Publié il y a 2 h - Mise à jour le 26.11.2024 - Sabrina Ranvier - 5 min  - vu 49 fois

LE DOSSIER Profession Généalogiste, « Ils ont hérité d’un cousin au sixième degré de plusieurs centaines de milliers d’euros »

Une partie de l'équipe du cabinet Veyron et Perrin de Remoulins : Charlotte Bergen en rose, Emilie Dutilleul avec un chignon blond et Ludovic Thomas, directeur général.

- Sabrina Ranvier

Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud… Les généalogistes successoraux du cabinet Veyron-Perrin de Remoulins, fouinent la planète à la recherche d’héritiers.

Fondé à Castillon il y a une vingtaine d’années, le cabinet Veyron et Perrin compte 3 associés et 27 employés. Son siège social se situe à Avignon mais ils ont cinq antennes : trois centres de recherche et deux agences.Ils ont aussi un réseau de correspondants à l’international.  • Sabrina Ranvier

L’agence est nichée dans le repli d’une impasse, au fond d’une petite rue de Remoulins. Elle ressemble à une banale villa de lotissement. Neuf personnes travaillent à l’intérieur de cette antenne du cabinet de généalogistes successoraux Veyron et Perrin. Ce cabinet intervient quand il y a un intérêt juridique. Ils peuvent être missionnés par des syndics de copropriétés, par des avocats et parfois par des particuliers qui cherchent par exemple des origines de propriétés. Mais 90% de leur activité concerne la recherche d’héritiers pour des notaires. « On peut chercher les héritiers jusqu’au sixième degré. Au-delà, c’est la part de l’État », résume Ludovic Thomas, responsable de l’agence. Armés d’un mandat et de leur carte professionnelle qui leur donne accès à l’état civil récent, ils cherchent les héritiers où qu’ils soient, en France ou à l’étranger.

Porté disparu après s’être évadé du bagne

Un dossier confié par un confrère de l’agence savoyarde du cabinet, a fait voyager Ludovic Thomas jusqu’en Nouvelle-Zélande. Le cas semble simple. Un monsieur décède en Savoie sans héritier. Il est fils unique et n’a pas d’enfants. Il faut retrouver des héritiers en vie, chercher des cousins plus éloignés. En remontant l’arbre généalogique, le généalogiste savoyard avait découvert que le défunt avait un grand-oncle condamné au bagne à Nouméa. Les archives nationales d'outre-mer se situant à Aix-en-Provence, il envoie Ludovic y chercher le dossier du bagnard. « C’était un dossier consistant. Il était resté un certain nombre d’années là-bas, décrit-il. C’était quelqu’un d’assez retord. Au début, il a été condamné au pain sec et à l’eau. Après, je vois que cela s’adoucit. Le gouverneur lui donne une permission ». Le bagnard en profite pour s’évader. Le dossier note, laconique : « il est probablement parti en Nouvelle-Zélande ». L’homme avait un nom typiquement savoyard. Ludovic épluche l’annuaire de la Nouvelle Zélande. Cinq personnes portant ce nom y sont répertoriées. Il les contacte : « au début, ils étaient suspicieux mais je leur ai donné des éléments factuels ». Ce Français s’était marié à une Irlandaise et s’était bien gardé de raconter à ses petits-enfants qu’il était passé par le bagne. « De temps à autre, il avait des mots en Français mais dès qu’il y avait une question, il sombrait dans le mutisme », relate Ludovic. Il décide d’aller sur place avec des documents et fait le tour de l’île pour rencontrer chaque cousin : « ils ont hérité de plusieurs centaines de milliers d’euros d’un cousin savoyard au sixième degré ».

Installé au Congo avec une amoureuse

Le cabinet fait appel à des correspondants à l’étranger pour les aider sur certaines recherches. Mais Ludovic Thomas s’est aussi déplacé en personne à Johannesburg. Une dame, fille unique et sans enfants décède en France. L’héritage doit être partagé moitié côté maternel et moitié côté paternel. Du côté de la maman, on trouve facilement des cousins germains en Belgique. Mais du côté du papa, cela se corse. Ludovic cherche les enfants des grands-parents paternels. Un certain nombre d’entre eux sont décédés. Mais quelque chose intrigue le généalogiste. Impossible de retrouver l’acte de décès du grand-père. Vu son âge, il ne peut être en vie. Et s’il avait recommencé une nouvelle vie ailleurs ?

Ludovic lance des recherches sur des sites collaboratifs où sont enregistrés les décès un peu partout dans le monde. Bingo. Le grand-père est décédé en Afrique du Sud et a une fille. Ludovic récupére son adresse. Après plusieurs échanges de mails, l’histoire se dessine. Blessé pendant la seconde guerre mondiale, le grand-père est tombé amoureux d’une infirmière belge. Il ne divorce pas mais s’installe avec elle dans une colonie belge, le Congo. « À un moment donné, il a embarqué deux de ses fils au Congo. L’un d’entre eux s’est engagé dans la légion étrangère ». Ludovic cherche sa trace aux archives de la légion à Aubagne. L’homme est décédé sans enfant. « J’ai pu certifier que la fille vivant en Afrique du Sud était l’unique héritière. Elle n’y croyait pas ». Pour la convaincre, Ludovic va la rencontrer. Elle le reçoit avec son avocat. « Avec ses parents, ils avaient fui lors de l’indépendance du Congo en 1960 ». La famille s’installe en Afrique du Sud où son père s’occupe d’une exploitation agricole. Selon Ludovic Thomas, cette dame « savait plus ou moins qu’elle avait potentiellement de la famille en Belgique ». Elle accepte la succession mais ne vient pas en France. Les membres du cabinet risquent encore de voyager : « Nous sommes de plus en plus sollicités avec l’éclatement de la cellule familiale traditionnelle, avec la mondialisation, la mobilité géographique ».

Loïc Duchamp, diplômé d'Unîmes, a ouvert un cabinet à Tournon-sur-Rhône. • DR

Loïc Duchamp, tourisme généalogique et secrets de famille

Grâce à la généalogie, ce trentenaire a découvert que de multiples crimes ensanglantaient son arbre généalogique. Ce généalogiste familial propose aux gens de voyager sur les traces de leurs ancêtres.

Loïc Duchamp construit un arbre généalogique. C’est une commande pour Noël. Mais ce généalogiste familial travaille aussi sur un mini guide personnalisé qui permettra à un monsieur de faire du tourisme généalogique à Marseille, sur les traces de ses ancêtres. Loïc conçoit avec sa collègue graphiste Sandrine de « C'est de famille-Pop Com » des fiches sur mesure. Atelier de menuisier du grand-père, hôtel tenu par les ancêtres, église où ont été baptisés les aïeux… Il liste les lieux importants pour sa famille, les sites patrimoniaux à voir et fournit une fiche d’hébergements.

Ce trentenaire qui possède un BTS tourisme et le diplôme universitaire « généalogie et histoire des familles » a créé son activité de généalogiste familial en Ardèche en octobre 2019. Au début, il est obligé de travailler en parallèle. Un contrat à plus de 3000 euros tombe à la fin du premier confinement. On lui commande un arbre généalogique avec un livre sur la famille. Il tourne aujourd’hui à environ une quinzaine de clients par an. La très grosse majorité lui demandent d’éclaircir des secrets de famille. « Depuis le Covid, de plus en plus de gens entre 20 et 45 ans me contactent, relate-t-il. Ils se rendent compte de la fragilité de la vie et que les secrets de famille risquent d’être emportés dans la tombe ». Il s’est aussi formé en ligne pour aider les gens à interpréter les résultats des tests ADN récréatifs effectués à l’étranger.

Crâne fracassé à coup de sabots

C’est la généalogie classique qui lui a permis de débusquer les secrets de sa famille. À 18 ans, il commence à construire un arbre sur la famille de sa mère. Sur Retronews et Gallica qui numérisent la presse locale ancienne, Loïc découvre que son quadrisaïeul, Michel-Rémy est mort en 1896, le crâne fracassé à coups de sabot. « Il a peut-être été assassiné par Joseph Vacher, surnommé l’éventreur des bergers », suppose Loïc Duchamp. Ce tueur sévissait dans les environs. Intrigué, Loïc se plonge dans les archives judiciaires. Il y apprend que cet aïeul avait été interrogé dans une autre affaire vers 1840. À 14 ans, il avait vu un de ses frères tuer de « cinq coups de couteau dans le bas ventre » l’aîné de la fratrie. Tous deux avaient une rivalité amoureuse. Condamné, le meurtrier s’éteint au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni. Aux archives nationales d'outre-mer à Aix-en-Provence, Loïc découvre que cet ancêtre bagnard avait eu un fils incarcéré en Guyane. Il était dans un autre bagne, à Cayenne. « Il avait été condamné pour avoir escroqué son oncle. Il a été libéré et est mort à Cayenne sans descendance ». Sa mère lui écrivait, tout comme elle envoyait des lettres à son père. Ces missives touchantes sont conservées aux archives des outre-mer.

Sabrina Ranvier

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio