FAIT DU JOUR À Saint-André-de-Roquepertuis, le projet de city-park de la discorde
« Non au city-park » : la banderole accrochée au grillage de l’espace Louis-Riffard, au coeur du village de Saint-André-de-Roquepertuis, 600 âmes à une quinzaine de kilomètres de Bagnols, est sans équivoque. À l’intérieur de l’espace, des affiches accrochées aux arbres sont sur le même ton, alors qu’il est rare, pour ne pas dire inédit, de voir une opposition sur un tel projet.
Ce mercredi matin dès 8 heures, ils étaient une trentaine à manifester sur place leur opposition au projet de city-park porté par la mairie sur ce terrain enherbé et arboré de 1 500 mètres carrés, baptisé du nom du boulanger du village, résistant torturé et tué par la gestapo. « C’est un espace quasi mémoriel, un très bel espace paysager », résume l’élu Jakie Bougault, élu de la nouvelle majorité municipale issue de la seconde élection partielle de l’automne dernier, opposée à la maire. Une nouvelle majorité arrivée après le vote en conseil municipal du projet, et qui cherche donc aujourd’hui à « le suspendre pour rediscuter avec les habitants », affirme l’élu.
« La majorité des habitants ne veut pas de cet aménagement »
Et Jakie Bougault d’affirmer qu’il n’y a « pas eu d’étude d’impact » et que « la population n’a pas été associée » au projet, qui comprend donc un city-park, mais aussi des jeux pour enfants, un terrain de boules et des tables de pique-nique, pour 64 000 euros HT, dont plus de la moitié financé par des subventions de l’État, du Département et le fonds de concours de l’Agglomération, en attendant les subsides de la Région. Pour les opposants, ces « 250 mètres carrés d’articifialisation vont entraîner une destruction de la végétation », sur ce lieu qui a accueilli, entre autres, les fêtes du village. « Or, avec un city-park ici, on ne peut plus rien faire d’autre », affirme Bernard Salomé, ancien élu de la commune qui a rejoint les rangs des opposants au projet.
Ce projet a été au coeur de la dernière campagne pour l’élection municipale partielle qui a donc vu la maire perdre sa majorité, ce qui fait dire à Jakie Bougault que « la majorité des habitants ne veut pas de cet aménagement. » Il évoque aussi la pétition lancée par les opposants au projet, qui revendique plus de 120 signataires. Face à ça, la maire Fabienne Michel aurait adressé une fin de non-recevoir, et même « refusé de mettre à l’ordre du jour du conseil municipal une délibération proposée par la majorité », s’étrangle Jakie Bougault.
Globalement, « on n’est pas contre le projet, mais pas ici, affirme une élue municipale qui souhaite rester anonyme. Il y a plein d’autres endroits, nous avons voté ce projet à l’époque (en 2022, NDLR) car la maire nous l’a présenté en nous disant qu’il fallait absolument le faire sur un terrain constructible. » « Nous sommes prêts à discuter d’autres aménagements qui ne dénatureraient pas cet espace », reprend Jakie Bougault.
« Ah bravo Bernard, je te félicite ! »
On en est donc là, et ce mercredi matin, l’entreprise de terrassement devait commencer son office, ce qui justifie l’occupation du terrain dès potron-minet par les opposants. « Hier, ils ont cadenassé les deux portails et ce matin ils ont empêché mon agent municipal de travailler, j’ai fait un constat d’huissier », souffle la maire Fabienne Michel, passée brièvement ce mercredi matin avec le même huissier pour faire constater l’occupation du terrain, sans entamer de discussion avec les manifestants. Une occupation que l’édile « ne comprend pas du tout. »
Ce projet, elle martèle l’avoir présenté à plusieurs reprises « en long, en large et en travers », et l’avoir monté aussi car « il y a des subventions dans le cadre des Jeux Olympiques, c’est le moment ». Quant au choix de l’endroit, « il s’est imposé, c’est un espace pas du tout occupé, les gens l’ont délaissé depuis qu’il a été enherbé, et c’est le seul foncier où on peut le faire », affirme-t-elle, le lieu étant viabilisé, clos et déjà équipé de sanitaires. Un terrain dans le prolongement du cimetière avait aussi été envisagé, « mais le cimetière, il faut l’agrandir », balaie Fabienne Michel, qui répète que ce projet « n’a eu aucune opposition de qui que ce soit en 2022. »
De toute façon, « il est impossible de revenir en arrière, les subventions ont été accordées pour ce projet, sur ce terrain », pose la maire, qui voit dans cette polémique « une conséquence » de la dernière élection municipale partielle. Alors elle l’affirme : elle restera « droite dans ses bottes » car elle se dit « convaincue que le projet est bon pour l’attractivité de Saint-André, qui est devenu un village dortoir, nous n’avons pas d’école. » Alors pour elle, cette opposition, « c’est contre moi, c’est contre la jeunesse, c’est contre le fait que quelque chose change à Saint-André », tranche-t-elle. Le city-park doit sortir de terre en avril et être opérationnel pour l’été.
Reste que cet épisode en dit long sur l’ambiance qui règne dans un village rythmé par les démissions d’élus et les élections partielles, et où l’ambiance s’est nettement dégradée. D’ailleurs, on prête à la nouvelle majorité l’intention de retirer ses délégations à la maire, à l’image de ce qui était arrivé à Patricia Garnero à Saint-Étienne-des-Sorts, qui a depuis jeté l’éponge(*). « Je ne démissionnerai pas », lance Fabienne Michel sur le parvis de la mairie à l’évocation de l’exemple stéphanois.
C’est à ce moment que Bernard Salomé passe sur son vélo. La maire ne résiste pas à lui lancer un sonore : « Ah bravo Bernard, je te félicite ! Toi l’ancien prof de sport, d’être contre ce projet pour les jeunes ! » S’ensuivra une discussion animée au cours de laquelle l’ancien élu lui répètera qu’elle « (allait) dans le mur ». Les deux protagonistes tomberont d’accord sur un point toutefois, proposé par Bernard Salomé : « Ce serait bien de pouvoir se parler sans se crier dessus. » Ce n’était visiblement pas encore pour aujourd’hui.
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Une élection municipale partielle se tiendra à Saint-Étienne-des-Sorts ce dimanche pour pourvoir quatre postes d’élus.