LE DOSSIER Ces ambulants qui font de la résistance
Suite et fin de notre dossier (relire les articles à 7h et 10h) sur les commerçants ambulants. Ce midi, zoom sur l'activité de Bruno et Cathy Thérond. Depuis 2022, ces deux anciens restaurateurs vendent gaufres et crêpes en hiver et, aux beaux jours, ils assurent des tournées de glaces dans le sud gardois… Quant à Teddy Fernandez, il a lâché son glacier en bord de mer pour devenir en 2020 réparateur ambulant de vélo.
Cathy et Bruno Thérond, vendeurs de bonne humeur
« C’est le marchand de glaces qui passe qui passe… » Jeudi 12 octobre, la mélodie se déplace de rues en rues à Redessan. Elle s’échappe d’un camion au capot mordoré qui semble tout droit importé des années 1920. Deux hauts parleurs cachés sous sa cabine noire bien lustrée, diffusent en boucle berceuses et chansonnettes sucrées. À 16h15, le "Tacot givré" chantonne devant l’école. « C’est une reproduction d’un camion des années 1920, annonce Cathy Thérond, installée à l’arrière. Il est resté 35 ans au château de Versailles avant d’être racheté par quelqu’un sur l’île de Ré. » Pas le temps d’en dire plus, une mamie se précipite pour commander une glace à la réglisse. Une maman vient déjà prépayer trois glaces. Toutes deux veulent éviter la ruée de la sortie des classes. En effet, après 16h30, les clients enchaînent…
Bruno Thérond seconde son épouse. Les coups de feu, il connaît. Il a travaillé comme pâtissier quatre ans et demi au restaurant étoilé Alexandre à Garons. Il a tenu ensuite ses propres restaurants avant de gérer un glacier rue Saint-Antoine à Nîmes. Épuisés par des saisons un peu raides où ils finissaient à deux heures du matin, Bruno et Cathy se mettent en quête d’un camion de glaces. « C’est joyeux, cela donne le sourire aux gens, constate Bruno. Quand j’étais gamin à la ZUP à Nîmes, un monsieur passait avec un vieux camion anglais et vendait des glaces italiennes. » Ils partent chez un fabriquant à Manchester puis trouvent leur bonheur sur l’île de Ré pour 53 000 €. Au printemps 2022, ils lancent cet engin qui caracole maximum à 90 km/h sur des routes bien lisses.
Entre avril et juillet et de septembre jusqu’aux premiers froids, ils font des tournées à Marguerittes, Redessan et Saint-Gervasy. L’été, ils enchaînent mariages, baptêmes, anniversaires, marchés et même pool parties.
16h50, le Tacot givré quitte l’école pour un tour de lotissement. À chaque fois qu’il s’approche d’un arrêt, Bruno monte le son et lance le chrono. Si au bout de 3 minutes personne ne paraît, il redémarre. Le Tacot givré est gourmand : il consomme jusqu’à 14 litres aux 100 km. « Je fais maximum 20 à 25 km par jour. Cela reste jouable », admet son propriétaire avant de préciser qu’il faut trois ans avant d’espérer vivre de cette activité. « Stop ! » Son épouse l’interrompt : deux dames font signe devant la maison de retraite. Il faut en profiter car dès les premiers frimas, le camion passe en mode hiver et ne dessert plus que le mas Praden à Marguerittes le mercredi après-midi. Il y propose gaufres et crêpes.
Teddy, le « doc du vélo »
« Simple efficace rapide ! Pas besoin de se déplacer c'est le "DOC" qui vient » écrit Nicolas le 14 octobre. « Intervention sur mon lieu de travail donc super pratique. Travail sérieux et professionnel à un prix raisonnable », ajoute un autre en mai 2023. Qui est ce «"Doc" qui a obtenu 5 sur 5 sur 51 avis déposés sur Google ?
Avec son camion atelier, Teddy Fernandez soigne à domicile les vélos. Cet habitant de Ribaute-les-Tavernes va de Barjac à Ganges en passant par Nîmes. Pourtant, ce sportif aurait pu se brouiller avec les deux roues. « J’ai eu un accident à vélo, un choc avec une moto. J’ai mis un an avant de remonter la pente », résume-t-il. Teddy gérait un glacier à Carnon. Avec une épaule fragile, difficile de retourner porter des plateaux. L’accident n’ayant pas éteint sa passion de la bicyclette, il passe une certification de mécanicien vélo au Purple campus de Marguerittes.
Ce triathlète choisit d’être ambulant : « En restauration, je voyais que les gens demandaient de plus en plus de services à domicile. » Il lance son entreprise en mars 2020, juste avant la pandémie qui a donné des folles envies de circuler à vélo. Une aubaine. Entre avril 2020 et mars 2021, l’État met en place un "coup de pouce réparation de vélo" de 50 €. Pour se faire connaître, il installe un stand sur des marchés, investit dans un site Internet fait distribuer des prospectus dans les boîtes aux lettres, un « gros investissement ». Le business plan prévoyait une dépense de carburant de 300 € par mois : « Quand le gasoil est monté au-dessus de 2 € en 2022, je me suis retrouvé à payer 500 € de carburant par mois. » Teddy ne lâche pas et se diversifie. Il propose des ateliers d’auto-réparation, vend des vélos sur catalogue. Depuis la rentrée, il est aussi formateur en réparation vélo à Purple campus. « Je rentre dans ma troisième année et je commence tout juste à me dégager un salaire, reconnaît-il. Si j’avais fait de la réparation pure et dure, je ne sais pas si j’aurais pu durer plus d’un an. » Il ne regrette rien : « J’ai gagné ma liberté et cela n’a pas de prix. » Il arrive même à se ménager des temps pour s’entraîner. Le 16 septembre, il a bouclé le Bearman dans les Pyrénées-Orientales. Pour ce triathlon XXL, il faut nager 3,8 km, courir 42, 2 km et pédaler 180 km.