FAIT DU SOIR Le valeureux combat d’Alcide
Les éditions Alcide sont très attachées au local, au beau, au vrai. Yann Cruvellier, le fondateur, parle de son année 2023 et de la parution d’une dizaine d’ouvrages ainsi que des projets 2024.
Photographie, histoire, jeunesse, art et plaisir du beau livre bien fait font d’Alcide ce qu’elle est, une maison d’édition de qualité, un peu perdue dans un monde consumériste qui file à toute vitesse. « On a fait de bonnes sorties en 2023. Les livres mettent deux ou trois ans à se faire et nous avons fait plus de livres à des prix modérés. On a toujours essayé de le faire mais aujourd’hui beaucoup sont à moins de 20 euros. Tout dépend du format mais une chose est sûre c’est que le pouvoir d’achat est moindre. »
La maison a, depuis sa création, sorti quelque 150 livres. Sans se répéter, Alcide veille à perpétuer cette tradition. « On a déjà traité beaucoup de choses en photos avec cinq grands photographes. Nous avons aussi de grands historiens. On ne sort pas un livre pour sortir un livre mais comme les territoires évoluent et que les regards aussi, nous espaçons nos sorties. Nous avons aussi l’agenda dans un nouveau format et le calendrier qui plaisent beaucoup. On reste photos et histoire. »
En effet, c’est une dizaine de sorties qu’a dû programmer Alcide en 2023. Avec des thèmes parfois forts. « La guerre des camisards, l’histoire et la légende est une réédition complète. Il fallait le reprendre car c’est le livre disponible le plus illustré sur le sujet. L’iconographie est très bien. La nouveauté était le petit Anne Lapra, fugitive protestante. L’autrice, Sarah Rouvière, m’a envoyé un mail avec le manuscrit. Elle venait de passer son doctorat sur les femmes protestantes résistantes en Ardèche et elle avait fait ce livre dans le format de notre collection, adapté et tout. C’est très fort ! Elle a écrit ça comme un roman policier. Elle est pleine d’avenir. J’espère qu’on en fera d’autres avec elle. C’est de la vraie histoire mais c’est écrit comme un roman, c’est l’esprit de la collection. »
Cévennes, Camargue, Languedoc… Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, les lignes s’étalent, les pages se multiplient et les belles histoires et les fantastiques images vantent les valeurs de ces territoires, de nos territoires. Au ras du sol ou depuis le ciel, d’hier (voire d’avant-hier) à aujourd’hui, dans la rue, sur les pentes d’une montagne ou dans une bibliothèque d’archives, Alcide arrête le temps, le fige sur papier et nous l’offre.
Parmi les nouveautés très appréciables de 2023, un coup de cœur même, un ovni. La légende de la vieille morte. Je comprends… Un jour, Jean-Paul Chabrol m’a raconté une histoire que son grand-père lui racontait quand il était jeune. Il a embarqué Alain Fournier pour refaire cette balade qu’il n’avait pas fait depuis les années 1960 avec son grand-père. Frédéric Cartier-Lange a ajouté ses dessins et a créé une ambiance féérique et fantastique. C’est une des grandes légendes des Cévennes. Ce n’est pas un livre de randonnée mais les lieux sont magnifiques. Cette légende explique tous les noms des lieux. C’est un très beau texte. »
2024 devrait voir une sortie d’un livre évoquant Stevenson en 50 questions pour expliquer le contexte dans lequel il est arrivé en Cévennes. Mais Alcide, c’est aussi Nîmes. « Nîmes, la grande aventure du commerce, c’est extra ! C’est parti d’une discussion de Danièle Jean qui racontait l’histoire d’un commerce. On tenait un sujet mais il fallait raconter une histoire de Nîmes à travers ses commerces emblématiques. Le pari est très largement réussi car la mise en perspectives de la grande histoire est là. C’est très incarné, Danièle Jean et Francine Cabane ont enquêté et ce livre n’est pas du tout nostalgique. Ces deux historiennes ont la passion de cette ville et du territoire en ayant le talent de la transmettre, c’est précieux, Nîmes a de la chance d’avoir deux personnes qui partage leur savoir,. C’est très bien écrit. »
Les thèmes se sont naturellement décidés en respectant la chronologie. Le textile ouvre Nîmes au monde. On part loin, on ouvre. Même la couverture du livre ouvre ! C’était intéressant de le raconter mais Camille Penchinat est Nîmoise et elle fait ses aquarelles sur place, dans les commerces. Sujet local, apprécié des Nîmois mais sorti en période de crise et dans un format génial… Pas facile ! « Une crise il y a deux manières de les aborder. On est à +25% depuis 2019 et pendant la crise ce fut plus… On aurait pu augmenter les prix mais on a repensé les objets. On se renouvelle, ce format est différent mais on garde la qualité. »
La collection Alcide Jeunesse a aussi trouvé son public. Des livres très bien pensés, colorés, légers mais on ne peut plus sérieux avec la justesse d’un humour résolument adapté. Et plusieurs niveaux de lecture. « On s’adresse aussi aux adultes, il n’y a qu’à voir les dessins. On a beaucoup d’idées, Frédéric Cartier-Lange a créé le style de la collection sur une idée d’Éric Teyssier donc on ne peut pas en faire plus de deux ou trois par an. Cette année nous avons parlé de Stevenson via Modestine et des arènes ou plutôt de l’amphithéâtre. On parle toujours d’un sujet que nous élargissons. Nous avons aussi parlé des mille ans d’histoire d’une ville qui n’avait qu’un habitant à sa création, Montpellier, et c’est très amusant, passionnant ! »
En parlant de cité rivale, évoquons ses environs avec une autre parution de qualité. Avec Le Pic Saint-Loup, la perle des garrigues, c’est autre chose. « Là, nous parlons du territoire. Tout est raconté de manière légère. On parle du patrimoine bâti et de la garrigue. C’est sous une forme de promenade. Cela faisait quelques années qu’il n’y avait rien eu sur le Pic et il faut raconter ces histoires régulièrement. »
L’inflation joue aussi son travail de sape chez Alcide. Mais Yann Cruvellier ne baisse pas les bras. Bien au contraire, il se retrousse les manches, prévoit des évolutions, des changements dans la continuité. « Pour 2024 on verra ! On va commencer avec deux petits livres d’histoire de Jean-Paul Chabrol et Stevenson et sur les rapports entre les Vaudois et les Cévenols. Il y aura aussi des surprises, des choses très différentes, nous allons compléter. Nous allons développer la collection Jeunesse de manière un peu différente et on aimerait pouvoir lancer quelque chose d’autre à côté. Mais on en reparlera au printemps… »