LE VIGAN Haute saison de production chez Well : des paires de bras pour ses paires de bas
Arrivée à la sous-préfecture de l'arrondissement du Vigan au mois de février, Saadia Tameliketcht a souhaité visiter l'entreprise Well, créée en 1927, et qui est l'une des dernières à fabriquer des collants en France.
Cette visite de la sous-préfète, passage obligé pour tout nouvel arrivant, a été l'occasion pour le directeur industriel, Leonello Giorgi, de rappeler les ambitions de la société créée en 1927 dans les Cévennes. Elle se nommait alors Les Bas de France avant de devenir Well en 1972. Son histoire est ponctuée de hauts et de bas, sa plus belle décennie reste les années 90. À ce moment-là, l'entreprise implantée au Vigan fait travailler 1 000 salariés et produit quelque 120 millions d'articles par an pour fournir la grande distribution principalement. Depuis, et parce que les commandes diminuent, la masse salariale a été divisée par 6,6 et la production par 8. "Cela est dû à l'évolution des modes de vie, des tendances de la mode", lance le directeur. Pour autant, la part de marché de la société, l'une des dernières à fabriquer des collants en France, est passée de 18% dans les années 90 à 23% actuellement. "Logique, réagit Leonello Giorgi, puisque le marché s'est réduit." DIM domine le marché du chaussant en France, suivi de Well puis Le Bourget, les deux derniers cités faisant partie du même groupe italien, CSP International.
Pour coller au leader, voire tenter de le détrôner, la marque renouvelle et développe ses gammes de produits. La dernière en date : "Mes gambettes aiment la planète". Cette collection éco-conçue à partir de matière recyclée et revalorisée a été lancée par Well au tout début de l'année dernière. Toujours dans cette démarche responsable, l'entreprise a pris le parti de réduire de 40% la taille de son emballage. Issu de sources responsables, le packaging est produit différemment, composé exclusivement de carton à base de papier recyclé. De plus, le fait de supprimer l'étape du repassage industriel, permet de consommer 3 à 4 fois moins d'énergie que lors de la fabrication d'un collant dit conventionnel. La sous-préfète a salué la mise en oeuvre de "cette production vertueuse." Seulement, pour l'heure, cette nouvelle ligne ne rencontre pas le même succès que celui de la célèbre petite boîte jaune renfermant l'Élastivoile résistant, le collant de la marque le plus vendu en France avec 3 millions d'unités par an. "Mais il faut dire qu'elle a été lancée juste avant le premier confinement, donc les chiffres ne sont pas vraiment représentatifs."
Le challenger du marché du chaussant mise également sur l'innovation. Il s'est doté de machines performantes chacune pouvant assurer le tricotage des fils jusqu'au conditionnement des collants. 70% des opérations sont automatisées de sorte que le temps de main d'oeuvre sur la confection d'un produit se compte en seconde. Toutefois, le savoir-faire et l'oeil du personnel sont indispensables pour gérer la maintenance des machines et garantir la qualité des articles chaussants Well(*). Et en haute saison de production, de juillet à janvier, l'atelier tricotage tourne en 3x8. Des renforts saisonniers sont donc nécessaires, une vingtaine d'ouvriers, mais ceux-là sont difficiles à dénicher cette année. "C'était déjà compliqué l'an dernier, ça l'est encore plus aujourd'hui. Mais le problème n'est pas propre à Well. Ce qui se passe depuis l'année dernière et les aides attribuées aux personnes empêchées de travailler font que nous avons beaucoup de mal à recruter de la main d'oeuvre", explique le directeur industriel. Et le même de poursuivre : "Nous avons réussi à en embaucher trois, mais il y a encore des manques. Cela pourrait être inquiétant si tout à coup nous avions un boom du marché."
La problématique du recrutement se décline sur les postes en CDI, mais sous un angle différent. Le directeur anticipe les départs à la retraite à venir et la nécessité de remplacer le personnel afin de de pérenniser leur savoir-faire unique et bien entendu de maintenir l'activité au Vigan. "Si je prends l'exemple de l'entretien des machines, intervient Leonello Giorgi, ce sont des outils spécifiques. Lorsque nous recrutons une personne, il faut entre deux et trois ans pour être totalement opérationnel, acquérir la maîtrise de l'outil." Dans un futur proche le directeur prévoit le remplacement d'une dizaine de salariés par an. Reste à savoir si face à cette offre, la demande restera aussi timide qu'aujourd'hui.
Stéphanie Marin
*La lingerie qui représente 25% de la production globale de l'entreprise est fabriquée à l'étranger.