TRIBUNAL Une mère condamnée à 18 mois de prison pour des violences au gant de toilette
Lunettes épaisses, longue queue de cheval et pull trop large, Majhouba est poursuivie pour des violences sur ses quatre enfants, il y a plusieurs années, notamment à l’aide d’un gant de gommage marocain pendant leur toilette.
« Devant les psychologues, vos enfants donnent des détails très précis. Ils évoquent en particulier un gant abrasif marocain noir et violet avec lequel vous appuyiez très fort sur leurs jambes et leurs parties génitales, qui les pique et leur fait mal…, tente de comprendre le président du tribunal, Jérôme Reynes, en audience correctionnelle, vendredi 18 février. Les certificats médicaux n’attestent pas de signes de violence ou de maltraitance, hormis, une sécheresse cutanée sur les cuisses de vos deux filles. Que pensez-vous de ces examens qui sont compatibles avec leurs témoignages ? »
Claques et insultes
La femme remue la tête en signe de dénégation. « Je n’avais pas de gant. On n’avait même pas d’eau chaude, ni de douche. Souvent les enfants se lavaient au lavabo ! », soutient-elle fermement. Les experts ont cependant pointé des carences effectives au niveau maternel. « Ils semblent qu’aujourd’hui, sans vous, les enfants aillent mieux. Comment l’expliquez-vous ? », s’interroge encore le juge. « Ce doit être parce qu’auparavant, ils assistaient aux violences de leur père sur moi, et que maintenant que je suis partie, il n’y en a plus », se contente-t-elle de répondre.
Le juge insiste : « Ils ont aussi des mots très durs à votre encontre, évoquant aussi des insultes comme "t’es grosse" ou "t’es conne comme ta grand-mère". L’une dit : "elle me tapait avec sa main sur les fesses, le ventre, partout, surtout des claques", tandis que le petit dernier souhaiterait "ne plus avoir de mère », persiste Jérôme Reynes.
"Arabe de service"
En entendant ces mots, la mère de famille est prise de gros sanglots. « Les enfants sont manipulés par leur père et leur grand-mère, parvient-elle finalement à articuler. Pendant des années, j’ai été l’esclave de mon mari et sa mère. Moi, j’étais l’arabe de service, qui ne savait ni lire, ni écrire, Je n’avais même plus le droit de parler à mes enfants. On me disait que j’étais juste la mère porteuse… »
« Elle pleure de ne pas avoir vu ses enfants depuis 2017, mais ce sont des larmes de crocodiles. Elle sait très bien qu’elle les a maltraités », proteste l’avocate de la partie civile. Le procureur se fait plus nuancé. « Je ne demanderai pas une peine excessive car madame est déjà punie d’avoir totalement perdu ses enfants, avance Vincent Edel. Je demande une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis, pour réparer ce qu’ont déclaré avoir vécu les enfants. »
Huis clos familial
L’avocate de la prévenue dépeint finalement un tout autre tableau : un huis clos familial dans lequel la belle-mère aurait pris le contrôle de la maison au décès de son mari. « C’est elle qui fait cours aux enfants tandis que leur maman n’est autorisée qu’à faire la vaisselle, le ménage ou promener le chien. Elle ne peut sortir que quelques minutes, sur le parking devant la maison. Les voisins la décrivent comme une esclave. Ce sont eux qui ont alerté les gendarmes ! », interpelle Philippa Debureau.
Celle-ci pointe également plusieurs incohérences dans le dossier. « On peut penser qu’il y a manipulation des enfants : Sarah, par exemple prétend que madame l’a fait saigner à 10 ans, alors qu’à cet âge-là, elle ne leur donnait plus le bain… En outre, l’ainée assure que sa mère ne l’a jamais violentée, observe encore l'avocat. Enfin, on constate qu’à de nombreuses reprises la famille déménage : en fait, ils prennent la fuite avec les enfants dès que la situation commence à poser question aux voisins ! »
Sa demande de relaxe n’est pas entendue : Majhouba est condamnée à 18 mois d’emprisonnement, dont 12 mois avec sursis et le retrait définitif de son autorité parentale sur ses deux enfants encore mineurs.
Pierre Havez