Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 10.07.2020 - stephanie-marin - 4 min  - vu 4224 fois

BEAUCAIRE Prisonniers du port, les plaisanciers réagissent

Le port de Beaucaire. (Photo : Stéphanie Marin / Objectif Gard)

Initialement prévue au deuxième trimestre 2020, l'expertise à sec de l'écluse de Nourriguier sur le canal du Rhône à Sète est reportée à l'automne. Le chantier de reprise totale du génie civil et de renouvellement des portes devrait démarrer mi 2021 et s'achever en début d'année 2022. D'ici là, l'écluse devra rester fermée.

En 2011, en charge de la gestion de l'écluse de Nourriguier, Voies navigables de France lançait un programme de réhabilitation et de modernisation de l'ouvrage vieux de 110 ans. Un programme échelonné sur dix ans et perturbé par l'observation en août 2019 d'une avarie sur l'une des quatre portes de l'écluse, dont la partie inférieure se décroche à l'ouverture ce qui a pour conséquence d'un bloquage. Dans un premier temps, entre septembre et octobre 2019, la navigation était passée en mode dégradé, sur une demi-largeur d'écluse avec la présence d'un éclusier, à certaines heures et sur demande.

Puis, après la période de chômage annuel en novembre et décembre, l'écluse était restée telle quelle. Le 27 février dernier, un passage exceptionnel de l'écluse avait été proposé par VNF aux plaisanciers pour sortir du port de Beaucaire. Une quinzaine de bateaux avait ainsi pu sortir du port de Beaucaire qui est un cul-de-sac. Mais depuis l'ouvrage n'a plus rouvert ses portes. "Compte tenu de son état de dégradation, la sécurité des éclusages n'est plus garantie", explique VNF dans un bulletin d'information adressé aux usagers du port.

Après ces travaux menés le 28 août 2019, ainsi qu'une intervention de plongeurs qui n'a pas permis de connaître la cause de l'avarie, une mise à sec et une expertise approfondie auront lieu à l'automne. (Photo DR/ VNF)

Une expertise à sec est nécessaire pour permettre la finalisation du diagnostic des parties immergées de l’écluse (génie civil et portes) avant d'engager les travaux. Elle était prévue au mois de juin, mais VNF annonce un planning perturbé à cause de la crise sanitaire. Cette mise à sec est donc repoussée à l'automne et le démarrage du chantier à la mi 2021 pour une livraison au premier trimestre 2022.

"Nous sommes remontés"

Les plaisanciers ne pourront quitter le port de Beaucaire avant la fin des travaux. "Nous sommes remontés, lance Michel, 78 ans. C'est de la mauvaise volonté." Le propriétaire du bateau baptisé Sea Bird a pour habitude de partir chaque été en mer, le long de la Côte d'Azur ou en Corse. "On se sent comme des prisonniers. Et regardez autour, de nombreux bateaux sont vides, c'est inhabituel en cette saison. Les gens ne viennent pas puisqu'ils ne peuvent pas naviguer."

Jean-Pierre, 66 ans, un plaisancier belge bloqué au port de Beaucaire. (Photo : Stéphanie Marin / Objectif Gard)

Jean-Pierre et Jacques sont inquiets. Le premier est un plaisancier belge âgé de 66 ans, propriétaire du Sirius, le second est âgé de 87 ans. Il est le propriétaire de la péniche nommée Coriandre. L'inquiétude de ces deux hommes porte sur l'entretien des bateaux qui se fait pour la plupart à Port Camargue, pour d'autres en Belgique. La montée en cale de la péniche de Jacques était programmée à l'année prochaine à Saint-Jean-de-Losne.

Mais cette opération, nécessaire pour inspecter la coque du bateau, devra être reportée à 2022. "Si jamais un bateau coule à cause d'une avarie parce que l'entretien n'aura pas été fait, qui va payer ?", interroge Jean-Pierre. Selon ce plaisancier belge, VNF devrait revoir son calendrier et réaliser "une première tranche des travaux, le génie civil, le plus vite possible. Puis la deuxième, le remplacement des portes, à la fin de l'année 2021." Ce qui nécessiterait deux mises à sec.

Quant au remboursement de la vignette 2020 comme le propose VNF dans son bulletin d'information : "ils ne prennent pas un gros risque. Je pense qu'il n'y a pas grand monde qui prend la vignette à l'année, sachant qu'on peut la prendre à la journée, à la semaine, au mois ou à l'année", commente Jean-Pierre.

Le Sea Beggar est bloqué au port de Beaucaire depuis le 26 octobre 2019. (Photo : Stéphanie Marin /Objectif Gard)

Après avoir quitté la Drôme et passé deux mois à Port Camargue, Bénédicte (49 ans) et son compagnon, Vincent (38 ans), avaient décidé d'amarrer leur bateau au port de Beaucaire pour y passer l'hiver. C'était le 26 octobre 2019. "Lorsque nous avons passé l'écluse, nous savions qu'elle serait fermée ensuite, mais on nous a assuré que nous pourrions repasser sur demande", raconte Bénédicte. Mais depuis, le Sea Beggar n'a toujours pas quitté son emplacement.

Un choix ? Non, la plaisancière assure ne pas avoir été avertie de l'ouverture de l'écluse au mois de février. "Aujourd'hui, on n'a pas le choix, mis à part mettre des ailes au bateau ! Nous sommes prisonniers", s'agace-t-elle, d'autant qu'elle n'a pas eu le coup de coeur escompté pour la ville. "Ce que j'attends aujourd'hui ? Qu'ils se dépêchent de faire les travaux. Si on me tient pour prisonnière, dans ce cas-là, je dois être logée, blanchie et nourrie !"

Un appel du pied à la Communauté de communes Beaucaire Terre d'Argence (CCBTA) en charge de la gestion du port, qui elle-même se dit victime de cette situation avec une perte de chiffre d'affaires de 71 000 euros sur un budget global de 300 000 euros. "La communauté de communes paie aujourd'hui un loyer. Si VNF, comme je lui ai demandé, nous fait une exonération de loyer, nous en ferons de même et à la même hauteur, pour les plaisanciers qui louent un anneau", réagit Juan Martinez, le président de la CCBTA.

Un collectif des plaisanciers du port de Beaucaire est en cours de constitution. D'après nos informations, Anne Ackermans, la présidente de l'Association nationale des plaisanciers en eaux intérieures, devrait s'entretenir avec un représentant de VNF la semaine prochaine.

Stéphanie Marin

Stéphanie Marin

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