FAIT DU JOUR Nicole Belloubet, garde des Sceaux : "La surpopulation perdure à la maison d'arrêt de Nîmes"
Il y a un an, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice était mise en place avec des objectifs ambitieux : simplifier et clarifier les procédures, recentrer le juge sur sa fonction première, maintenir et même renforcer la proximité et la qualité de la justice, mieux protéger les victimes, lutter contre la délinquance du quotidien et prévenir la récidive. Depuis, entre grève des avocats et crise sanitaire liée au coronavirus, la justice a marqué une pause contrainte. Même si le tribunal a rouvert ses portes depuis quelques jours, la situation reste tendue et le déplacement à Nîmes, ce lundi, de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est attendue par toute la profession. Pas sûr qu'elle puisse répondre à toutes les attentes d'autant que son programme de visite est calibré. Elle participera d'abord à une réunion du Comité local d’aide aux victimes (CLAV) du Gard puis visitera des locaux du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles du département (CIDFF). Elle a toutefois accepté de répondre aux questions de notre journal.
Objectif Gard : Quel est l’objet de votre déplacement à Nîmes ?
Nicole Belloubet : Comme vous le savez le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences intra-familiales une priorité. C’est aussi la mienne. Pendant le confinement ce contentieux n’a pas cessé d’être traité et nous avons mis en place des systèmes de signalement adaptés dans les pharmacies et les centres commerciaux. Plusieurs indicateurs montrent une augmentation des violences pendant le confinement. Avec le déconfinement, nous devons nous assurer que ces victimes sont prises en charge et portent plainte. L'ensemble des acteurs doit être mobilisé. J'ai donc demandé aux procureurs de la République de réunir avec les préfets les comités locaux d'aide aux victimes pour faire le point sur les violences intra-familiales à l'encontre des femmes et des enfants. Je viens assister à la réunion de ce comité à Nîmes.
Comment la justice a-t-elle fait face pendant le confinement ?
Les juridictions se sont concentrées sur les contentieux prioritaires et ont démontré leur capacité à traiter les contentieux essentiels durant cette période. Nous avons pris des mesures dans les centres pénitentiaires comme dans les foyers de la protection judiciaire de la jeunesse pour éviter une propagation du covid 19. La justice s’est adaptée. Nous sommes maintenant dans la reprise de toutes les activités en veillant à respecter toutes les consignes sanitaires et éviter le rebond épidémique.
La grève des avocats et la crise sanitaire liée au covid-19 ont mis un coup de frein à l’activité de la justice. Comment rattraper le retard ?
L’enjeu va être de juger les affaires antérieures à la crise qui n’ont pu l’être et les procédures nouvelles puisque le déconfinement risque de conduire à une augmentation de la délinquance quotidienne. C’est un enjeu majeur pour la sécurité des Français. Pour cela, en lien avec le siège, nous allons permettre aux procureurs de revoir si les orientations choisies avant la crise sanitaire sont toujours fondées aujourd’hui afin de redonner de la cohérence à la politique pénale dans un contexte qui a évolué. Dans ce cadre, nous allons conserver bien sûr la priorité donnée aux violences intra-familiales. En matière civile, pendant le confinement nous n’avons maintenu que les audiences urgentes. Les autres ont été renvoyées. Mais beaucoup de magistrats ont rédigé des décisions pendant cette période. Un des enjeux de la période de reprise sera de notifier ces décisions que les justiciables attendent maintenant depuis plusieurs mois. Pendant la période de confinement, les juridictions ont beaucoup moins jugé. Mais nous savons aussi que le confinement a provoqué une baisse importante du nombre de saisines. Nous avons prévu un renfort temporaire de 1 000 vacataires pour permettre le redémarrage des juridictions. Et ces dernières pourront continuer à utiliser des outils particuliers pendant cette phase de redémarrage. Notamment la possibilité de juger des affaires sans audience. Avec les avocats, nous avons proposé de généraliser l’envoi de dossiers de manière dématérialisée sur une plateforme ad hoc. Les juridictions peuvent aussi recourir à la visioconférence pour échanger avec les avocats.
L’une des problématiques concerne les détentions provisoires qui dépassent ces derniers temps la durée légale. Quelle réponse pouvez-vous apporter ?
Nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles pendant la période de confinement pour assurer que des personnes mises en cause pour des crimes ne soient pas libérées pour des raisons procédurales. Mais nous sommes revenus au droit commun dès la fin du confinement et la reprise de l'activité des juridictions.
Un mot sur la prochaine prison dans le Gard. Nîmes connaît une surpopulation carcérale. Est-ce que le programme de construction de la nouvelle prison est déjà défini pour répondre à l’urgence ?
La surpopulation carcérale a beaucoup baissé avec le confinement. Nous avons plus de places que de prisonniers. Mais il est vrai que la surpopulation perdure à la maison d'arrêt de Nîmes. Des projets immobiliers sont à l’étude pour régler ce problème. Une extension de la prison est prévue. Et nous envisageons la construction de nouveaux établissements dans le Gard et le Vaucluse. Mais ces projets ne sont pas encore définitivement arbitrés.
Propos recueillis par Abdel Samari