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Mise à jour le 15.04.2025 - Sabrina Ranvier - 5 min - vu 493 fois
FAIT DU JOUR Nîmes-Arles : un combat de gladiateurs
Combat de gladiateurs dans les arènes.
- Yannick Pons
Un chaland romain exhumé du fleuve, des mosaïques déterrées sous un futur parking… À Arles ou Nîmes, la moindre fouille peut faire surgir des trésors. Comment ces villes, distantes de 35 km, gèrent-elles leur patrimoine antique ?
Edeis* doit signer le 20 avril, en Italie, une charte avec le Gruppo Storico Romano qui organise, chaque année, l’énorme défilé historique sur la naissance de Rome. Parmi les reconstituteurs des Journées romaines de Nîmes, on trouve 320 Italiens, mais aussi des Arlésiens...
« C’est le plus grand spectacle historique en Europe sur la romanité. » Il n’y a aucune faute de syntaxe, pas la moindre hésitation. Mais, les « R » qui s’enroulent dans sa voix le trahissent. Simone del Greco, régisseur des troupes et des batailles pour les Journées romaines de Nîmes, n’est pas Français mais Italien. Il vit entre la région de Gênes en Italie et Budapest en Hongrie. Depuis 2015, c’est un fidèle des reconstitutions dans les arènes nîmoises. Il les a découvertes lorsqu’il effectuait un stage en master de management culturel.
Mary Bourgade, adjointe en charge du tourisme et du patrimoine, a porté le dossier d'inscription de la Maison Carrée au patrimoine mondial. Elle se rendra en Italie pour assister à la signature du jumelage entre Edeis et le Gruppo Storico Romano.
• Sabrina Ranvier
Mais cette année, entre le 25 et le 27 avril, on va beaucoup entendre rouler les « R » dans les rues de Nîmes. Le spectacle dans les Arènes porte sur Romulus et la naissance de Rome. 320 des 550 reconstituteurs viendront directement d’Italie. L’association gardoise Lorica Romana enverra cette année seulement une soixantaine de reconstituteurs. « Cette année, ce sont les troupes italiennes qui sont mises à l’honneur car elles ont des costumes qui correspondent à la période de la naissance de Rome, observe Jérémie Maurin, vice-président de cette association. Nous sommes moins équipés sur cette période. Et acheter un équipement coûte extrêmement cher. » Rome a été fondée sur la colline du Capitole en 753 avant Jésus-Christ. En France, les reconstituteurs ont plutôt des équipements correspondant à la guerre des Gaules, qui a débuté en -58 avant Jésus-Christ.
Partenariat avec Rome
Un élu italien, Frederico Mollicone, président de la commission culture de la chambre des députés italienne, devrait être présent parmi les spectateurs dans les arènes. Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, a même envoyé une invitation à l’ambassadeur. Pourquoi de telles formalités ? « Edeis va signer une charte avec le Gruppo Storico Romano qui organise la reconstitution historique Natale di Roma », confie Mary Bourgade, adjointe en charge du Patrimoine et du tourisme. La signature de cette « sorte de jumelage » se fera en deux temps. Il sera signé le 20 avril, au Circo massimo à Rome, au moment des reconstitutions de la Natale di Roma. Il sera ratifié aussi le 26 avril à Nîmes.
Rome célèbre chaque mois d’avril, sa naissance, la Natale di Roma, avec un gigantesque défilé. « Ils ont 1 500 reconstituteurs. Nîmes a le plus grand spectacle de reconstitution historique en Europe et Rome organise le plus grand évènement de reconstitution historique », analyse Simone del Greco. Mary Bourgade explique que la charte va permettre d’échanger les bonnes pratiques. Mais surtout, elle espère qu’elle va se développer, s’élargir à d’autres pays souhaitant aussi valoriser leur patrimoine antique : « L’Espagne a un patrimoine important. Il y a quelques années, j’étais allée à El Jem en Tunisie et ils se sont inspirés des reconstitutions nîmoises. On a beaucoup de choses à développer. »
Pascale Peyronnet, professeure de lettres classiques dans un collège près de Marseille, est plus que convaincue de l’intérêt pédagogique des reconstitutions historiques. « Le spectacle de Nîmes, je vais en faire la promotion auprès de mes élèves et ils vont se déplacer avec leurs parents », assure-t-elle. Cette native d’Alès est membre du conseil d’administration de l’association arlésienne de reconstitution historique, Arelate. Elle le reconnaît quelquefois, en regardant le spectacle dans les arènes, elle repère des petites erreurs comme sur les coiffures, mais, globalement, elle juge le scénario « très cohérent ». Pour elle, assister au spectacle nîmois, c’est un peu comme regarder un film comme Gladiator : « Il y a de l’émotion. Ils font participer le public. On sait que l’on va passer un bon moment. » Arelate est composée de bénévoles. Pour pouvoir organiser leur festival, ils proposent des prestations dans d’autres villes. Couronnes de fleurs, mosaïques… Des membres d’Arelate sont invités et payés par la ville de Nîmes pour animer des stands ludiques et pédagogiques aux Jardins de la Fontaine pendant les Journées romaines.
Des journées romaines à Arles fin août
Le festival Arelate, les journées romaines d'Arles, se déroulera du 18 au 23 août. Son thème : vie privée/vie publique. Pascale Peyronnet se souvient des premières animations de l’association un week-end de l’été 2007, au musée départemental Arles antique. Des ateliers étaient proposés, une association de patrimoine provençal organisait des courses de char entre des bottes de foin. « On a commencé à bricoler entre amoureux de l’antiquité et de la Provence, sourit Pascale Peyronnet. On avait drainé beaucoup de public. » Les années suivantes, le festival s’étale sur toute une semaine. Une centaine de reconstituteurs sont mobilisés dont certains viennent d’Italie. Le festival démarre avec la reconstitution d’une cérémonie religieuse place de la République, suivie d’un défilé dans les rues d’Arles. Un Vicus, une sorte de quartier à la romaine, est reconstitué à l’intérieur de la cour de l’archévêché. Un campement de légionnaires et un autre de Gaulois sont mis en place à la Verrerie, quartier Trinquetaille. D’autres stands sont installés cour des Podestats. Beaucoup d’animations sont gratuites. Celles qui nécessitent de l’achat de matériel sont payantes, en général entre 3 et 5 euros. À Nîmes, des animations gratuites sont proposées par la ville, mais pour entrer dans le fort des légionnaires d’Edeis, il faut payer entre 4 et 7 euros. Le spectacle dans les arènes propose quatre tarifs différents. La formule la plus chère oscille entre 41 et 67 euros et la moins chère entre 5 et 16 euros.
Festival de taille familiale ou grand spectacle
« À Nîmes, l’objectif c’est le grand spectacle. Arelate, c’est plus familial, plus participatif », analyse Nicolas de Lavergne. Sa librairie antique De Natura Rerum y propose des rencontres littéraires cette semaine-là. Arelate se déroule en même que le festival Peplum d’Arles. Une association née en 1987 propose des projections de peplums, introduites par un spécialiste du cinéma.
Combats de gladiateurs, rejouer les JO à Olympie… Les premières années, Arelate proposait une soirée dans l'amphithéâtre. « On essayait de refaire l’ambiance des Ludi, mais c’était un investissement très fort et on manque de bénévoles », reconnaît Pascale Peyronnet. Ils ont créé une pièce de 45 minutes qui pourra être jouée cet été.
Le budget 2024 du festival Arelate a été de 37 000 euros. La ville d'Arles avait octroyé à l'association une subvention de 12 000 euros en 2024. Elle est cette année de 15 000 euros. « Le Département nous a donné 10 000 euros. Nous attendons celle de la région Sud », décompte Pascale Peyronnet. Frédéric Pastor, adjoint aux Festivités à Nîmes, précise que le délégataire Edeis investit « 1 093 000 euros » pour les Journées romaines de Nîmes auxquels s’ajoutent « environ 150 000 euros » versés par la Ville. Ils servent à financer toutes les animations et spectacles gratuits. La commune d'Arles fait venir durant tout l’été l’école de gladiateurs Acta dans son amphithéâtre. « On a fait le choix de l’authenticité et pas du grand spectacle, argumente Sébastien Abonneau, adjoint au Tourisme à Arles. Il n’y a jamais eu de courses de chars dans les arènes d’Arles mais il y avait des combats de gladiateurs. »
En chiffres
Conséquence d'une météo capricieuse ?
Essoufflement ?
Accident de parcours ? En 2024, les deux festivals ont accusé une baisse de fréquentation par rapport à 2023 :
• À Nîmes, Germanicus et la colère barbare a réuni 27 300 spectateurs en trois jours. En 2023, Vercingétorix avait rassemblé 32 324 visiteurs, tandis qu’Hadrien, la guerre des Pictes en avait attiré 26 870 en 2022.
• À Arles, Arelate a réuni 11 000 festivaliers en 2024 et 14 600 en 2023.