FAIT DU JOUR Immobilier : vends gendarmerie, mairie, hôtel particulier…
Génolhac, village de 900 âmes, terrain de jeu préféré des amateurs de champignons, rêve qu’on lui achète sa caserne de gendarmerie. La mairie l’a mise en vente à peine six mois après son inauguration. À Pont-Saint-Esprit, on aimerait se séparer de l’ancien hôtel de ville. Depuis le début du mandat, en juin 2020, la ville de Nîmes a vendu 22 biens. Elle en a tiré 12 M€ de recettes. Petites et grandes collectivités vendent leurs biens. Parce qu’ils ne servent plus, pour stopper une spirale d’endettement ou simplement parce qu’ils se dégradent sévèrement et que les collectivités n’ont plus les moyens de les entretenir. L’État aussi va vendre. Le ministre de l’Économie veut réduire de 25 % les services occupés par l’administration. Mais que deviennent ensuite les biens vendus ? Quelle est la nouvelle vie de l’ancien hôtel de ville du Grau-du-Roi ? Qu’est devenu l’ex-appartement de fonction du président du Département ?
Enquête : « Vous voulez acheter ma gendarmerie ? »
Pour liquider un investissement qui plombe ses finances, Génolhac vend sa caserne. Bernis cède, elle, les ex-appartements de fonction des gendarmes.
Vends gendarmerie avec locataires bien sous tous rapports. Très bon état. La petite commune de Génolhac essaie depuis un peu plus d’un an de trouver un acquéreur pour sa caserne. Le bâtiment est neuf. Cinq gendarmes et un adjoint s’y installent en octobre 2020. Une cérémonie d’inauguration avec préfète et sous-préfet est organisée en juin 2022. Six mois plus tard, la commune organise une réunion publique pour annoncer qu’elle met en vente la caserne. Diantre, que s’est-il donc passé entre-temps ?
L’ancienne gendarmerie datant de 1976 était obsolète. En 2012, une précédente municipalité lance le projet de construction d’une nouvelle caserne. Elle ne sollicite pas la communauté de communes et choisit d’investir elle-même. « Le projet était estimé à 1,2 M€. Avec les hausses des coûts de construction et les aléas de construction, il s’est terminé à 2,2 M€, subventions comprises. Cela a amené la commune à faire des prêts relais pour boucler le financement », résume Guy Chéron, maire de la commune. 73 % de la dette de la commune correspond à la dette d’investissement de la gendarmerie. Les gendarmes signent un bail de 9 ans mais le montant annuel de la location ne compense pas le montant de l’emprunt.
Ponts à reconstruire
Le 3 octobre 2021, les intempéries emportent deux ponts de la commune. Le premier est reconstruit grâce à des financements de l’État et de l’agglomération. Mais pour le second, le pont de Rastel, ça coince. La construction pourra être financée à 60 % par des aides. Il restera 40 % à la solde des communes de Chamborigaud et Génolhac. Mais les études préalables faites par un bureau spécialisé sont entièrement à la charge de ces villages.
« On doit payer 100 000 € avec la commune de Chamborigaud pour saisir le bureau d’étude. Je ne sais pas comment je vais faire », soupire le maire. Les banques lui tournent le dos : « Elles nous disent, "on ne vous prête pas vu votre dette d’investissement" ».
En 2023, autre mauvaise surprise : France domaine estime la valeur de la gendarmerie à 1,41 M€, soit moins cher que son coût de construction. Depuis la mise en vente, Guy Chérond a été en contact avec quatre bailleurs sociaux. Deux ont fait des propositions. Il ne compte pas donner suite pour l’instant : « On nous a offert 840 000 € et 950 000 €. Même si on la vend, on va rester avec une dette qui va avoisiner les 500 000 €. » Pour assécher sa dette, il avait un temps envisagé d’augmenter l’impôt d’un point et demi. Mais il a renoncé : dans ce village d’environ 900 habitants, cette mesure impopulaire aurait apporté 7 000 €.
Neuf villas en vente à Bernis
À l’autre bout du département, au sud de Nîmes, Théos Granchi, maire de Bernis, vient quant à lui de signer cinq compromis de vente. Il ne vend pas la caserne de gendarmerie flambant neuve inaugurée en juin 2023, mais les neuf logements de fonction de l’ancienne caserne. Trois chambres, un garage, un jardin privatif… Le prix de ces villas construites en 1998 oscille entre 218 000 € et 270 000 €. L’ancienne caserne était trop petite. Une nouvelle, qui accueille 23 gendarmes, a été reconstruite au rond-point d’Uchaud.
La commune n’a pas financé ce nouvel équipement. C’est le bailleur FDI Habitat qui s’en est chargé. Le village avait par contre financé l’ancienne caserne. Les bâtiments vides lui appartiennent. La commune garde les bureaux de la caserne et un garage avec un petit logement au-dessus. Elle réfléchit à comment les aménager. Mais elle met en vente les anciens logements des gendarmes. Elle les propose dans un premier temps aux primo-accédants bernissois. Sans succès. Dans ce contexte de hausse des taux immobiliers et de frilosité bancaire, les candidatures sont rares.
La mairie relance donc la vente sans critères particuliers. « On a 5 villas sur 9 qui sont actuellement en compromis de vente, explique le maire Théos Granchi, le 12 février. Cet argent est attendu pour améliorer le cadre de la commune ». Les projets sont nombreux : aménager une aire de loisirs, sécuriser les abords du groupe scolaire, réhabiliter la voirie abîmée par les inondations…
Ancienne mairie
Dans le Gard Rhodanien, on veut aussi vendre des bijoux de famille. Le conseil municipal de Pont-Saint-Esprit a acté le 15 septembre dernier, le principe de la vente de l’ancien hôtel de ville. Cet immeuble datant du XVIIIe siècle possède des pièces voûtées et une glaciaire de 7 mètres de profondeur. Son dernier occupant, Urbanis, une structure qui s’occupait de l’OPAH de Pont-Saint-Esprit a été rapatriée dans un autre bâtiment communal. La commune a déjà vendu l’Hôtel-dieu à HCom. Cet ancien monastère du XVIIe, inscrit Monument historique, a servi d’hôpital jusqu’en 2010. L’entreprise Atlantique va y réaliser 69 appartements de standing éligibles à la loi Monument historique (*). Un terrain est en vente derrière. Que va-t-il advenir ? Y aura-t-il d'autres vente ? Du côté de la municipalité on a du mal à répondre. Huit élus ont démissionné début février. Six autres une semaine plus tard. Ceux qui restent gèrent seulement les affaires courantes...
*C’est un dispositif de défiscalisation pour les personnes qui achètent un bien immobilier Monument historique. Le propriétaire doit conserver ce bien 15 ans.