NÎMES EN FERIA Mano a mano triomphal et toro de mémoire
Mano a mano de La Quinta pour Daniel Luque (deux oreilles, oreille et deux oreilles) et Emilio de Justo (oreille, salut et deux oreilles).
41e au classement mondial 2022 des élevages ayant lidié en corridas avec huit lots et 43 toros combattus, La Quinta veut rester dans cette production, limitée et sérieuse. Mais quand on torée cet encaste avec justesse il peut laisser tomber, ce fut le cas en 2022, 25 oreilles et trois queues sur le sable ou encore faire cinq vueltas al ruedo à titre posthume. Parfois même on gracie ses toros, il y en a eu tout de même deux toros graciés l’an dernier dont un à Dax par Daniel Luque !
Daniel Luque a pris son alternative à Nîmes. Jeune aux allures hautaine et insolente, il a fait d’énormes concessions pour en arriver là où il est, c’est maintenant une des figuras incontestables de la tauromachie mondiale. En 2022 il a toréé 44 corridas et coupé 92 oreilles et huit queues….
Luque, d’abord, est appelé par les étagères à saluer en piste un retour incroyable. Gentil garçon, il s’exécute mais demande à son compagnon du jour de venir partager avec lui ce moment d’émotion. D’emblée sur le premier de la course le natif de Gerena met les choses au clair, comme il l’a fait à Arles, il est à Nîmes pour Triompher et il triomphera. Même s’il s’apprête à couper deux oreilles à un toro des plus fades et sans intérêt, il montre de belles choses, comme toujours. Luque, c’est avant tout un torero, un vrai. D’une rougne dont personne ne veut il bricole un joli cadeau. Une belle épée et le palco fait tomber les deux premiers mouchoirs de la tarde.
Troisième La Quinta de la tarde pousse Luque dans ses retranchements si bien que l’Andalou finira par aller discrètement faire un tour à l’infirmerie entre deux toros. Daniel Luque n’a pas surjoué, n’oublions pas que même s’il est en piste il doit encore terriblement souffrir. Revenons au début du duel… Luque est à son aise, il comprend vite son adversaire et le rend chèvre. Techniquement parfait, les terrains qu’il choisit le sont tout autant. D’autant plus que le bicho est moins facile. Luque patiente, prend les passes les unes après les autres et parvient à lier des séries qui valorise l’animal. Que torero… oreille.
Pour son dernier, le cinquième, Luque garde le public au chaud. Ne vous inquiétez pas il va à nouveau occuper deux oreilles ! Entre la musique de Chicuelo II et l’art de l’Espagnol, les tendidos en ont eu pour leur compte. Une faena pleine, détaillée, sérieuse et relâchée. Un moment hors du temps qui touche au cœur et aux tripes. Luque est un torero de génie. Un de ceux dont la régularité n’est même plus discutée. Même Jérémy Banti s’est joint à la fiesta en prenant le quite d’un Luque heureux de le voir évoluer. Nîmes aime Luque et Luque aime Nîmes. Il disait chez nos confrères de MidiLibre dans un excellent entretien paru ce matin qu’il ne serait probablement pas celui qu’il est devenu sans la France mais la France doit aussi beaucoup à ce maestro. Deux oreilles et beaucoup d’émotions.
Emilio de Justo n’a que deux petits jours de moins d’alternative que Luque mais cela suffit à être derrière ou dessous sur l’affiche. En 2022 le maestro a toréé 17 corridas et coupé 33 oreilles et deux queues. Des chiffres qui mettent en balance une confirmation de la bascule de sa carrière. En piste celui qui est né à Cáceres et qui a pris son alternative des mains de Talavante, coupera une oreille un peu discutée par les gradins. Devant un la Quinta qui avait du relief, Emilio de Justo n’est pas parvenu à trouver son sitio ni celui du toro. Oreille de mise en jambes.
Deuxième toro de la tarde et deuxième combat compliqué pour Emilio de Justo qui saluera à son issue. Autre toro de La Quinta et autre comportement. Quelques coups de tête, quelques déplacements imprévisibles, de Justo est mieux que lors de son premier passage mais il manque l’émotion, un truc de plus auquel il nous a habitués. Salut.
Avec le dernier de ce mano a mano, un toro pile poil dans le type, Emilio de Justo va connaître un drôle de moment. Dans les étagères on veut changer le toro nommé Espartero. Il est compliqué, certes, mais nullement blessé ni même handicapé, c’est un toro quoi. Le public se calmera vite après la première pique. De l’émotion ? Oui ! Du cœur ? Oui ! Le toro se révèle et soulève les arènes comme la cavalerie qui chute à deux reprises. Voilà un toro de La Quinta comme on les aime. Et en plus, celui-là a une belle charge, vibrante, noble et pleine d’alegria, une de celles dont on se souvient quand on regarde dans le rétro. Les gradins ont compris que le spectacle allait démarrer. Le palco met logiquement la musique mais ce plus deviendra un moins. La musique ôte la solennité de l’instant fugace et on perd du sens même si l’intensité ne faiblira pas ou prou. Grande faena d’un grand Emilio de Justo, notamment à gauche. Deux oreilles après deux envois.