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Publié il y a 3 mois - Mise à jour le 19.08.2024 - Adrien Cornu et Iker Lagrenade - 5 min  - vu 2832 fois

FAIT DU SOIR Mounir Mahjoubi, de la start-up nation à Saint-Ambroix

Mounir Mahjoubi, compte rénover les ruines de cette ancienne filature d'ici 2025.

- © Iker Lagrenade

Ancien secrétaire d’État au numérique, le Parisien Mounir Mahjoubi s’est plongé, depuis quelques mois, dans un projet colossal. Celui de monter, à Saint-Ambroix, une école de cuisine ainsi qu’une auberge-restaurant éco-responsable et vertueuse.

Sur le terrain de l’ancienne filature de Saint-Ambroix, à quelques dizaines de mètres de la rivière Cèze, hautes herbes, ronces et pierres éparpillées transforment la visite en parcours du combattant. Mounir Mahjoubi a troqué son costume d’homme politique et d’entrepreneur pour une surchemise décontractée. Large sourire aux lèvres, l’ancien secrétaire d’État chargé au numérique entre 2017 et 2019 écarte un à un les obstacles, très heureux de présenter son nouveau challenge. Aujourd’hui en ruines, l’endroit accueillera, dans les années qui viennent, une école de cuisine éco-responsable ainsi qu’une auberge-restaurant « de haut standing. »

Amoureux de cuisine, le Parisien de 40 ans a sauté sur ce défi en 2021, après être tombé amoureux du coin trois ans plus tôt, lors d’une visite ministérielle. « Nous étions venus à Anduze, puis à Alès. Ça a été un coup de foudre. Le soir même, j’ai appelé mon mari pour lui proposer de venir passer le week-end dans le Gard. Lui aussi a adoré. C’est parti de là. »

Ont suivi, pendant la période Covid, plusieurs mois de prospection. Jusqu’à trouver la perle rare à Saint-Ambroix. « Ici, nous avons la chance de pouvoir capitaliser sur un site magnifique chargé d’histoire. Redonner vie à cette filature qui était la plus moderne de tout le Gard, c’est excitant. D’ailleurs, nous n’allons pas construire mais simplement restaurer. » Bâtie en 1860, la filature a d’abord fermé ses portes en 1925 avant de devenir un bureau de la Sécurité sociale des mines entre 1957 à 2000. Depuis, plus rien. « L’ancien propriétaire avait déjà tenté d’y relancer un projet, sans succès. »

Mounir Mahjoubi a eu un coup de coeur pour le Gard lors d'une visite ministérielle en 2018. • © Iker Lagrenade

« La transmission, c’est son ADN »

Maire de Saint-Ambroix depuis 2014, Jean-Pierre De Faria savoure. « Le projet est pertinent et intéressant à tout point de vue. Pour la commune, c’est une aubaine. » Et pour le département dans sa globalité. Directeur de BEA Informatique à Alès, Frédéric Muh a rencontré Mounir Mahjoubi il y a un an, lors d’une conférence donnée par ce dernier dans la capitale des Cévennes sur un autre sujet dans lequel il excelle, l’intelligence artificielle.

« Au-delà de ses grandes compétences, nous avons été surpris et bluffés par ses qualités humaines. Avec lui, tout est réalisé sous le prisme de la bienveillance. Il a tous les bons côtés de l’homme politique, est toujours disponible, accompagne. C’est une vraie source d’inspiration, confie le chef d’entreprise alésien. D’ailleurs, son projet est dans cette lignée-là. La transmission, c’est son ADN. »

Partager et aider les plus en difficulté, volonté centrale du projet de celui qui a grandi dans un quartier populaire parisien. « À l’école, l’idée sera de déclencher l’envie de cuisiner à des élèves qui ne pourraient pas passer le CAP, par exemple car ils ne savent pas lire, écrire. En CAP, certaines épreuves écrites peuvent être une barrière, même pour un excellent cuisinier », avance celui qui, lui-même, est diplômé d’un CAP cuisine depuis 2015. « De manière à assurer la meilleure formation possible, nous ne travaillerons qu’avec huit jeunes maximum en même temps. Ce ne sera pas de l’intensif. » Et la sensibilisation dépassera le chemin du Ranquet. « Le projet inclut également la sensibilisation à l’alimentation durable pour tous les élèves et collégiens de Saint-Ambroix », indique Mounir Mahjoubi. « Cela fait partie de la mission ».

Un parcours politique en parallèle

« J’ai toujours été entrepreneur, mais aussi très investi dans des associations et le syndicalisme », explique Mounir Mahjoubi. En 2007 et 2012, il entre dans le milieu de la politique en participant aux campagnes présidentielles de Ségolène Royal puis de François Hollande. Ce dernier le nomme en 2016 à la présidence du Conseil national du numérique, poste auquel il renonce l'année suivante. « Quand Emmanuel Macron a créé son parti, je l'ai rejoint. Je suis un entrepreneur social, avec des idées situées au centre-gauche. Je suis très militant et je souhaite que les choses aient de l’impact. J’ai eu la chance de pouvoir servir avec mes idées politiques, qui étaient représentées à un moment donné au gouvernement », explique l'ancien homme politique.

Lors des élections législatives de 2017, il est élu député dans la seizième circonscription de Paris. Dans la foulée, Mounir Mahjoubi est nommé secrétaire d’État chargé du numérique dans le gouvernement Édouard Philippe. Il démissionne du gouvernement le 27 mars 2019 afin de se préparer aux élections municipales à Paris, avant de jeter l'éponge. Il reprend finalement son siège à l'Assemblée nationale jusqu’à la fin de son mandat en 2022. « J’ai pu être le député de l'endroit où j’ai grandi. C’était formidable. Il faut aussi se demander à quel moment de sa vie on est le plus utile. Après 10 ans, j’ai laissé ma place à une autre génération. »

Faire du 100 % local

Fin gourmet et désormais davantage présent à Saint-Ambroix qu’à Paris, Mounir Mahjoubi s’imprègne, depuis trois ans, des nombreuses possibilités culinaires de la région. Riche, l’éventail a fini de la convaincre d’opter pour une cuisine éco-responsable et intégralement locale. « Nous espérons créer une passerelle avec les restaurants gardois, ajoute Mounir Mahjoubi. Dans le coin, beaucoup ont du mal à recruter. Le projet d’alimentation durable plaît. Certains nous ont déjà assurés être prêts à parrainer un élève en apprentissage. C’est positif. »

Pour les produits cuisinés aussi, Mounir Mahjoubi n’a pas l’intention d’aller chercher bien loin. « Dans le secteur, suffisamment d’agriculteurs font de la culture raisonnée et bio pour nous offrir un large panel de produits pour un objectif 100 % local et 100 % durable ». Une intention qui se retrouvera sur la future carte du restaurant. Celle-ci devrait transpirer l’esprit du département : « Le Gard va de la Méditerranée jusqu’aux Cévennes. On souhaite le retranscrire dans notre cuisine, qui sera inspirée de la Méditerranée, du Maghreb et de la Grèce, en plus des plats locaux traditionnels. »

Celui qui est devenu secrétaire d’État à 33 ans voit déjà haut, et avoue viser l’étoile verte au guide Michelin, qui valorise l’innovation en matière de gastronomie éco-responsable.

Après deux ans de travail juridique pour obtenir les permis et autorisations en tout genre, les travaux du complexe débuteront en septembre. Et le travail est colossal. « Cela ne me fait pas peur. Mon père était peintre en bâtiment, j’ai grandi avec ça… Nous espérons déjà ouvrir le restaurant en septembre 2025. Ensuite, l’auberge arrivera dans un second temps. »

10 ans de vie politique

Ce nouveau projet à taille humaine ne fait pas oublier que Mounir Mahjoubi est un entrepreneur né. Il a lancé en janvier dernier une nouvelle activité de conseil client dans le numérique. C’est sa huitième start-up. « C’est une référence. Il a démarré comme technicien informatique pour payer ses études. À 16 ans, un jeune qui fait ça c'est remarquable », admire Frédéric Muh, dirigeant de la société informatique BEA.

À 22 ans, Mounir Mahjoubi crée sa première start-up, FairSense, qui vend en ligne des stickers décoratifs. Bien que ce premier projet soit un échec, il a toujours su rebondir :

« Tout au long de ma carrière, j’ai connu des réussites mais aussi des échecs réguliers. Par exemple, en sortant de l’Assemblée nationale, j’ai pensé à une nouvelle plateforme concurrente de la plateforme de logement Airbnb. Mon plus gros échec depuis longtemps. »

Et Frédéric Muh de rester positif : « Sa vie est un défi permanent. » Après avoir excellé dans le monde de l'entreprise, Mounir se consacre désormais à un projet « qui réunit le plus de choses en même temps. Sans doute l'un des plus humains ».

Adrien Cornu et Iker Lagrenade

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