GRAND AVIGNON L’opéra veut se faire plus vert
Non, l’opéra n’est pas une réserve d’artistes lyriques déconnectés des grands sujets de société, bien au contraire.
Il est donc logique qu’il réfléchisse aussi à la transition écologique, alors que le Grand Avignon est en pleine élaboration de son Plan climat air-énergie territorial (PCAET) qui fixera les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « L’opéra est un endroit de cristallisation de la société et de prise de recul sur les sujets de société », estime le directeur de l’Opéra du Grand Avignon, Frédéric Roels, en ouverture d’une conférence mardi soir à l’opéra.
D’autant que l’établissement est en coeur de ville, « une position centrale dans la vie de la cité. » Il lui est possible d’agir sur plusieurs leviers, à commencer par le bâtimentaire : sur ce plan, la récente rénovation de l’Opéra l’a vu entrer de plain pied dans le XXIe siècle, et réduire drastiquement sa consommation énergétique et ses émissions de CO2.
Restent d’autres leviers, et notamment la production. C’est ce point qu’a relevé le ténor Sébastien Guèze, qui signe l’essai BIOpéra, aux éditions Symétrie. Car les artistes internationaux comme lui ont une empreinte carbone importante, induite par de nombreux déplacements en avion. « Quel va être l’avenir de mon métier ? », pose le ténor, alors que l’objectif de neutralité carbone en 2050 impose de réduire drastiquement ses émissions de CO2.
Pour lui, l’enjeu environnemental est transversal et équivaut à se poser la question : « Comment on va lever le rideau demain et sauver nos emplois ? » Alors pour diminuer l’impact carbone de l’opéra, il faut notamment agir sur les transports. Du public, déjà : « Ici nous avons un public régional, 44 % vient du territoire du Grand Avignon », détaille Frédéric Roels. Reste que si une part non-négligeable du public habite Avignon et vient à pied, il reste un sujet au niveau des transports en commun, dont les horaires ne sont pas toujours adaptés. Ainsi, s’il est possible de venir en bus à l’opéra ou à l’Autre scène de Vedène, il est parfois impossible de rentrer en bus après le spectacle.
« Nous allons lancer une étude sur un échantillon du public », avance Frédéric Roels pour affiner les demandes sur le transport en commun, notamment vers Vedène. Car le sujet n’est pas neutre, Sébastien Guèze estimant que le poste transport du public représente « 10 à 20 % des émissions de l’opéra. » La question se pose aussi pour les artistes, qui doivent privilégier le train. C’est ce que fait Sébastien Guèze dès que possible. « Il faut nous responsabiliser et diviser les heures d’avion par 3, 4 ou 5 », affirme-t-il, avant d’envisager de créer une charte. Et lorsque l’avion est incontournable, la question de la rentabilisation du voyage, en restant plus longtemps pour mener des projets, des ateliers ou plus de représentations, se pose.
« Le futur désirable est en marche »
Car il ne faudrait pas que tout cela devienne « une contrainte qui prend le pas sur le choix artistique », tempère Frédéric Roels. « L’avenir de l’artiste se trouve dans la qualité de sa relation avec le public », estime Sébastien Guèze. L’environnement étant un enjeu transversal, il imprègne aussi la question des décors et des costumes, « avec du recyclage, une éco-conception des décors, pour réaliser des économies d’échelle, en voyant ce qui est réalisable et même souhaitable », avance le ténor.
Car réutiliser les décors ou les costumes implique « aussi des moyens humains, nécessite du temps et de la place », relève-t-il, craignant que le remède soit in fine pire que le mal. « Il y a une réponse dans le principe des coproductions, il est rare aujourd’hui de monter une production pour jouer dans un seul lieu, on la joue dix, douze fois, note Frédéric Roels. Mais ce n’est pas complètement satisfaisant, car il y a la question du transport et du stockage des décors, il n’y a pas de recette universelle. »
Quant aux costumes, des solutions existent : l’usage de vêtements issus de friperies, ou encore la vente à prix cassés des costumes qui ne sont plus utilisés, comme l’Opéra du Grand Avignon l’a fait en juillet dernier, avec succès. Mais le directeur de l’Opéra du Grand Avignon prévient : « Ce n’est pas forcément une économie financière. »
Reste que, dans le monde de l’opéra aussi, la transition écologique s’accélère : « C’est en route depuis un ou deux ans, note Sébastien Guèze. Mais là, depuis six mois, ça foisonne, le futur désirable est en marche. »
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
Biopéra, un futur pour l’opéra, de Sébastien Guèze, est paru chez Symétrie. 32 pages, 10 euros. En vente ici.