L'INTERVIEW Georgiana Viou : "Le 24 je n'ai jamais travaillé, c'est Noël !"
La franco-béninoise Georgiana Viou est la cheffe du restaurant Rouge à Nîmes. L’établissement a obtenu sa première étoile cette année, validant parfaitement l’intérêt que les gourmets portent à la nouvelle maison nîmoise. Avec les fêtes qui approchent, voici quelques petits conseils qui pourraient être utiles.
Objectif Gard : Quand on est cheffe étoilée, comment aborde-t-on les fêtes de fin d’année ?
Georgiana Viou : Comme les années précédentes car ce n’est pas l’étoile qui détermine la manière dont on travaille. Naïvement, je me suis dit qu’on nous avait donné l’étoile pour notre travail. Bien sûr, nous poursuivons notre démarche pour améliorer l’expérience de nos clients. Chacun a sa position sur l’étoile, de la direction au chef en passant par le client. L’étoile ajoute une interprétation mais avec le recul et même si très peu nous disent que nous ne la méritons pas, je me dis qu’ils ne sont pas notre cible de clients. Les autres viennent pour découvrir le lieu et l’identité.
Cette période est-elle importante pour vous ?
Le 24 je n’ai jamais travaillé, c’est Noël, famille et hors de question de travailler les 24 et 25 ! Chez moi c’est une grande table avec beaucoup à manger. Chacun se sert, c’est informel. Il faut un joli sapin, un parfum de vin chaud, une ambiance, une corbeille de clémentines et de papillotes. L’idée c’est que tous ceux qui passent sentent que c’est Noël. Je ne fais rien, j’essaie de faire travailler les commerçants.
Pour le repas du 31, quel sera le menu du Rouge ?
Foie gras en terrine, des canapés de brandade avec de la poutargue puis de la Saint-Jacques en ceviche, une raviole de châtaigne et de truffe, un velouté, un retour de chasse dont j’ignore encore la viande. Un trou Rouge avec clémentine corse, safran, sodabi (eau-de-vie obtenue par la distillation du vin de palme) NDLR, puis du poisson. Le Brillat-Savarin sera travaillé. Il y aura aussi un soufflé au chocolat à la truffe.
Que conseillez-vous aux Gardois ?
De se faire plaisir, on ne mange pas dans un temps imparti ! Mon repas idéal, c’est un velouté avec quelques graines torréfiées de tournesol, ou une tourte, ou un pâté… Les petits pâtés nîmois par exemple. Une grosse pièce à partager avec une belle salade croquante et douce. J’aime les grosses pièces de viande, de poisson ou de légume qu’on partage. Une daube de sanglier avec un condiment de câpres et d’anchois accompagnée d’une belle mousseline de pomme de terre et d’un peu d’eau de cuisson réduite pour napper la viande. J’adore l’agrillade saint-gilloise. C’est dans l’esprit.
Pour les végétariens, le céleri, les champignons… J’adore les champignons. Le plus simple c’est le mieux, en fricassée ! Une fois leur première eau crachée dans une poêle bien chaude, un peu de fleur de sel. La quiche champignon-oignon. Un chou-fleur, un chou-rave, une courge que vous farcissez dans l’esprit d’une volaille… Un céleri-rave cuit entier au four et au sel. On en fait des portions et on le snacke au dernier moment. Torréfiez les peaux fripées par la cuisson, ajoutez de l’eau et de la bière et vous avez le jus ! Des papillotes, des clémentines, mangez beaucoup d’agrumes et bien sûr les 13 desserts car j’ai passé autant de temps au Bénin qu’à Marseille. Chocolat, des bûches, des gâteaux, des sablés…
Les tables des fêtes sont démesurées. Comment éviter le gaspillage ?
Si vous êtes dix et que vous n’avez pas prévu un menu à l’assiette il faut penser pour six ou huit, ça suffit. Pour les plats à l’assiette, 120 grammes. Il y a tellement de choses… On n’arrête pas de manger ! Pour ne pas gaspiller les restes, tout passe en fricassée. Vous pouvez faire des bouillons ou des veloutés avec les peaux de légumes torréfiées puis pilées qu’on peut aussi utiliser comme une téquila paf. Faire des rillettes avec les chairs du poisson qu’on mélange à de la mayo. Les agrumes vont en bocal, confiture, marmelade, salade, confits, infusés…
Que peut-on vous souhaiter pour 2024 ?
Que les gens viennent de plus en plus nombreux. Ces derniers temps, c’est partout pareil, on sent une vraie perte de fréquentation et donc d’exploitation. J’aimerais que ceux qui poussent notre porte repartent heureux et contents d’être venus. Chez nous, les gens viennent grâce au bouche à oreille qui commence à prendre, c’est un soulagement. Les autres viennent par curiosité, par les médias ou les guides. On a une clientèle qui teste les restaurants étoilés. Et quelques-uns qui viennent par hasard, parce qu’ils ont vu les cuisines dans la rue. À Noël c’est la belle déco qui joue son rôle.
Restaurant Rouge à Margaret hôtel Chouleur. 6 rue Fresque. 30000 Nîmes. Tél : 04 48 27 08 00. Rouge propose son foie gras mi-cuit à emporter à 39 euros les 180 grammes.