GARD Les chenilles processionnaires reviennent…
Les chenilles processionnaires refont surface et se déplacent en longues files indiennes dans nos parcs, jardins et forêts.
Si leur procession fascine, leur danger est bien réel : leurs poils urticants peuvent provoquer irritations et troubles respiratoires, et sont une menace sérieuse pour les animaux domestiques.
Les processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa) quittent le nid pour s’enfouir sous terre : c’est la procession de nymphose, période pendant laquelle les chenilles sont particulièrement dangereuses pour l’Homme et les animaux car elles se situent au niveau du sol.
Selon Météo-France, l’automne 2023 se classe au premier rang des automnes les plus chauds depuis 1900 devant les automnes 2006 et 2022 (+2,1 °C). En effet, les chenilles de processionnaires du pin ont besoin de conditions thermiques précises pour se nourrir : elles ne peuvent manger que s’il fait plus de 9 °C dans leurs nids le jour et plus de 0 °C dans l’air la nuit.
Du fait du changement climatique, ces observations de processions précoces seront de plus en plus habituelles. En effet, toujours selon Météo-France, l’évolution du climat entraîne en France des hivers de plus en plus doux. Ces 15 dernières années, on a mesuré quatre des cinq hivers les plus chauds de l’histoire, en 2007, 2014, 2016 et 2020.
Cette année, en raison de la météo globalement favorable, de nombreuses processions de chenilles commencent dès ce mois de février sur l’ensemble du territoire.
Les poils urticants que l’on retrouve sur les chenilles (même mortes), dans les nids (même vides) et dans les sites d’enfouissement sont dangereux pour l’Homme et les animaux domestiques. Ils peuvent provoquer diverses réactions : irritations des voies respiratoires, éruptions avec démangeaisons, conjonctivites, inflammation des muqueuses (langue animaux).
Les poils sont très volatiles et peuvent facilement s'accrocher sur les vêtements ou cheveux et sur les poils des animaux tout en gardant leur potentiel urticant, et ce même durant plusieurs années.
Pour se protéger ? Portez des vêtements longs, rincez vos vêtements et cheveux ainsi que les poils de vos animaux en rentrant de balades. Évitez les zones à risque durant la période de présence des chenilles.
Pendant leur stade larvaire, les processionnaires du pin se nourrissent des aiguilles des arbres. Dans un article scientifique paru en 2012, des chercheurs se sont intéressés à l’impact de ces défoliations sur la croissance des arbres, dans le but de mieux comprendre leurs effets à long terme et leur influence sur la capacité des forêts à séquestrer le carbone, un facteur clé dans la lutte contre le changement climatique.
Les chercheurs ont mené une étude approfondie en analysant les données de 45 études de cas, afin de comparer la croissance entre arbres défoliés et témoins. Les défoliations causées par les chenilles processionnaires entraînent une perte moyenne de 43 % de la croissance des arbres affectés.
Les résultats montrent que plus le taux de défoliation est élevé, plus la perte de croissance est importante, atteignant environ 20 % pour des défoliations faibles (5-24 %) et près de 50 % pour des défoliations sévères (plus de 50 %). Cependant, l’effet semble se stabiliser au-delà de 50 % de défoliation.
L’analyse des données révèle que les jeunes arbres connaissent des pertes de croissance plus marquées que leurs homologues plus âgés. Ce constat est particulièrement évident dans les classes de défoliation faibles (5-24 %) et très élevées (75-100 %).
Selon l’article, les jeunes arbres sont plus touchés par les défoliations causées par les chenilles processionnaires parce qu’ils sont en phase de croissance active. Cela signifie qu’ils ont besoin de plus d’énergie pour croître et se développer, ce qui les rend plus vulnérables à la perte de feuillage.
Lorsqu’ils sont défoliés, ils perdent une grande partie de leurs aiguilles, ce qui réduit leur capacité à effectuer la photosynthèse, et donc à produire l’énergie nécessaire pour continuer à croître. En comparaison, les arbres plus âgés ont déjà atteint une taille plus stable et dépendent moins de la production rapide de biomasse. Leur système racinaire, plus développé, leur confère une meilleure résistance aux perturbations.
Ces pertes de croissance sont particulièrement préoccupantes dans le contexte du changement climatique, car elles peuvent diminuer la capacité des forêts à séquestrer le carbone. En effet, lorsque la croissance des arbres ralentit, leur capacité à absorber et à stocker le dioxyde de carbone (CO2) diminue, ce qui pourrait aggraver les effets du réchauffement climatique.
Les résultats de cette étude soulignent l’importance d’intégrer l’impact des défoliations dans les modèles de gestion forestière, notamment dans les régions où la chenille processionnaire est répandue. Les chercheurs recommandent de surveiller attentivement les populations de chenilles processionnaires et de développer des stratégies de contrôle adaptées pour limiter leur impact sur les forêts.
Sources : Jacquet, J. S., Orazio, C., & Jactel, H. (2012). Defoliation by processionary moth significantly reduces tree growth: a quantitative review. Annals of forest science, 69, 857-866. https://doi.org/10.1007/s13595-012-0209-