Publié il y a 5 h - Mise à jour le 13.02.2025 - Thierry Allard - 3 min  - vu 374 fois

L’INTERVIEW Bernard et Évelyne Couffin : « Les victimes de la route doivent être prises en charge »

Évelyne et Bernard Couffin se battent au nom des victimes de la route

- Thierry Allard

Bernard et Évelyne Couffin lancent une antenne gardoise de l'association Collectif justice pour les victimes de la route. Pour ce couple endeuillé par la mort de leur fils de 36 ans dans un accident il y a un an et demi, il faut que les choses changent du côté de la réponse pénale et de la prise en charge des victimes.

Évelyne et Bernard Couffin reçoivent dans leur pavillon de Saint-Gervais, près de Bagnols. En ce mercredi après-midi pluvieux, ils gardent leur petit-fils, Mathieu, 5 ans et demi. Mathieu était dans la voiture avec sa mère Marion et sa soeur Léa lors de l'accident qui a coûté la vie à leur père Adrien le 9 octobre 2022 sur la route départementale 6 à Saint-Privat-des-Vieux. Un accident causé par un chauffard qui conduisait ivre et très probablement en excès de vitesse. Depuis, Bernard et Évelyne Couffin se battent pour les victimes des accidents de la route et leur engagement passe désormais par l'ouverture d'une antenne gardoise du Collectif justice pour les victimes de la route, dans un département qui compte entre 50 et 60 morts sur les routes chaque année. Interview.

Objectif Gard : Quel est le but de cette association ?

Bernard Couffin : Venir en aide aux victimes de la route. Pas une aide financière, mais un soutien, pour conseiller, guider les victimes. Victimes au sens large : les familles aussi, qui doivent vivre avec ce traumatisme, nous en savons quelque chose.

Cette association vous a-t-elle aidé dans l’épreuve que vous traversez ?

Évelyne Couffin : Notre fils se battait, il manifestait (Adrien Couffin avait des fonctions syndicales dans l’Éducation nationale, NDLR) et quand il est décédé, je me suis dit qu'il fallait que le combat continue. On veut se battre, pour une reconnaissance de l'homicide routier, et pour que le 16 mai soit une journée nationale des victimes de la route.

En quoi est-il important d’obtenir cette reconnaissance d'un homicide routier ?

B.C. : En tant que victimes, ce mot « involontaire » dans « homicide involontaire » nous dérange. Ce mot nous paraît inadmissible pour parler d’une personne qui a bu de l’alcool et qui roule à une vitesse folle avant de causer un accident mortel : pour nous, ce n’est pas « involontaire ». La présidente de notre association se bat depuis seize ans pour arriver à cet homicide routier (une proposition de loi a été faite en ce sens, NDLR), mais il ne faut pas en rester là, il faut que la politique pénale évolue, que les peines soient réellement appliquées.

É.C. : La plupart du temps, la peine est de trois ans de prison dont un an avec sursis, donc en général il n’y a pas de prison. Pour nous, c’est inadmissible.

Il y a aussi la question de la journée nationale.

É.C. : En attendant, chaque année nous mettons une table (Chaque année depuis deux ans, les Couffin disposent une table drapée de noir en centre-ville de Bagnols avec autant de couverts que de morts sur les routes gardoises l’année précédente, NDLR).

Depuis l'accident qui a coûté la vie à leur fils, Évelyne et Bernard Couffin dressent chaque année à Bagnols une table en hommage aux victimes de la route, avec le soutien de la mairie • Archives Thierry Allard

B.C. : Nous allons refaire la table à Bagnols cette année, et je suis en contact avec la mairie d’Alès pour le faire aussi là-bas. Il y a aussi le combat pour la prise en charge des victimes de la route, au niveau juridique, administratif et de soutien psychologique, nous avons dû nous débrouiller par nous-même, à nos frais. Le responsable de l’accident, lui, a été suivi. Les victimes de la route doivent être prises en charge. Car sinon, quel exemple donner aux enfants d’Adrien ? Leur papa a été tué, et il ne se passe rien.

Justement, où en est-on des suites judiciaires de l’accident qui a coûté la vie à votre fils ?

B.C. : On est toujours dans l’attente. Nous attendons toujours les résultats de l’analyse de l’ordinateur de bord de la voiture du mis en cause, on ne connaît pas encore la vitesse exacte au moment du choc. L’ordinateur est parti en Allemagne pour être analysé, puisque c’est une voiture allemande, puis en Roumanie. Et nous n’avons toujours pas de date pour le procès.

É.C. : D’après notre avocat, ce sera d’ici un an, un an et demi.

B.C. : Et ça nous met en colère, c’est en notre défaveur.

É.C. : Je ressens de la haine et de la colère, alors que ce n’est pas moi, je ne suis pas haineuse.

B.C. : Et toute cette détresse-là n’est pas reconnue. Nous avons rencontré d’autres parents de victimes de la route, et nous avons ce même sentiment d’injustice, d’incompréhension.

Votre petite-fille, Léa, a été gravement blessée dans l’accident. Qu’en est-il pour elle aujourd’hui ?

B.C. : Léa était derrière son père, et le choc était latéral. Elle avait six ans et demi. On a failli la perdre, les chirurgiens ne savaient pas s’ils pourraient la sauver, heureusement, ils ont réussi.

É.C. : Et elle nous a sauvé. Mais ça fait un an et demi qu’elle souffre, notamment de son genou, elle a été opérée, puis réopérée en décembre à Montpellier. Pour notre petit-fils, c’est mental : il a vu son père, et il a cru que sa soeur aussi était morte. Et pour nous, c’est un cauchemar tous les jours.

Contact : antenne30justicevictimesroute@gmail.com.

Thierry Allard

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