BAGNOLS/CÈZE L'artiste Julie Vuoso termine sa résidence de trois semaines au lycée Einstein
En 2014, avant de mourir, la grand-mère de Julie Vuoso lui a remis un carnet. Son contenu est le point de départ d'un spectacle que l'artiste est en train de créer. Elle et les membres de la compagnie gardoise Les Quincailleurs sont en résidence pendant trois semaines au sein du lycée Einstein pour peaufiner la chorégraphie.
Dans ce carnet, est raconté un avortement clandestin qui a eu lieu en 1964 à Genève. Quand Julie Vuoso a lu ces lignes, mille questions lui sont apparues. Qu'est-ce que c'est d'avorter en 1964 ? Pourquoi est-ce clandestin ? Pourquoi ça n'a pas toujours été puni ? Quel chemin entre cela, "L'Évènement" d'Annie Ernaux, jusqu'à l'inscription dans la Constitution française de la liberté d'accéder à l'avortement ? L'artiste a décidé de prendre ce prisme pour raconter l'histoire des droits des femmes en France. Elle a emmagasiné énormément de recherches, en a parlé autour d'elle. Elle a d'ailleurs recueilli et enregistré plusieurs témoignages qui figureront dans son spectacle intitulé "De 1964 à 2014".
Pour mener à bien ce projet, elle s'est entourée de Regina Ramsl, Guillaume Pons et Michel Assier-Andrieu, tous membres du collectif d'artistes Les Quincailleurs, basé à La Bastide-d'Engras, dans l'Uzège. Depuis 2022, ils bâtissent cette création partie de ce carnet et qui prend la forme d'un dialogue entre le corps et la lumière. "Est-ce que je peux exister qu'à travers une partie de mon corps, est-ce que je ne suis qu'un ventre, qu'un utérus ?" interroge Julie Vuoso.
La résidence se termine le 31 mai
Depuis le 13 mai et jusqu'au 31, elle et ses camarades sont en résidence au lycée Albert-Einstein de Bagnols-sur-Cèze pour peaufiner ce spectacle qui devrait être créé en 2025. Cette résidence au sein de l'établissement est possible grâce au soutien de la Maison Danse Uzès qui coproduit le spectacle pour la saison 2023-2024, mais aussi grâce au Département, à la Région Occitanie (avec le dispositif Occit'Avenir) et à la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles). Avant cela, ils ont travaillé dans le cadre du festival Transat aux ateliers Medicis, ils ont aussi effectué une résidence au sein de la MJC d'Uzès.
Durant cette résidence de trois semaines au lycée Einstein, les artistes se partagent entre la recherche sur la création en cours et des temps d'échange avec les élèves. Parmi eux trois classes de Seconde mais aussi des Premières Melec (métiers de l'électricité et de ses environnements) et Accueil. "L'idée, c'est de partager avec eux des questionnements que nous nous posons sur la dramaturgie et sur la création. Eux choisissent aussi un thème sur lequel ils veulent travailler et qui doit relever de l'injonction à faire ou ne pas faire", explique la compagnie. Cela va des codes vestimentaires à l'esclavage en passant par le harcèlement ou la vaccination, avec toujours en fil conducteur l'impact que ces sujets ont sur les corps. Les bacs pro Melec ont davantage travaillé sur l'éclairage lumineux.
Pour les élèves, "une ouverture d'esprit sur le monde artistique"
Ce travail mené avec les élèves sera restitué ce vendredi, tout au long de la journée. Pour les artistes, cet échange avec les jeunes s'est avéré aussi enrichissant et leur a ouvert une autre manière d'appréhender les choses. "Ils trouvent une idée avec un outil et nous emmène ailleurs. On a créé des boucliers lumineux, qui cachent les corps, on a inventé une chorégraphie avec", commente Julie Vuoso.
Ce projet au lycée a également pu voir le jour grâce à la professeure d'EPS (Éducation physique et sportive), Muriel Brouzes. C'est elle qui a monté le dossier qui a été financé par Occit'avenir. Elle explique : "Pour les élèves, cela crée vraiment une ouverture d'esprit sur le monde artistique. Les filières industrielles ou techniques n'ont pas l'habitude d'y être confrontées. L'idée, c'est que tous vivent la construction d'une chorégraphie de A à Z dans ce laps de temps." Pour certains jeunes, c'est aussi le moyen d'exprimer les choses autrement qu'avec la parole, de mettre en corps les injonctions qu'ils ont choisi d'aborder. Des ateliers danse avaient déjà eu lieu au lycée, mais une résidence chapeautée par la Maison danse, c'est une première. "On regrette qu'à la rentrée prochaine, la Région ne financera plus les résidences d'artistes dans les lycées avec Occit'avenir. Il faudra passer par un autre biais, ils l'ont enlevé de la liste", ajoute la professeure.