FAIT DU SOIR À Argilliers, le cimetière du Baron de Castille est sauvé
Si vous êtes déjà passé sur la route entre Remoulins et Uzès, vous vous êtes sans doute posé des questions sur ce monument, quelque peu incongru, au bord de la chaussée à hauteur d’Argilliers.
Un monument en péril depuis de nombreuses années, au point qu’il tenait encore récemment par des étais. Ce monument, c’est le cimetière d’Argilliers, bâti par le Baron de Castille en 1826, une des nombreuses « fabriques » du baron qu’il a fait construire dans les parcs aux alentours de son château, qui se trouve de l’autre côté de la route départementale. Il s'agit du seul exemple de parc à fabriques du sud de la France. « Il y avait plus d’une vingtaine de fabriques, et aujourd’hui il reste le cimetière, une borne, la chapelle, un ancien réservoir et deux monuments », présente Thierry De Seguins-Cohorn, élu à Uzès et descendant du baron. Certaines des fabriques ont été vendues et disséminées en région parisienne, sur la Côte d’Azur et même à l’étranger.
La plupart des fabriques restants à Argilliers sont aujourd’hui sur des terrains privés, mais pas le cimetière, qui est lui sur un terrain communal. Alors Thierry De Seguins-Cohorn et une poignée de passionnés de patrimoine réunis dans l’association L’Uzège se sont mis en tête de le restaurer. « Ça a été un parcours du combattant de cinq ans », rejoue Jean Deparis, de l’Uzège. Il fallait commencer par une étude préalable : Thierry De Seguins-Cohorn a écrit un livre sur les fabriques du Baron de Castille dont les droits d’auteur, combinés à une souscription lancée par l’association, ont permis de financer. Elle sera confiée à l’architecte du patrimoine Gabrielle Wellisch. Puis le comité a aidé la mairie à trouver un montage financier permettant de rénover le cimetière, qu’ils ont fait inscrire à l’inventaire des Monuments historiques.
Une histoire particulière
Un cimetière qui a une histoire particulière, puisque, de la famille du Baron de Castille, « personne n’y est enterré aujourd’hui », précise Thierry De Seguins-Cohorn. Le baron lui-même, qui avait fait construire le cimetière sentant la mort arriver (il périra en 1826, deux ans après l’édification du cimetière), y sera brièvement enterré, à l’entrée du site, avant que sa dépouille ne soit transférée plus tard par sa famille. Quant à l’édifice central avec ses colonnes, le tombeau de la princesse Herminie, elle n’y a jamais été enterrée, ayant fini ses jours à Paris. Le troisième monument du cimetière, le mémorial d’Édouard, a été installé ici par le baron en mémoire de son fils aîné, tué à 19 ans à la bataille d’Essling en 1809. Il est surmonté d'un croissant, qui représente en réalité le C de Castille.
Il faut savoir qu’à l’époque, le cimetière n’était pas isolé du village comme aujourd’hui puisqu’Argilliers a tout bonnement déménagé de quelques centaines de mètres au milieu du XIXe siècle. Alors remettre les lieux en état est important pour la commune : « Certes l’investissement est important pour une petite commune, mais c’est un patrimoine exceptionnel, c’est l’histoire du village », estime le maire Laurent Boucarut. En tout, il y en a pour « un peu plus de 100 000 euros TTC, et nous avons obtenu des subventions de l’État, du Conseil départemental, de la Région et nous avons déposé une demande de fonds de concours de la CCPU », détaille le maire. Une souscription a été également lancée avec la Fondation du Patrimoine, à laquelle tout le monde peut participer, avec l’objectif de collecter 20 000 euros.
« Ce n’est qu’un commencement »
De quoi rénover les lieux, à commencer par le tombeau de la princesse, qui s’est sérieusement affaissé. « On va refaire un socle, tout va être démonté », pose Gabrielle Wellisch. « Des fondations profondes vont être faites pour chercher la stabilité, précise Denis Calvet de l’entreprise tresquoise Arte Pierre, retenue pour le chantier. L’entrée, et sa voûte, vont être repris aussi. » « Il n’y a que le mémorial qu’on ne touche pas, il est à peu près droit », rajoute l’architecte du patrimoine. Au total, environ six mois de travaux seront nécessaires.
Pour en faire quoi à l’arrivée ? L’ouvrir au public ? « Bonne question », botte en touche le maire. « En tout cas, le lieu ne sera plus dangereux, et pourrait être ouvert comme n’importe quel cimetière », affirme Gabrielle Wellisch. Du reste, le lieu est devenu brièvement cimetière communal, et quelques tombes abandonnées depuis longtemps y sont disséminées. Quant aux murs d’enceinte, « j’ai pris contact avec le Syndicat mixte des Gorges du Gardon pour voir la possibilité de les faire refaire en pierre sèche par un chantier d’insertion », rajoute le maire.
Une chose est sûre, l’idée est que ce soit « au bénéfice des habitants du coin », note Didier Riesen, de l’association l’Uzège. L’association a contribué à monter des ateliers autour du baron de Castille dans l’école du village, et notamment de son château, pièce maîtresse du patrimoine local, haut lieu du cubisme au XXe siècle, dans lequel figurent des fresques de Picasso. Château en vente depuis des années au prix de… 9 millions d’euros. À défaut de pouvoir le racheter, la mairie et l’association l’Uzège aimeraient mettre en exergue le chemin du Baron de Castille, qui relie son château au village. « Nous étudions un projet pour réaménager ce chemin et raconter l’histoire de Castille », évoque Didier Riesen. Comme le dit Jean Deparis : « Ce n’est qu’un commencement. »