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Publié il y a 1 an - Mise à jour le 07.11.2023 - Sabrina Ranvier - 3 min  - vu 339 fois

LE DOSSIER Ces commerçants ambulants : Stelly Arnault, coiffeuse camionneuse

Suite de notre Fait du jour publié à 7h avec le portrait de Stelly Arnault qui, le 15 novembre, va fêter la première année de son hair-truck, un salon de coiffure de poche qu’elle gare dans des minuscules villages cévenols… 

 

Marion Licoine qui vit à Anduze a fait 30 km pour se faire coiffer dans le hair truck de Stelly. • Sabrina Ranvier

Stelly Arnault, coiffeuse camionneuse

Vendredi, c’est jour de marché à Brouzet-les-Alès, 674 habitants. Un charcutier, un primeur et un fromager patientent sous les platanes. Une dame vient se planter derrière un camion blanc. C’est un 21 m3, le genre d’engin que l’on loue pour un déménagement. La porte vitrée située à l’arrière du véhicule s’ouvre sur un grand sourire et sur une odeur de shampoing. Queue de cheval, frange soigneusement méchée coiffée en coque, Stelly Arnault fait entrer sa cliente. Bac à shampoing, deux fauteuils pour les coupes, tout est organisé au millimètre dans ce salon miniature. Pourtant, on ne s’y sent pas enfermé. La lumière perce par la porte arrière et par deux fenêtres latérales.

« On coupe un peu aujourd’hui madame Licini ? », interroge la coiffeuse. L’intéressée n’est pas convaincue. Aujourd’hui, c’est le jour des mèches. Il faut qu’il y ait un peu de longueur pour qu’elles se voient bien. Par contre, cette retraitée n’est pas contre un désépaississement sur le dessus pour éviter l’effet "pompon". La coiffeuse opine. Cette jeune femme arrivée dans la région en 2017 connaît bien la chevelure de Nicole Licini. Elle la coiffait à Alès dans le salon de la galerie commerciale de Cora. Quand Stelly a démissionné pour créer son entreprise de coiffeur itinérant, Nicole a suivi. Elle fait des économies d’essence car elle vit à Seynes, à une petite dizaine de kilomètres de Brouzet. Mais elle vient surtout pour sa coiffeuse et pour l’ambiance « plus conviviale ». Son mari a tenté le camion. Il n’aime pas. Trop de monde. Il est retourné à Cora.

« À Seynes, on n’a pas de commerces, plus rien du tout. Avant des bouchers passaient, des légumiers. Des jeunes, il n’y en a plus, ils s’en vont », constate-t-elle. Stelly a elle aussi connu les tournées du boulanger ou du poissonnier en Auvergne. Elle travaille depuis 20 ans dans la coiffure. À 40 ans, elle en a eu assez d’être enfermée dans un salon. Elle ne voyait pas non plus coiffeuse à domicile. « Venir au camion oblige les gens à sortir de chez eux. Il y a un enfermement depuis le covid », constate-t-elle. Elle a donc acheté un camion d’occasion déjà aménagé à 40 000 euros et a bénéficié d’un dispositif de démission-reconversion qui lui garantit le chômage pendant deux ans.

Communes dépourvues de coiffeur

Stelly a ensuite sélectionné des communes qui n’avaient aucun salon et peu de commerces. Le hair truck a démarré le 15 novembre 2022. Le lundi il est garé à Saint-Hipolyte-de-Caton, le mardi à Mialet et Générargues, le jeudi à Fons-sur-Lussan. Les mairies fournissent l’électricité du camion et ne font pas payer d’emplacement à Stelly. « Les habitants sont très contents. C’est proposer un service que l’on n’avait pas. On a un bar avec un rayon épicerie, deux restaurants, une cave viticole », décrit Hélène Bon, première adjointe. Il y a eu une coiffeuse au village il y a… 60 ans. « Les habitants ont adopté tout de suite », confirme Jean-Bernard Guihermet maire de Fons-sur-Lussan, 240 habitants. Il explique que cela marche tellement que c’est compliqué d’obtenir un rendez-vous. Il en a lui-même fait l’expérience.

On peut retrouver les dates, jours d'ouvertures et tarifs du haïr truck sur https://www.l-univ-hair-de-stelly.fr • Sabrina Ranvier

Contrairement à un salon, Stelly n’a pas de loyer à payer et peu de charges. Elle ne se verse pas encore de salaire mais assure que c’est « déjà rentable » : « Le bilan est déjà largement positif avant d’avoir fini l’année. » Des clients reprennent même un rendez-vous dès qu’ils sortent. Des dames calent leur prochaine couleur ou des messieurs viennent comme des métronomes tous les 15 jours entretenir un dégradé. Elle reçoit tous les âges : des retraités, des actifs, des petits ou même des adolescents qui réclament un curly, c’est-à-dire une permanente sur le dessus de la tête.

Marion Licoine est venue d’Anduze pour se faire coiffer dans le camion à Brouzet-les-Alès. Stelly est son amie. Mais si Marion a abandonné le salon où elle se rendait depuis des années, ce n’est pas par amitié. On ne plaisante pas avec les cheveux. Pour elle, Stelly est « une fée du cheveu ». Elle la comprend quand elle lui demande de raccourcir un peu mais pas trop, d’éclaircir un peu mais sans plus. Bref de changer sans changer.

Installée dans un fauteuil voisin, les cheveux sous des lamelles d’alu, Nicole Licini confirme que Stelly coiffe très bien. Sa seule angoisse est qu’elle arrête. Un léger renflement soulève la marinière de la coiffeuse. Elle attend des jumeaux pour le printemps. Elle rassure sa cliente, elle s’arrêtera le minimum : « C’est monsieur qui va prendre un congé parental. Je ne peux pas arrêter trop longtemps. J’adore mon métier, ce côté humain. »

Sabrina Ranvier

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