TRIBUNE David Costa, médecin généraliste à Nîmes : "Je ne veux plus être un maillon de cette chaîne de maltraitance"
Chez nos confrères de Libération, David Costa, médecin généraliste et directeur du département universitaire de médecine générale à la faculté de médecine de Nîmes s'exprime dans une tribune sur la situation du système de santé français.
Avec l'aide de Christian Lehmann, médecin et écrivain...
« Depuis vingt ans, j’alerte, avec d’autres, sur les inégalités qui se creusent, sur la dégradation des prises en charges, sur les conditions d’exercice et d’enseignement de plus en plus dures et exigeantes. Il y a quelques années de cela, je m’étais invité à la terrasse d’un café nîmois pour échanger avec Jean-François Mattéi, ministre de la Santé, venu donner deux conférences sur l’éthique. À ses réponses, j’ai eu la grande déception de comprendre qu’il ne connaissait rien à la médecine générale ni à ses missions. Heureusement les ministres changent et j’ai été naïvement rassuré quand les beaux discours nous ont dépeints en piliers, en pivots ou même en tours de contrôle des soins et de la prise en charge des patients. Malheureusement, je vais devenir une tour de contrôle sans radar, sans radio, sans tour non plus. Les accidents d’avion ont déjà commencé. (...)
Comment pourrais-je échouer avec un patient ? Des vies sont en jeu. Comment pourrais-je échouer avec un étudiant ? Il s’est trop investi, il a trop donné pour cela, il compte sur moi. Et pourtant j’ai atteint et dépassé mes limites. Les gens viennent tous les jours à l’accueil du cabinet : “Regardez je suis sympa, je ne vous embêterai pas, prenez-moi comme patient s’il vous plaît.” A Nîmes, ma ville d’exercice, 15 000 personnes sont sans médecin traitant. Je ne veux pas attendre d’autres drames pour tirer la sonnette d’alarme. Je ne veux pas qu’un enseignant s’endorme au volant et qu’on me dise : “Tu aurais dû nous en parler.” (...)
J’ai reçu les dernières annonces de Gabriel Attal et Frédéric Valletoux comme une trahison, comme un coup de poignard. Après avoir mis à bas la médecine générale, ils en dépècent le cadavre et éparpillent les tâches entre les uns et les autres sans aucune notion de ce que représentait la médecine générale : la prise en charge globale d’un patient dans la durée, facteur de santé publique et de moindre coût pour l’individu et la collectivité. Quel désespoir de devoir choisir entre deux solutions inacceptables : continuer à foncer dans le mur avec les retards de soin et les morts que cela va entraîner ou arrêter ce pour quoi je vis en laissant les patients sur le bord de la route et les copains se démerder. (...)
Moi je ne peux plus être complice de la médiocrité de ceux qui nous gouvernent et de leur dangerosité, je ne veux plus être un maillon de cette chaîne de maltraitance (des patients, des étudiants et des enseignants), je ne veux plus accepter l’inaction et la com populiste. La mort dans l’âme, j’envisage pour la première fois une reconversion. Si vous avez des offres d’emploi, vous pouvez me contacter. Évitez juste la clinique esthétique des Champs-Elysées. »
L'intégralité de la tribune est à retrouver ICI