L'INTERVIEW Benjamin Téoule : « Les Spiripontains sont fatigués des querelles de Clochemerle »
Ancien sportif handisport de haut niveau, Benjamin Téoule a créé une association engagée et souhaite faire émerger avec son équipe de nouvelles propositions dans sa ville d'enfance. Des espaces de rencontres et d’expression seront organisés avec les Spiripontains pour réfléchir à l’avenir de Pont-Saint-Esprit. Interview.
Objectif Gard : Comment vous est venue l’idée de créer l’association « Pensons Pont » ?
Benjamin Téoule : Elle émerge d’un contexte d’instabilité. En moins d’un an, il y a eu trois maires successifs à Pont-Saint-Esprit. Ces moments d’instabilité sont propices au populisme et à tous ceux qui voudraient instrumentaliser les préoccupations légitimes, les inquiétudes. C’est le cas de l’extrême-droite qui progresse. Julien Sanchez (maire RN de Beaucaire entre 2014 et 2024 et désormais député européen, NDLR) affirmait au début de l’année qu’il voulait faire de Bagnols/Cèze et de Pont-Saint-Esprit « une conquête » pour Marine Le Pen lors des présidentielles.
Pouvez-vous présenter « Pensons Pont » et combien de membres y sont inscrits ?
Pour le moment, nous sommes une dizaine de personnes. C’est une réflexion de longue date, depuis l’émergence de Valère Segal. En cas de duel entre l’extrême-droite et Valère Segal, il ne faudrait pas se résoudre à cela, car si on lançait une pièce, on ne saurait pas de quel côté elle retomberait. L’association émerge et l’équipe ne demande qu’à s’élargir au fur et à mesure des semaines et des réunions.
Est-ce à dire que « Pensons Pont » est une association engagée et tournée vers la politique ?
Nous sommes foncièrement politiques au sens noble et premier du terme, c’est-à-dire s’intéresser à la vie de la cité, pour débloquer des idées autour de problématiques, avec ce qui fait le commun d’une ville : la pratique du sport pour tous, l’urbanisme et l’espace public, évidemment la ville à vélo, le logement, la santé, l’attractivité du centre-ville. Il faut travailler sur le fond des choses.
Valère Segal, maire de Pont-Saint-Esprit, cela vous inquiète ?
Force est de constater que les Spiripontains ont voté pour Jérôme Bouvier. Ce que j’observe et qui peut me préoccuper, c’est qu’attention que cette équipe municipale n’isole pas Pont-Saint-Esprit. J’ai observé différentes tensions avec plusieurs institutions, comme avec la commune de Saint-Julien-de-Peyrolas sur le sujet de la santé, le Conseil départemental du Gard sur la question du collège. Il y a quelques mois, c’était l’hôpital, les services de l’État. Donc attention à ne pas s’isoler de ces partenaires et attention à l’autosatisfaction.
Vous militez pour le sport inclusif. Quelles sont vos propositions pour développer la pratique du sport sur le territoire gardois et à Pont-Saint-Esprit ?
La thématique du sport s’inscrit dans une actualité avec la volonté de l’État de baisser les dotations des clubs sportifs à hauteur de 30 %, ce qui inquiète fortement le monde sportif. Il paraît surprenant qu’au lendemain de ce véritable succès des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024, que le souffle retombe. Aujourd'hui, qu’est-ce qu’il en reste ? L’idée de « Pensons Pont » c’est que ce sont les habitants qui évoquent leurs idées. La toute première réunion ouverte à tous aura lieu le 13 février à 18h à l’établissement La Couronne à Pont-Saint-Esprit. Tout le monde pourra s’exprimer sur la thématique suivante : « Post JO : comment démocratiser le sport pour tous dans nos villes ? » Il y aura un propos introductif et des invités. Je serai là comme animateur. « Pensons Pont », c’est réveiller le débat d’idées. On posera des questions pour entendre ce que les Spiripontains ont à dire sur leur ville. Il y a un centre sportif formidable à Pont-Saint-Esprit. Je le connais presque par cœur, mais il n’a pas évolué depuis 20 ans. Il y a aussi un grand tissu associatif pour une ville de 10 000 habitants. Derrière, il faut des équipements, des accompagnements. La synthèse de ces échanges permettra d’en sortir des choses pertinentes. Nous espérons bien que les décideurs de demain pourront s’alimenter, construire leur programme et gouverner Pont-Saint-Esprit, avec les mesures exprimées par les Spiripontains.
Comment comptez-vous organiser ces débats d’idées ?
Il y aura des invités locaux et de l’extérieur. Nous organiserons des réunions très régulièrement. Nous avons l’ambition d’en faire une par mois et nous tenterons de tenir le rythme. Il y aura d’autres thématiques possibles comme : « Comment s’alimenter à Pont-Saint-Esprit ? » ou encore « Comment renforcer nos liens avec les paysans ».
Si l’association « Pensons Pont » venait à rencontrer du succès, allez-vous vous présenter aux élections municipales en 2026 ?
(Il réfléchit) Mon esprit est focalisé sur l’émergence et la réussite de l’association, de bien réussir la première réunion et de tenir le calendrier. Après, évidemment, « Pensons Pont » par sa volonté de penser à la vie de Pont-Saint-Esprit, c’est politique, donc forcément jouera un rôle dans les élections municipales un moment donné. Les Spiripontains sont fatigués des querelles de Clochemerle. Ils veulent être apaisés et qu’on leur propose de participer à des réflexions sur des sujets de fond, de projets. Cela n’engage que moi, mais M. Segal doit être tourné vers l’avenir de Pont-Saint-Esprit. Or, j’ai l’impression qu’il passe beaucoup de temps à remettre en cause Claire Lapeyronie qui n’est plus maire. Il semble être plus virulent envers Mme Lapeyronie qu’envers son opposition de l’extrême-droite.
Considérez-vous que la ville de Pont-Saint-Esprit soit mal dirigée ?
Peu importe les étiquettes partisanes, nous sommes dans une époque où il doit y avoir un travail transversal, constructif. C’est important un collège pour les familles… Pont-Saint-Esprit a besoin de rayonner et a un énorme potentiel. Elle mérite un peu plus d’ambition et les habitants doivent retrouver un peu plus de fierté. Il faut considérer les gens, il ne peut en sortir que du positif, mais pour cela, il faut réveiller le débat d’idées et faire confiance en l’intelligence des Spiripontains. Il y a certes les politiques publiques en faveur du quotidien des habitants qui sont très précieuses, mais l'idée aussi est de penser les projets pour l'avenir, envisager la ville de demain et permettre une vision pour Pont-Saint-Esprit des années 2030 à venir.