ALÈS Chez Clément Bellegarde, le pain au levain naturel a de la "gueule"
Depuis un peu plus d'un an, l'ex-avocat Clément Bellegarde a donné naissance à Gueule de pain, une boulangerie qui fait la part belle à un pain au levain naturel à base de farines biologiques lozériennes.
Clément Bellegarde a eu raison de miser sur le quartier de son enfance. Passé par l'école Romain-Rolland, le collège Racine et le lycée Bellevue, celui qui a grandi à Clavières a choisi d'y établir sa boulangerie, ouverte depuis le mois de juin 2021. Depuis, le parking de "Gueule de pain", situé au 395 avenue Youri-Gagarine, ne désemplit pas. Car le trentenaire alésien fait dans la "qualité" en façonnant un pain au levain naturel à base de farines biologiques locales.
Pourtant, rien ne prédestinait ce titulaire d'un Master de Droit à délaisser les prétoires au profit d'un fournil. "Ce que je faisais ne me plaisait pas trop. Un beau jour, en écoutant une matinale de France Inter, j'ai entendu qu'à l'horizon 2030 il y aurait une pénurie de boulangers pour diverses raisons", rembobine le Cévenol. Alors en quête d'un nouveau métier qui a du "sens", Clément Bellegarde opte pour une reconversion en boulanger : "Il n'y a rien de plus concret que faire du pain. C'est l'association de quatre éléments (eau, farine, ferments et sel, NDLR)."
"Les gens se battaient pour avoir leur morceau de pain"
On est en 2016 lorsque l'Alésien se lance à corps perdu dans son nouveau défi et intègre l'école française de boulangerie et de pâtisserie à Aurillac. Un an et demi plus tard, CAP pâtissier-boulanger en poche, le brun à la barbe de hipster a déjà fait ses gammes lors de stages locaux chez Stéphane Veyret (Alès), Serge Almeras (Alès) et Lionel Noailles (Nîmes) notamment. Mais il a surtout fait connaissance avec celui qui sera son tout premier employeur, à près de 500 kilomètres de sa cité natale, dans le Jura. Un passage par le rythme infernal de la grande distribution et une rencontre avec sa compagne plus tard, Clément Bellegarde rentre au bercail.
"Je savais que je voulais revenir à Alès pour ouvrir mon propre commerce mais il fallait prendre le temps d'apprendre le métier", justifie-t-il modestement. Fort d'un CV étoffé et d'un vrai savoir-faire, le Gardois est surtout revenu en Cévennes avec une idée, chipée à une boulangerie située dans l'Ain, département limitrophe du Jura où il a vécu. "Un jour en fin d'après-midi, j'ai vu une immense file d'attente devant une boulangerie. Je me suis approché. Je suis rentré et il ne restait pas grand chose. Les gens se battaient pour avoir leur morceau de pain. J'ai trouvé ça fou. Il n'y avait rien d'autre que du pain ! Le lendemain, je suis retourné voir le boulanger qui m'a dit qu'il ne faisait que du pain au levain à base de farines biologiques. Mon projet est parti de là."
Ainsi naissait Gueule de pain, un établissement où les baguettes, les pâtisseries et les viennoiseries ne sont pas les bienvenues. Le pain au levain de Clément Bellegarde, longtemps seul dans son fournil avant d'être récemment rejoint pas une boulangère en reconversion, surprend par son authenticité. Car l'Alésien qui épluchait le Code pénal avec la même exigence ne laisse rien au hasard. "Je collabore avec le moulin à vent de la Borie (Lozère) qui fait des farines exceptionnelles en ne travaillant qu'avec des agriculteurs du Causse Méjean, et avec le moulin de Colagne (Lozère également, NDLR)", s'enorgueillit le trentenaire.
Une meilleure digestibilité
Et d'ajouter : "Ce qui est beau, c'est le principe d'un seul passage en meule de pierre. Le grain tombe dans la meule, est écrasé puis filtré, et on obtient une farine à l'état brut, sans l'acide ascorbique qu'utilise la filière traditionnelle." S'il reconnait que cette farine s'avère légèrement "plus compliquée à travailler", le boulanger de Clavières garantit un résultat bien différent. Il y aurait d'abord "une vraie plus-value sur le plan gustatif" grâce au levain, lequel serait aussi responsable d'une "meilleure digestibilité". "J'ai beaucoup de clients qui viennent alors qu'ils n'achetaient plus de pain car ils se disaient intolérants au gluten. Au final, ils en mangent et n'ont aucun problème", fait apprécier l'artisan.
Un plus long délai de conservation est aussi à mettre au crédit du levain. "Les clients prennent souvent du pain pour trois ou quatre jours", prévient le gérant. De 500 grammes à 3 kilos la pièce (qui peut aussi être découpée en tranches), ça se comprend. "Je n'ai pas la prétention de faire le meilleur du pain monde, mais je fais du mieux que je peux avec des produits locaux. C'est génial d'arriver à faire du pain sans la levure chimique !", s'enthousiasme-t-il.
Autre particularité du levain : son caractère rassasiant grâce à sa mie resserrée. "Je fais un pain tout chocolat. Si vous le mangez, vous êtes rassasié pour la journée. C'est costaud !", se marre celui qui met "un point d'honneur" à bien cuire le pain. Par ailleurs "assez fier" de sa pompe à huile, une brioche provençale à base de farine de blé, de levain, d'huile d'olive, d'eau et de fleur d'oranger, Clément Bellegarde a candidaté lors du dernier concours Gard Gourmand - qui n'a pas encore livré son verdict - avec son pain au seigle, "très puissant en goût", "presque comme du pain d'épice". Une création née elle aussi du plaisir du pétrissage et d'une reconversion réussie.
Corentin Migoule
"Gueule de pain" - 395, avenue Youri Gagarine - 30100 Alès. Ouvert du mardi au samedi, de 8h à 13h et de 16h à 19h.