FAIT DU SOIR La Région fait le tour des entreprises et inspirations japonaises du Gard
Le Japon est l’un des principaux investisseurs étrangers en Occitanie. À l’occasion de la Quinzaine du Japon en Occitanie, le vice-président chargé du développement économique, Jalil Benabdillah, a visité avec le Consul du Japon à Marseille, Hiroshi Kitagawa, les sociétés nippones qui participent à la croissance gardoise, ainsi qu'une autre qui sublime un pan de la culture nippone, la soie. Sans perdre de vue l'implantation de la Région Occitanie à Tokyo, passerelle d'échange d'idées et de facilitations économiques.
À Garons, la Région dans la course au développement économique avec Asics
Dans le cadre de la quinzaine du Japon en Occitanie et des liens d’amitié et de partenariats qui unissent les deux territoires, Jalil Benabdillah, vice-président de la Région en charge de l'économie, l'emploi, l'innovation et la réindustrialisation, accompagné du consul général du Japon à Marseille, Hiroshi Kitagawa, était en déplacement dans le Gard toute au long de la journée de vendredi. Une journée sous le signe du développement économique, donc, qui a débuté par la visite du centre de distribution de la marque Asics, implanté à Garons. Ce site d’une surface de stockage de 28 000 m² au sol, auxquels s’ajoutent 3 000 m² de mezzanine, a en charge la distribution des produits de l’équipementier nippon pour l’Europe du Sud dont les principaux marchés sont la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. "Nous distribuons près de 9 millions de produit par an. Il s’agit pour 80 % de chaussures et 20 % de textile, explique Laurent Langle, le directeur du site gardois. Notre objectif, dans les mois à venir, est d’atteindre les 10 millions d’unités."
"Nous traitons 35 000 unités par jour en moyenne qui sont dirigées soit vers des enseignes commerciales soit vers des particuliers"
Laurent Langle, directeur du site Asics de Garons
Ainsi, chaque jour, des dizaines de containers arrivés par bateau et chargés à Fos-sur-Mer sont réceptionnés sur la plateforme gardoise avant d’être redistribués en Europe. "Les chaussures sont fabriquées soit au Vietnam soit au Cambodge. Les vêtements, quant en eux, sont confectionnés au Portugal ou en Israël", précise Samih Khalef, le directeur d’Asics France dont le siège social se situe à Lattes, dans l’Hérault. Anciennement exploité par le groupe Auchan pour sa logistique, le site de Garons, qui a été racheté par Asics en 2018, emploie une centaine de salariés – essentiellement pour de la manutention logistique - en période basse comme actuellement. "Nous avons deux périodes de forte activité au cours de l’année, explique Laurent Langle. En décembre et janvier, pour la préparation de la collection été, et en juin et juillet pour celle d’hiver." Deux périodes au cours desquelles l’entreprise a recours à du personnel d’intérim. "Nous entretenons de très bons rapports avec la société Asics, déclare Jalil Benabdilah qui, outre son mandat d’élu régional, est le cofondateur de la société alésienne SDTech, spécialisée dans la micronisation, l’analyse et le traitement à façon des poudres fines et ultrafines. Nous avons des accords qui donnent du sens à l’action et cela bien au-delà du pur aspect commercial."
La direction a investi au cours des dernières années près de 12 millions d’euros pour rendre le site entièrement automatisé. "Nous traitons 35 000 unités par jour en moyenne qui sont dirigées soit vers des enseignes commerciales soit vers des particuliers, indique Laurent Langle, ancien cadre de chez Amazon. Notre objectif est d’augmenter les volumes dans les prochains mois." Un développement des capacités de production qui devrait s’accompagner de créations d’emplois, et sans doute d’un agrandissement des entrepôts gardois qui aujourd’hui ont en stock près de 2 millions de pièces.
À Uchaud, auprès du géant de la semence, Sakata
La visite du consul japonais et du vice-président Jalil Benabdillah s’est poursuivie au siège de Sakata à Uchaud, le géant mondial de la semence. Fondée en 1913, la société compte aujourd'hui 2 700 salariés à travers le monde, dont 193 dans le Gard. Uchaud dessert l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, principalement de l’ouest.
L'immersion de plus de deux heures a démarré dans la chaîne d’approvisionnement où arrivent les graines. Le site reçoit essentiellement des graines de légumes, plus particulièrement de brocoli. « Ces dernières années, nous avons relocalisé nos activités en France et en Espagne, à travers notre site de Ponts-de-Cé près d’Angers », relève Matthieu Maxant, directeur général adjoint.
La visite s’est poursuivie en zone de nettoyage, un processus sous sceau du secret pour se préserver de la concurrence. "Selon le pathogène, nous enrobons la graine de produits phytosanitaires. On sait qu’ils ne sont pas en odeur de sainteté, mais c’est la solution la plus efficace", explique Basile de Bary, directeur général.
Le chiffre d'affaires de Sakata tourne autour des 500 M€ par an. À noter que 20% sont réinvestis dans la recherche. L'immersion s’est d'ailleurs terminée par le laboratoire dans lequel sont notamment croisées certaines espèces pour les rendre plus résistants ou plus appréciables des consommateurs. C’est le cas du brocoli croisé avec un chou asiatique qui rend le nouveau brocoli plus fondant et sucré. "Sans nous, ces deux légumes ne se seraient pas croisés", conclut le directeur. Si on osait, on dirait que Sakata est aussi un club de rencontre pour plantes…
À Bagard, artisanat d'art à haute valeur ajoutée chez Sericyne
D'Uchaud, Jalil Benabdillah a rejoint le Piémont cévenol, pour une rencontre autour de la soie, toujours en compagnie du consul du Japon à Marseille (qui étudia à Montpellier pendant un an, il y a 36 ans). La discussion avec le seul homme qui a cru à la pérennité de l'activité en Cévennes depuis 50 ans, le Monoblétois Michel Costa (Objectif Gard y reviendra bientôt), a permis à l'élu d'apprendre que les liens entre les environs d'Alès et le Japon, autour de la soie, remontent à 1948. Il s'est ensuite rendu dans les nouveaux bureaux de l'entreprise Sericyne, qui déplace petit à petit ses activités de Monoblet à Bagard, au château de Chirac.
"Nous avons créé de nouvelles matières à partir de la soie et du ver à soie"
Clara Hardy, fondatrice de Sericyne à Monoblet et Bagard
L'entreprise conserve, pour l'instant, la partie agricole de ses activités à Monoblet, à côté de ses éleveurs formés aux vers à soie. "Nous avons créé de nouvelles matières à partir de la soie et du ver à soie", explique la fondatrice de l'entreprise, Clara Hardy. Sericyne a même appris à ses ouvriers rampants à "baver" différemment, à plat, sur une plaque, au lieu de créer un cocon. "Nous avons déposé une série d'innovations, plusieurs brevets industriels et nous tentons une réintroduction de la filière." À Corbès, par exemple, Sericyne a convenu d'un bail emphytéotique pour planter des mûriers sur un terrain communal. Et à Bagard, les projets ne manquent pas, avec des volontés de plantation de un à trois hectares par an, sur cinq ans, de mûriers blancs, nourriture exclusive du ver à soie.
L'entreprise ne produit, au final, "que" 75 kilos de soie par an, ce qui représente tout de même le travail de 51 000 vers à soie. Pas de quoi réaliser de l'habillement, donc, et ce n'est de toute façon pas la volonté de l'entreprise. En produisant en France, Sericyne vise une économie de haute valeur ajoutée, l'industrie du luxe pour ne pas la citer, que ce soit pour emballer ou sublimer des produits déjà existants. Récemment, Sericyne a ainsi conçu 400 bustes en soie sur plastique thermoformé, pour une grande marque française de joaillerie de luxe. Elle produit également des abats jours pour luminaires, sur commande évidemment. Et habille, parfois, des bouteilles de parfumeurs insirés par la production cévenole.
"Aujourd'hui, on travaille même sur des méthodes de tannerie, poursuit Clara Hardy, en traitant la feuille de soie comme du cuir". Des idées de bracelets de montres ont émergé de ce procédé, notamment avec un fabricant du Doubs. À Bagard, l'entreprise abrite sept salariés à l'année. Mais ce sont en fait entre 10 et 15 personnes qui travaillent pour Sericyne, en fonction des saisons, et sans compter les éleveurs de vers à soie. Mené depuis 50 ans par Michel Costa, le travail de conservation des savoirs et de ce patrimoine commence à porter ses fruits, sous l'effet de la responsabilité sociétale des entreprises, qui les encourage à faire travailler le local, et de la volonté de réindustrialisation. Elles sont donc loin les années 80, qui voyaient Michel Costa confier ses vers à soie aux écoliers de Monoblet pour qu'ils les gavent de feuilles de mûrier le temps de leur croissance. Pourtant, eux aussi auront participé à la grande aventure de la soie en Cévennes et à sa nouvelle jeunesse.