FAIT DU SOIR "Cela fait 52 ans que j'habite Pont-Saint-Esprit, je n'ai jamais vu ça en ville"
Une fusillade est survenue dans la nuit de samedi 28 à dimanche 29 octobre, dans le centre-ville de Pont-Saint-Esprit. Deux hommes ont perdu la vie, deux autres ont été blessés. Ce douloureux évènement est toujours au coeur de toutes les conversations deux jours plus tard.
"Des bonbons ou un sort !" Les enfants déguisés à l'occasion d'Halloween amènent un peu de légéreté à la lourde atmosphère qui a envahi Pont-Saint-Esprit. Dans les cafés, les clients lisent attentivement le journal en quête des dernières nouvelles concernant la fusillade qui s'est produite dans la nuit de samedi à dimanche, vers 2h du matin. Les vitres du Café des voyageurs ainsi que du salon de coiffure voisin portent encore les stigmates des tirs. "C'est chaud...", glisse un adolescent à son ami, en passant devant les deux vitrines.
Les faits se sont déroulés devant le bar PMU qui a quand même pu rouvrir dimanche à 10h30 au lieu de 6h en temps normal. Le monde était au rendez-vous avec son lot d'habitués, de personnes témoignant de leur soutien mais aussi de curieux. Ce mardi en fin de matinée, le Café des voyageurs était de nouveau bien rempli. Quelques clients amorcent des conversations du quotidien, tentent de renouer avec leur routine.
"On ne se sent pas du tout en sécurité"
Mais les esprits sont marqués par cet évènement tragique qui, pour beaucoup, cristallise un sentiment d'insécurité grandissant. "On ne se sent pas du tout en sécurité et ça ne date pas d'aujourd'hui. Personne ne fait rien", affirme-t-on derrière le bar où l'inquiétude est montée encore d'un cran. Une cliente indique s'être faite agresser dans une petite rue derrière les allées il y a peu. "Quand on dit quelque chose, on se fait insulter", poursuit-on au café.
Beaucoup d'habitués disent voir de la consommation de stupéfiants sur la zone : "Il faut descendre le soir dans la rue pour comprendre ce qu'il se passe." Sentiment d'insécurité, atmosphère pesante, invectives... C'est ce qui a poussé Claude à quitter la ville pour s'installer en Ardèche. Il revient une fois par semaine chercher le courrier de son immeuble rue Saint-Antoine : "Vous ne pouviez plus traverser la rue sans vous faire agresser". Lui et une autre riveraine assurent y avoir déjà vu tirer : "Ça s'est calmé mais c'était le far west", commente-t-elle.
La peur de "se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment"
Dans un autre bar des allées, Jean-Pierre(*) feuillette lui aussi le journal. "Je plains ces jeunes qui sont décédés. On ne tue pas les gens comme ça, ce n'est pas normal. Je pense à leur famille." Lui aussi a vu sa ville se dégrader : "Quand on voit ce qu'il s'est passé, ça fait peur. On ne s'attend pas à ça ici. Cela fait 52 ans que j'habite Pont-Saint-Esprit, je n'ai jamais vu ça en ville. Il y en a eu des bagarres, des choses mais là, on passe vraiment au degré supérieur."
Il se rappelle de ses jeunes années où il rentrait tard les soirs de week-end. Lui comme d'autres habitants pensent à ces gens qui pourraient "se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment". Du côté de l'association des commerçants spiripontains ECAU, cela fait déjà plusieurs années que l'on tire la sonnette d'alarme lors de différentes réunions organisées avec la municipalité. Que l'on fait remonter ce sentiment d'insécurité qui a pris une toute autre résonance ce week-end.
La présidente d'ECAU, Elisabeth Rieux, relate : "Il y a de la vente de stupéfiants, des jeunes qui se rassemblent. Il n'y a pas d'intimidation particulière mais cela n'incite pas les clients à venir, surtout tardivement. Des guetteurs qui débouchent des rues sur les allées, ça ne rassure pas."
Des faits qui relèvent "du grand banditisme"
Elle poursuit : "Certains de nos clients ont déménagé pour ne plus voir ça. Dans les agences immobilières, des gens ont vu leurs compromis de vente sauter à cause de ça, de la saleté... Des personnes disent ne plus aller en centre-ville à partir d'une certaine heure. À la fin, tout cela impacte nos chiffres d'affaires. (...) On est déjà touché par le contexte économique compliqué." Elisabeth Rieux espère que "des mesures" seront prises et souhaite que la mairie, la gendarmerie et les commerçants travaillent tous à redorer l'image de la ville.
Contactée par Objectif Gard, la maire de Pont-Saint-Esprit, Claire Lapeyronie, "comprend l'émotion et l'inquiétude" des Spiripontains. Mais elle tient à rappeler que ce qu'il s'est passé ce week-end relève du grand banditisme jamais vu dans la ville et "n'a rien avoir avec les faits que les gens voient au quotidien."
Elle insiste : "Il faut bien dissocier les deux et ne pas faire d'amalgame. (...) Historiquement, on se trouve dans le couloir de circulation du grand banditisme entre Lyon et Marseille. Cette fusillade s'est passée chez nous mais ça aurait pu être ailleurs." Elle en appelle à une "politique claire et ambitieuse" de l'État pour aider les communes dans ce travail : "Sans ligne claire et les moyens nécessaires, on ne pourra pas lutter. Il faut une réponse globale nationale. Ce business frauduleux se déplace car ils sont chassés d'autres endroits."
Concernant le sentiment d'insécurité, la municipalité assure qu'un "travail partenarial avec la gendarmerie nationale et la police municipale" est mené et va continuer. Encore la semaine dernière, la gendarmerie de Pont-Saint-Esprit a procédé au contrôle de plusieurs épiceries de nuit. Il y a aussi les caméras de vidéo-protection, la lutte contre le logement indigne, contre les marchands de sommeil à travers le permis de louer. "Sans oublier la nouvelle caserne de gendarmerie, avec 20 militaires présents, qui constitue un élément fort de la sécurité à Pont-Saint-Esprit", ajoute la maire. Cette dernière avance même que "tous les indicateurs de faits délictueux traités par la gendarmerie sont stables".
(*) Ce prénom a été modifié.
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