FAIT DU SOIR Son père tué sous ses yeux : « un petit garçon de 8 ans n’a pas le droit de vivre ça »
Ce sont les vacances scolaires. Mercredi 20 février 2024, Etan, 8 ans, accompagne son père voir un ami au Chemin-Bas-d'Avignon. La voiture est arrosée de coups de feu. La maman du garçonnet a accepté de rencontrer Objectif Gard le magazine et s’est confiée en exclusivité.
La terrible comptabilité des victimes collatérales du trafic de drogue augmente inlassablement à Nîmes. Des personnes tombent, meurent, sans lien avec les stupéfiants. Il y a ceux qui mettent le doigt dans l’engrenage de la vente de drogue et qui sont ensuite les cibles des règlements de compte. Pire, il y a ceux qui ne participent pas aux trafics et qui en sont les victimes directes et éternelles. Des tragédies avec des familles qui sont écrasées par le chagrin après la perte d’un être cher.
Des hommes tués, des enfants touchés comme Fayed 10 ans, mort pour rien au quartier de Pissevin, dans l’Ouest nîmois, en août dernier. Ceux qui restent sont des miraculés comme ce petit garçon de 8 ans, qui a vu son père mourir sous ses yeux le 20 février, dans un autre quartier, à l’Est de la ville, au Chemin-Bas-d'Avignon à Nîmes. Les malfaiteurs n’ont pas fait dans la dentelle, ils ont ouvert le feu sur la voiture dans laquelle était assis l’enfant. Une erreur de cible.
Le garçonnet tapote les joues de son père… déjà mort
« Ce petit garçon, il va falloir l’aider psychologiquement, il va falloir l’entourer sur du très long terme, afin qu’il puisse continuer à vivre avec ces images-là, celles de la mort de son père », estime maître Baptiste Scherrer qui défend avec Me Candice Dray (voir photo), le petit garçon et la famille du défunt. « Cet enfant, ce n’est pas seulement une victime psychologique, c’est une victime directe car on ne sait pas comment il a pu échapper aux balles du tireur. S’il est vivant aujourd’hui, cela tient du miracle », reprennent en chœur les deux avocats. « C’est un meurtre concernant le papa, mais aussi une tentative de meurtre sur cet enfant. Ils ont arrosé la voiture avec un enfant à l’intérieur ».
Depuis le soir du 20 février dernier, le petit garçon, scolarisé en CE2 et passionné par le foot, se pose beaucoup de questions sur l’enfer et le paradis. « Il veut aussi savoir si son papa, là où il est, a besoin d’argent. Il m’a demandé des sous pour tourner un petit film sur le paradis et ensuite envoyer l’argent à son papa », résume la mère de famille gagnée par l’émotion. Un film où apparaîtraient une petite maison, celle du papa, et un oiseau. Un enfant marqué à vie « qui était calme les jours après les faits, mais qui est très énervé et agité maintenant ».
Il met sa capuche en pensant qu’elle va le protéger des balles
La vie du garçonnet a basculé, ce 20 février 2024, vers 21h15. Il passait une semaine avec son père car ses parents ont récemment divorcé. Au départ, l’adulte doit rencontrer un ami dans le secteur du Chemin-Bas-d'Avignon. Il est 21h, l’ami est en retard. Le père, accompagné de son fils, se gare près de l’école Bruguier. Le moteur tourne et le papa sort de la voiture en laissant son fiston sur le siège arrière. La portière conducteur reste ouverte. Quelques secondes plus tard, le papa est encore dehors près de son véhicule lorsqu’une voiture approche. Des coups de feu retentissent, la voiture du père de famille est criblée de balles. Il s’effondre sur le trottoir. Le tireur et ses complices s’enfuient et brûlent leur voiture près de Nîmes. Ils prennent une autre automobile qui va filer vers Marseille. Trois hommes, dont le tireur présumé, seront arrêtés un peu plus tard dans la cité phocéenne. Ils seront mis en examen et écroués.
Dans l’habitacle, le garçonnet à peur, « mais il croit qu’il s’agit de pétards », explique, les yeux dans le vide, la maman avant de poursuivre le récit que son fils lui a livré. Il y avait trois ou quatre individus. Il était dans la voiture et a essayé de se protéger des nombreuses balles de Kalachnikov qui fusaient. L’enfant « a recouvert sa tête avec la capuche de son gilet comme s’il s’agissait d’un gilet pare-balle pouvant le protéger ». Son père est mort près de lui, mais il ne le sait pas. Etan sort timidement du véhicule marqué par les impacts de balles. Il se met à terre et veut « réveiller son papa qui a les yeux ouverts », raconte la mère de famille qui n’était pas sur les lieux du drame au moment de la tragédie. Ce que n’a pas compris le petit garçon c’est que son père est déjà mort, abattu par un tueur fou. « Ils étaient là au mauvais moment et au mauvais endroit », complète la mère de famille. Des propos confirmés par les éléments d'enquête.
Lorsqu’elle arrive sur place un peu plus tard, elle ne comprend pas ce qui se passe. Pendant tout ce temps, son fils est d’abord seul avec son père. « Papa, papa », appelle doucement le petit garçon. Mais, pire dans cette histoire, c’est que l’enfant va rester par terre près de son père de longues minutes sans que personne ne le sépare de cette scène d’horreur. Des gens arrivent sur place et filment. Des enregistrements inhumains qui seront retrouvés sur les réseaux sociaux avec un petit garçon qui entoure et semble protéger son papa... dans une mare de sang.
La maman ne sait pas si son fils est vivant
« Et moi, lorsque j’arrive sur place, j’ai peur d’avoir perdu mon fils. Je rentre dans l’ambulance des pompiers et je n’ai pas vu la scène. Je ne sais pas ce qui s’est réellement passé. Mon fils est tailladé au visage, je suis en pleurs », raconte avec courage et dignité cette dame marquée à vie. « Je ne comprends pas immédiatement la situation, s’il s’agit d’un accident par exemple. Ce n’est qu’une demi-heure plus tard que je comprends... Je percute que le père de mon fils est mort, qu’il a été tué et que mon fils a échappé aux balles », ajoute-t-elle.
Trois heures plus tard, rentrée chez elle avec Etan, ce dernier lui demande : « Tu crois que papa pourra m’amener à l’anniversaire samedi ? ». Le lendemain, la psychologue du CHU et des médecins vont faire revenir le petit garçon à une triste réalité. Il ne reverra plus jamais son père.
Qu’est-ce que le narcoterrorisme ?
Le narcoterrorisme est un nouveau terme employé. Il s’agit de terroriser les familles près des points de deal, ou les familles de trafiquants, ou même diminuer l’activité d’un point de deal de la concurrence pour finir par récupérer le trafic. Par exemple, depuis quelques semaines, une série d’incendies de logements de familles qui sont connues dans les stups, sont la cible de feux d’appartement à Nîmes. Des individus aspergent d’essence les portes des logements. « Cela favorise une crainte et une obligation de déménager pour les victimes qui laissent leur place à la concurrence », indique un policier. Si l’enquête est en cours après l’homicide du père de famille au Chemin-Bas-d'Avignon, des voix proches de l’enquête évoquent de plus en plus un homme qui n’avait rien à voir avec le trafic de drogue. « Ils font régner la terreur pour que les consommateurs ne se déplacent plus en espérant récupérer le point plus tard et ils n’hésitent plus à tirer dans le tas sur des gens innocents », souligne un policier. Dans le cadre d’un autre décès, celui du petit Fayed, tué l’été dernier à Pissevin, il s’agirait là plutôt d’une erreur de cible. Les malfaiteurs recherchaient une voiture qui ressemblait à celle visée par les tirs mortels.