GARD Philippe Ribot : "La commune et les maires sont les piliers de notre démocratie"
Ce jeudi 8 juin, le 7e Salon des communes et intercommunalités du Gard se tient au parc des expositions de Méjannes-les-Alès. À l'heure des discours officiels, la désaffection des fonctions d'élus locaux accentuée par une violence en hausse et la "surbureaucratie" a notamment été soulevée par plusieurs orateurs, qui s'inquiètent par ailleurs de la réduction de la marge de manœuvre en matière d'élaboration de projets structurants.
Peu avant 11 heures ce jeudi 8 juin, Christian Teissier, maire de la commune hôte, a eu le privilège d'ouvrir la longue série des discours officiels inaugurant la 7e édition du Salon des communes et intercommunalités du Gard, "la vitrine de tous les équipements, services et produits pouvant s’adresser aux collectivités". "L’intérêt ne nous en échappe pas. La seule inquiétude provient de mon adjointe aux finances qui m’a recommandé de faire preuve de la plus grande modération en matière de dépenses et de ne pas me laisser tenter par les belles choses que je vais voir", a enclenché le maire méjannais, donnant une idée de la politique d'austérité à laquelle sont soumises les communes.
De "belles choses", il y en avait assurément parmi les 121 stands installés, "un record" apprécié par Philippe Ribot, président de l'association des maires du Gard (AMF30), lequel a énuméré les "nouveautés" du salon, dont l’organisation de l'assemblée générale statutaire en matinée. "Ça semble être une bonne formule puisque nous étions 150 ce matin, soit le double de d’habitude", a analysé le maire de Saint-Privat-des-Vieux.
Le dernier nommé, enjoué par la présence de David Lisnard à ses côtés, s'est chargé de résumer l'activité de l'association des maires du Gard qui, cette année, a formulé deux motions à l'attention de l'État. La première concernait les finances des communes et intercommunalités - on va y venir -, tandis que la seconde consistait à réclamer des "assouplissements et des moyens" quant à la mise en œuvre de la loi ZAN (zéro artificialisation nette).
Profitant de la présence de la "très à l'écoute" préfète du Gard dans l'assistance, Philippe Ribot s'est laissé aller à quelques doléances relatives à "des thématiques majeures qui nous préoccupent". L'élu saint-privaden invite l'État à "aller plus loin dans le maillage des territoires et la formation des agents" en ce qui a trait au déploiement des nouvelles Maisons France services. La désertification médicale, qui devient "encore plus prégnante dans le milieu de la ruralité", est aux yeux du président de l'AMF30 "un sujet qui angoisse nos concitoyens au plus haut point", tout comme la fameuse carte scolaire qui, chaque année à la fin de l'hiver, est un véritable "psychodrame".
Après quoi, comme l'ont fait à l'unisson les orateurs lui succédant au pupitre, Philippe Ribot a pointé "l’agressivité et l’exigence excessive d’une partie croissante de nos concitoyens". À en croire un sondage Cevipof, celles-ci seraient alimentées par le fait que 69% des Français pensent que leurs élus sont corrompus. "Ce sondage m'interpelle quand je connais l’investissement de nos élus. C’est assez inquiétant ! Mais cela ne doit pas nous décourager. La commune et les maires sont les piliers de notre démocratie", a martelé celui qui est aussi vice-présidet d'Alès Agglomération.
Le dernier nommé réclame ainsi "plus de sévérité" contre les auteurs de ces actes violents, afin qu'un maire n'ait plus à choisir "entre son mandat et sa sécurité et celle de sa famille". C'est dans ce contexte que le président de l'AMF30 a invité l'auditoire à applaudir "tous les maires démissionnaires". Et ils sont nombreux ! 1 300 maires ont jeté l'éponge depuis les élections de 2020 d'après l'invité d'honneur du jour, qui tient ce chiffre "de source gouvernementale". Le nombre de démissions explose pour atteindre le déroutant seuil de 25 000 abandons sur la même période si l'on y ajoute les adjoints et les conseillers municipaux.
À l'aise avec un sujet qu'il ne connait hélas que trop bien, le maire de Cannes, président de l'association des maires de France, tient en partie pour responsable l'absence de réponse pénale à ces violences. "Je n’ai pas médiatisé les menaces dont j’ai fait l’objet à quatre reprises, mais mes plaintes ont toutes été classées sans suite", a confié David Lisnard, lequel estime que la protection fonctionnelle des élus devrait être "automatique".
Avant lui, le sénateur du Gard Denis Bouad a abondé dans le même sens en regrettant que la violence vis-à-vis des élus ait atteint "son paroxysme". "Vous êtes de plus en plus nombreux à me faire part de votre lassitude et de votre souhait de ne plus vous représenter", a-t-il rajouté en regardant les nombreux élus qui lui faisaient face. Parce que les élus sont "les derniers fantassins de la République", son homologue Laurent Burgoa fait aussi de la protection des maires une priorité. "Protéger nos maires, sanctionner ceux qui les attaquent ou les menacent, c’est aussi protéger notre démocratie", a résumé le dernier cité.
Pour autant, la désaffection qui touche les fonctions d'élus locaux ne trouve pas exclusivement sa source dans la violence, physique ou verbale, qui serait en hausse. D'autres écueils s'y agrègent, tels que ceux soulignés avec exaltation par le président d'Alès Agglomération. "L’heure est grave ! La démocratie territoriale française est en danger ! Les élus locaux ont le spleen, ils ont le blues. En 2026, beaucoup d’élus ne voudront plus accepter de porter des charges devenues trop lourdes", a prévenu Christophe Rivenq.
Et de poursuivre : "Nos finances publiques n’ont jamais été aussi tendues. Cette dégradation financière va générer des conséquences importantes sur les projets en cours. Il va nous falloir des moyens. Je vois cette dérive depuis les années 90 avec ce poids croissant des injonctions contradictoires." Le conseiller régional Fabrice Verdier s'est montré tout aussi raccord sur le sujet : "Là où on sortait parfois un projet structurant en trois ou quatre ans, il en faut aujourd’hui six ou sept. Il y a de plus en plus de choses interdites. On empile les réglementations. Ce qui conduit nos concitoyens à considérer parfois qu’on est dans l’immobilisme."
David Lisnard réclame une augmentation des indemnités des élus
Fabrice Verdier invite l'État à profiter du "bon sens" qui anime les collectivités du territoire, lesquelles ont prouvé leur capacité à "se fédérer de manière transpartisane". Sans vouloir verser dans "l'effet de manche", Marie-Françoise Lecaillon a reconnu qu'il est "plus difficile d’être maire dans une petite commune que préfète dans le département du Gard". Après avoir "bu du petit lait" pendant la plupart des prises de parole dont il partageait visiblement l'essentiel du contenu, David Lisnard a esquissé quelques solutions pour en finir avec "la bureaucratie excessive", première cause de démission d'élus en France.
"L’avenir de la France, c’est un État recentré sur ses fonctions régaliennes, ainsi qu'une articulation Département et communes dans la réalité locale la plus intime", a-t-il exposé au cours d'un discours d'une trentaine de minutes qui a pris des allures de masterclass. "Quand les maires ne peuvent pas agir, ce sont les habitants qui ne peuvent pas agir, car les maires ne sont que des habitants des communes", a rajouté le maire de Cannes.
Au moment de conclure sur le sujet, le président de l'association des maires de France a appelé de ses vœux une augmentation des indemnités de fonction des maires, à l'heure où celle-ci sont inférieures à 1 200 euros/mois pour 30 000 d'entre eux. "Elles devraient être à la hauteur de celles d’un cadre ou d’un cadre moyen. La démocratie n’a pas de prix, mais a un coût", a parachevé l'élu cannois.