Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.01.2023 - François Desmeures - 4 min  - vu 1976 fois

FAIT DU JOUR Retenues d'eau, factures d'électricité et cicadelle : l'équilibre économique de l'oignon doux remis en cause

Début août 2022, dans la vallé de Taleyrac

- (photo François Desmeures)

Avec 1 500 tonnes récoltés en 2022, l'appellation d'origine Oignons doux des Cévennes a perdu environ 1 050 tonnes de production par rapport à 2021. Alors que la coopérative ferme son espace de production ce mardi, les incertitudes financières sont nombreuses pour la structure qui commercialise environ 90% de la production d'oignons sous apellation. Le nerf de la guerre reste l'eau, alors que l'Hérault est bien loin de s'être rechargé depuis la fin de l'été. 

Gaël Martin est président de l'Appellation d'origine protégée (AOP) Oignons doux des Cévennes • (photo François Desmeures)

Un niveau de juillet. De sa terrasse, le président de l'appellation d'origine protégée (AOP) Oignons doux des Cévennes, Gaël Martin, ne peut que constater le niveau exceptionnellement bas du valat de Reynus qui arrose le fond de la vallée de Taleyrac, commune de Val d'Aigoual. Pas de quoi rassurer l'exploitant du mas du Figuier, après une récolte 2022 marquée par la sécheresse et la présence de la cicadelle dans les parcelles, qui a contraint à délaisser près de 40% de la production. 

"On a perdu 1 050 tonnes en AOP"

"On ferme la ligne de la coopérative ce mardi. On a déjà coupé avec les grandes et moyennes surfaces et on finit avec les grossistes, qui ne demandent presque que du vrac." Les oignons auront donc été sur les tables de Noël, mais tout juste. "On a perdu 1 050 tonnes en AOP, ne peut que constater Gaël Martin. Alors que les charges de structure sont les mêmes." Quand elles n'ont pas augmenté. 

Côté coopérative, dont Gaël Martin est l'un des administrateurs, "on a demandé à la communauté de communes de reporter le loyer. Ils nous ont proposé un prêt à court terme sur cinq ans, alors qu'on demandait juste un report de crédit... On a aussi monté un dossier MSA pour des exonérations de charge. En revanche, on ne passera pas dans les calamités agricoles. Ils estiment qu'il faut qu'on puisse prouver que la perte est due à la cicadelle et que, si c'est le cas, on pouvait s'en prémunir." Ce qui sous-entend tapisser les champs de produits phytosanitaires. Un comble, alors que l'appellation est accompagnée pour supprimer, petit à petit, les intrants et affiche le label "Zéro résidu de pesticides". 

Du bio-control contre la cicadelle

Du coup, l'AOP se tourne vers le bio-control. "Mais comme on arrose tous les trois jours, ça va forcément se lessiver", regrette Gaël Martin. Le produit repoussoir, à base de chou, ne serait donc sans doute mis que sur le bord des parcelles, "là où les asperseurs n'arrivent pas".

"On travaille pour avoir les moyens de se défendre", insiste le président de l'AOP qui a rencontré, il y a quelques jours, avec Philippe Boisson (président de la coopérative), Vincent Labarthe, vice-président en charge de l'agriculture à la Région Occitanie. "Avant, la chambre régionale d'agriculture déléguait un technicien qui nous suivait, mais le poste a été supprimé. On a demandé à M. Labarthe un financement pour remettre ça en place." 

La coopérative Origine Cévennes verra ses tarifs d'électricité exploser à partir du 1er février • (photo François Desmeures)

Du financement, il en faudra sans doute aussi pour payer les factures : la coopérative, par exemple, a reçu les nouveaux tarifs qu'EDF veut lui appliquer à partir du 1er février. Soit, en période hivernale, une hausse de 50% en heures pleines et 103% en heures creuses. Et, en période estivale, de 123% en heures pleines et 313% (!) en heures creuses. "Les chambres froides, il faut bien les faire tourner !", s'exclame Gaël Martin. 

Mais la crainte majeure, c'est évidemment le manque d'eau qui avait motivé en grande partie la manifestation viganaise du 25 août. "Il faut qu'on nous autorise les bassins et surtout qu'on nous les finance. Ils ne peuvent pas nous envoyer l'OFB (office français de la biodiversité, qui assure la police de l'eau, NDLR) à tour de bras sans nous aider à trouver des solutions." Un projet de réserve collective de l'eau avait été lancé dans la vallée, "parce que pour la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer), il faut un projet", appuie Gaël Martin. Un projet bien loin des bassines qui ont déclenché la fureur à Sainte-Soline : ici, la réserve profiterait des pluies, sans pomper dans la nappe phréatique. 

"52 hectares en AOP, la surface d'un vigneron de la plaine"

Et les quantités qu'il faudrait stocker n'ont rien à voir, non plus, avec la commune des Deux-Sèvres. "Il n'y a que 52 hectares en AOP, ça fait la surface d'un vigneron de la plaine... Et laisser tomber une filière comme l'oignon, c'est laisser tomber tout le secteur." Comme il le fait lui-même, le président de l'appellation conseille à ses producteurs de varier les cultures et activités, pour amortir une éventuelle crise.

Pour l'instant, il se félicite de ne pas perdre de producteurs, à part les rares qui partent en retraite et, bien souvent, confient leurs terres à d'autres qui restent en activité. Il a même reçu, récemment, des appels de jeunes qui souhaitent s'installer. "Mais il faut qu'on puisse stocker l'eau pour ça !" Quand le foncier n'est pas, de toute façon, trop élevé pour une installation. D'autant que les terres viennent à manquer, et que toutes les parcelles détruites lors des inondations de septembre 2020 n'ont pu être récupérées. 

Gaël Martin lors de la manifesttion agricole, devant la sous-préfecture du Vigan, le 25 août dernier • (photo François Desmeures)

"J'espère vraiment qu'il pleuvra au printemps, parce que là, c'est catastrophique, reprend Gaël Martin en regardant le ruisseau dans la vallée. On n'a même pas eu une crue à l'automne, malgré la chaleur de cet été !" Si la rencontre avec la DDTM, en décembre, a permis de parler projet, elle a aussi grandement inquiété les producteurs. "La DDTM veut renforcer le seuil du débit d'étiage, et qu'on baisse nos prélèvements de 30%, raconte Gaël Martin. En gros, ça correspondrait à arroser 60% de moins. On est morts si c'est ça, elle ne peut pas nous le dire du jour au lendemain."

François Desmeures

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