Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 16.10.2020 - corentin-migoule - 4 min  - vu 1369 fois

FAIT DU SOIR Thitaume rêve de Julien Doré comme allié pour changer le monde

Matthieu Gargallo a installé un bureau en pleine nature et aime venir y travailler pour trouver de l'inspiration. (Photo Corentin Migoule)

Originaire des Salles-du-Gardon, le trentenaire a associé son nom au monde de la bande dessinée pour enfants en devenant le scénariste de la série Game over et de celle des Lapins crétins dont le treizième tome est sorti aujourd'hui. Mais le Cévenol veut quitter l’univers du gag pour se consacrer pleinement à l’élaboration d’un projet environnemental aux contours encore secrets mais pour lequel l'appui des scientifiques et artistes sera nécessaire.

Matthieu Gargallo aurait dû naître à Alès mais c’est finalement à l’hôpital de Montpellier, mieux équipé pour répondre à un petit problème de santé, que ce pur Cévenol voit le jour en 1985. En 2008, après l’obtention d’un baccalauréat scientifique et d’une licence en psychologie, il suit des études à l'Institut universitaire de formation des maîtres de Nîmes pour devenir professeur des écoles. L’année suivante, il apprend en lisant un article dans Le Journal de Spirou que Midam cherche des scénaristes pour sa bande dessinée Game Over. À force d’abnégation, ses gags finissent par être acceptés et Midam le laisse écrire des albums complets de Game Over.

« Je me suis rendu compte que ce qui me plaisait c’était de divertir les enfants en créant, et non pas de leur transmettre des savoirs en appliquant un programme qui laisse peu de place à la créativité », justifie celui qui a longtemps passé ses étés avec le costume d’animateur en centre de loisirs. Matthieu Gargallo ne sera donc pas professeur des écoles, choisissant d’embrasser pleinement un destin d’artiste.

Il prend alors le pseudonyme, Thitaume, une anagramme de son prénom, et est choisi par Ubisoft, une célèbre entreprise française de développement de jeux vidéo, pour adapter les Lapins crétins en bande dessinée. Avec la complicité du dessinateur Romain Pujol puis celle de Thomas Priou, le scénariste connaît un véritable carton, chaque tome s’écoulant entre 80 000 et 100 000 exemplaires.

1,2 millions d’albums vendus

1,2 millions d’albums vendus plus tard, l’auteur, qui s’est « éclaté pendant près de 10 ans en ayant beaucoup de liberté », livre aujourd'hui un treizième tome qu’il pense être le dernier. La thématique de la nourriture, « un sujet qui peut intéresser tout le monde » et pour laquelle le scénariste a veillé à garder la double lecture, à la fois pour les enfants et les jeunes adultes, y est abordée de manière drôle et ludique. Souhaitant le meilleur à son successeur, Thitaume veut redevenir Matthieu.

Le treizième tome des Lapins Crétins que Matthieu Gargallo tient dans les mains est en vente depuis ce matin. (Photo Corentin Migoule)

Au sortir d’un confinement qui, au-delà de ses dégâts économiques, a aussi eu des vertus positives, celui qui a grandi en Cévennes, avant de revenir y vivre après une escapade toulousaine, a envie de donner un nouveau virage à sa vie. Sa récente paternité n’y est certainement pas étrangère : « J’ai des enfants en bas âge. Je pourrais choisir la sécurité en continuant ce que j’ai entrepris et qui fonctionne bien financièrement. Mais j’ai envie de leur montrer qu’on peut arriver à vivre de ce qu’on aime en suivant ses envies », s’enthousiasme l’intéressé. Il prend ensuite l’exemple de ses parents qu’il admire, et de son papa qu’il a vu se "bousiller" à l’usine avec les fameux "trois-huit".

Autant d’éléments qui renforcent son envie de liberté, propre à la « famille des créatifs » dont il est fier de faire partie. Cette nouvelle trajectoire, aux allures volontairement mystérieuses car sinon l’auteur « aurait l’impression d’accoucher prématurément », prendra la forme d’un roman graphique, basé sur son histoire personnelle. Celle d'un jeune père de famille, auteur de gags, qui a grandi dans un hameau où il n’y avait pas l’eau courante, de nature plutôt solitaire et casanier, qui a une prise de conscience, et qui veut agir pour rendre meilleur le monde dans lequel on vit en proposant un projet autour de l’eau.

Une foi inébranlable en l'humanité

Pour y parvenir, Matthieu Gargallo s’est établi un bureau en pleine nature, à une dizaine de minutes à pied de son domicile, « pour être dans la réflexion, le ressenti et l’intime. » Et s’il s’est donné un an pour concrétiser son projet qu’il espère voir naître à la rentrée 2021, le trentenaire a déjà vu la partie théorique validée par des scientifiques : hydrogéologues, archéologues et spéléologues, qu’il admet n’avoir eu aucun mal à contacter. À l’inverse, sa mise en relation avec des artistes, qu’il juge indispensables à son projet, est plus problématique.

Plus que jamais déterminé, le père de famille est prêt à tout, y compris à contacter Objectif Gard pour tenter de rentrer en contact avec Julien Doré. « Ma mère, qui est fan de lui, m’a prêté son dernier album. Le réchauffement climatique est une thématique très présente dans ses textes. Il pourrait m’aider de plein de façons différentes dans mon projet. S’il adhère, j’ai beaucoup d’idées pour lui et lui en aurait peut-être aussi. » Et d’ajouter en justifiant la présence nécessaire des artistes dans son action : « À notre époque, ce n’est plus suffisant de sensibiliser. Il faut sensibiliser mais il faut aussi agir. Pour rendre la chose attractive, en touchant le plus de monde possible, les artistes ont un grand rôle à jouer car ils ont le pouvoir de nous motiver. »

Conscient que son idée « ne va pas révolutionner le monde », mais que « ce sont plusieurs petites initiatives positives mises bout à bout qui peuvent faire changer les choses », Matthieu Gargallo dégage une foi inébranlable en l’humanité : « Si on en est là c’est paradoxalement parce que l’être humain est bon. Il est créatif, intelligent, capable. Il n’y a qu’à voir toutes les évolutions technologiques. Il a créé des outils incroyables, sauf qu’ils sont mal utilisés ! Pas parce qu’il est méchant, mais parce qu’il a parfois été un peu égoïste et inconscient. Mais on a les compétences pour réparer tout ça. Il suffit d’avoir l’envie de se dire que c’est faisable, de le voir comme un défi. » Un défi pour lequel le Sallois a donc besoin d’alliés comme Julien Doré - le message est passé ! -, et auquel youtubeurs, plasticiens, musiciens et réalisateurs contribueront également.

Corentin Migoule

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