En début de semaine, la presse locale a reçu un mystérieux mail d'une habitante du centre-ville d'Alès intitulé "Librairie Sauramps Alès, vive inquiétude". Celui-ci évoque un énigmatique "courriel" qui lui aurait été confié de nous faire parvenir. "La ville bruisse, la rumeur enfle, l'inquiétude s'accroît", peut-on lire en préambule. Et de poursuivre : "En réalité, nous ne savons rien, si ce n'est que les rayons sont bien vides, que les nouveautés de la rentrée littéraire et les ouvrages scolaires peinent à arriver, que nos chers libraires ont l'air perplexes quant à l'avenir de leur structure."

Après quoi, le courriel laisse poindre la nostalgie qui anime son auteur au sujet de cette institution culturelle de la capitale des Cévennes. "Sauramps n'est pas un commerce tout à fait comme les autres", écrit le lanceur d'alerte anonyme qui voit en sa librairie fétiche "un repère", "un lieu d'échanges, de vie et de savoirs". Sa démarche serait purement bienveillante dans l'espoir, dit-il, de "permettre un éclairage constructif", tandis qu'il espère que son inquiétude se révèlera "sans fondement". 

Alors, nous nous sommes rendus dans les rayons de la librairie généraliste de la place Saint-Jean pour interroger Éric-Michel Tosolini, lequel a succédé à Roberta Pouget à la tête de l'entité alésienne en décembre 2020. "La rumeur enfle. Beaucoup de clients en caisse nous disent ça. À ceux qui trouvent qu'il n'y a pas assez de livres, je leur réponds que d'après mes calculs, il y a encore pour 258 ans de lecture dans les rayons", balaie d'entrée le responsable. 

Il faut dire que Sauramps n'en est pas à ses premiers soubresauts commerciaux. Fondé en 1920 à La Rochelle et installé depuis 1946 à Montpellier, le groupe a débarqué à Alès au début des années 2000. Placé en redressement judiciaire en 2017, Sauramps a été repris dans la foulée par le groupe Amétis, codirigé par l’architecte montpelliérain François Fontès.

Quelques mois plus tôt, la question de l'avenir du groupe était déjà évoquée dans nos colonnes (relire ici). "Alès est le seul magasin qui n'est pas déficitaire", assurait alors le PDG de l'époque. Un temps évoqué en 2018, le déménagement de la librairie de la place Saint-Jean à la place Barbusse a depuis été avorté. 

"Une forme d'inquiétude généreuse"

À l'heure de la rentrée 2023, le climat général est "assez difficile" reconnaît Éric-Michel Tosolini. "Notamment pour les commerces du cœur de ville délaissés au profit de la rocade. Jusqu'au jour où il y aura le reflux parce que les rocades finiront par être saturées. L'essence chère nous fera réfléchir à deux fois à prendre la voiture", ajoute-t-il. 

Quant aux rumeurs d'une possible fermeture, le responsable de l'entité alésienne y perçoit "un peu de de Sauramps-bashing" qui relèverait de l'ordre du "fantasmatique". Le dernier nommé a toutefois une double interprétation et y voit surtout "une part de regret et un message positif de la part des clients qui expriment une forme d'inquiétude généreuse".

"Je ne parierais pas ni sur la fermeture, ni sur la fin du groupe", conclut Éric-Michel Tosolini, nous invitant, après en avoir brossé un portrait plutôt élogieux, à contacter Florence de Mornac, directrice générale des librairies Sauramps depuis le printemps dernier. Hélas, cette "vraie libraire" animée de "bonnes intentions" n'a, pour l'heure, pas donné suite à nos sollicitations, offrant à nos lecteurs le soin d'interpréter la situation de la librairie à leur façon.