher des zones habitées... Bref, c'est un cercle vicieux. Pour limiter les dégâts, les associations de chasse multiplient les aires d'abreuvement et de nourrissage dans la nature pour maintenir ces animaux à l'écart.
Malgré tout, les petites mains du Mas de Carles ne cèdent pas au découragement. Au contraire, dans l'équipe encadrante, on reste philosophe : "En quelque sorte, nous nous battons contre les forces de la nature en cultivant des produits qui ne pousseraient pas sans serre, sans entretien. À nous de mettre en oeuvre les moyens pour les protéger, car nous ne maîtrisons pas tout. On doit faire avec notre environnement et avec cette cohabitation", conclut Matthieu Dutertre.
Marie Meunier
Vous pouvez soutenir le Mas de Carles en achetant les produits de la ferme. Ils sont à retrouver sur les marchés : le lundi soir sur les allées de l'Oulle à Avignon, le mercredi soir sur les hauts de Villeneuve-lez-Avignon et le jeudi matin sur le grand marché de Villeneuve. Un stand est aussi tenu le samedi devant le Carrefour market villeneuvois. Vous pouvez également soutenir financièrement l'association en cliquant ici.