CORONAVIRUS Didier Lauga, préfet du Gard : "Le port du masque sera obligatoire pour les Jeudis de Nîmes"
Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, et plusieurs ministres sont réunis à l'Élysée ce vendredi en Conseil de défense pour évoquer l'épidémie du coronavirus et ses conséquences sanitaires sur le pays, le préfet du Gard évoque pour Objectif Gard les mesures qu'il va prendre sur le département. Interview.
Objectif Gard : Depuis quelques jours, une rumeur persistante annonce la suspension des Jeudis de Nîmes. Vous confirmez ?
Didier Lauga, préfet du Gard : J'ai eu le maire de Nîmes au téléphone à plusieurs reprises ces derniers jours. Toutes les modalités ne sont pas arrêtées. Mais j'ai décidé de prendre un arrêté préfectoral à partir de la semaine prochaine pour obliger au port du masque dans une partie du coeur de Nîmes. Reste à définir le périmètre. Probablement pas sur l'Esplanade Charles-De-Gaulle ni sur les grands boulevards mais la discussion se poursuit.
Qu'est-ce qui a motivé votre décision ?
Plusieurs choses mais en particulier le nouveau cluster dans le Gard situé à Bellegarde. Comment accepter que la bêtise de 60 personnes qui se réunissent pour un anniversaire puisse avoir des conséquences dramatiques ensuite sur un territoire où le bassin de vie est important ? Enfin, depuis de nombreuses semaines, on constate dans des ruelles de Nîmes la foire totale. Je comprends que l'on ait envie de s'amuser et c'est bien normal. Mais on ne peut plus prendre de risque. Je suis extrêmement attentif avec mes équipes et l'Agence régionale de santé Occitanie sur l'évolution de l'épidémie dans le Gard. Le risque d'un rebond est réel. Je prends donc mes responsabilités.
Vous n'annulez pas les Jeudis de Nîmes ?
Je ne l'ai jamais envisagé. Je voudrais d'ailleurs rappeler que c'est moi qui ait autorisé les Jeudis de Nîmes. Je porte donc encore plus cette responsabilité. Comme les choses dérapent depuis plusieurs jours, je veux juste que cela se passe mieux, que nous ayons la garantie du respect des gestes barrières. J'ai conscience que l'annulation de la Feria de Pentecôte et des concerts de l'été ont un impact économique important. Je souhaite donc que cet événement puisse se poursuivre mais de nouvelles modalités doivent être mises en place à partir de jeudi prochain. En particulier dans plusieurs rues de l'Écusson de Nîmes. Finalement comme au Grau-du-Roi, à Bagnols-sur-Cèze ou encore à la Rochelle.
Est-ce que ces mesures ont valeur de test pour la Feria des vendanges de septembre prochain ?
On travaille sur ce sujet depuis un bon moment maintenant. Les décisions autour de la Feria se feront en lien d'abord avec Arles. On ne peut pas imaginer que le préfet de Marseille autorise celle de nos voisins et que j'interdise celle de Nîmes ou inversement. Et puis, bien entendu, je vais regarder attentivement ce qu'il va se dérouler sur les Jeudis de Nîmes durant le mois d'août. Si nous n'arrivons pas à assurer la sécurité sanitaire, nous en tirerons les conséquences. J'en appelle donc à la responsabilité de tous. Il faut respecter les distanciations physiques, porter un masque chaque fois que cela est possible et faire preuve de discipline. Et que ce soit pour les Jeudis de Nîmes comme pour la Feria, ce n'est pas la ville de Nîmes qui est en cause. En la matière, je voudrais même rendre hommage au maire et à ses services avec qui nous travaillons main dans la main.
C'est d'ailleurs aussi le cas avec les plus petites communes du Gard au sujet des fêtes votives...
Exactement. J'ai eu l'occasion d'avoir de nombreux maires en réunion ou par téléphone et je voudrais souligner là aussi leur véritable sens des responsabilités. Ils sont, comme moi, des défenseurs des traditions. Mais quand l'organisation est compliqué, voire impossible, nous n'avons pas le choix que de reporter ou annuler. Pour ces fêtes votives, l'essence même, ce sont les festivités. Elles reposent sur des buvettes, des stands installés un peu partout. Il est très compliqué d'imaginer le respect des gestes barrières. Sur le sujet, je pourrais même dire que nous avons décidé en co-responsabilité.
Une autre question sera également au coeur des sujets au mois d'août : l'accueil des spectateurs au stade des Costières...
Là aussi, nous travaillons parfaitement avec les équipes de Rani Assaf (Le président du Nîmes Olympique, NDLR) et la municipalité. Nous avons déjà engagé plusieurs réunions de travail. Il faudra respecter les gestes barrières et la distanciation physique même si la jauge est toujours fixée à 5 000 spectateurs ou au-delà. On devrait en savoir plus aujourd'hui après la tenue du Conseil de défense à l'Élysée. En tout état de cause, comme d'ailleurs pour les spectacles taurins dans les arènes en septembre, il y a le nombre de spectateurs autorisés mais encore faut-il que l'on ait la certitude que les gens ne vont pas se mettre les uns à côté des autres. Et que les supporters dans les Costières ne vont pas à chaque but se serrer tous dans les bras.
Un mot aussi sur l'activité touristique. Quel est votre sentiment sur ce début de saison ?
Je n'ai pas encore de bilan chiffré puisque nous sommes au coeur de la saison. Cependant, j'ai l'impression que pour le moment, elle est assez identique aux autres années sur le profil des touristes. Plutôt une clientèle française et familiale. Le Département du Gard travaille sur des indicateurs et l'on peut déjà dire que les touristes sont nombreux. Mais cela ne compensera pas le début de saison compliqué...
La sécurité routière reste aussi une priorité cet été...
On ne relâche pas nos efforts. Les contrôles comme pendant le confinement vont se poursuivre. On constate que beaucoup de conducteurs ont repris leurs mauvaises habitudes avec de nombreux excès de vitesse. Et puis, les saisons estivales ce sont des populations supplémentaires en nombre, sur le littoral mais pas seulement. Nous ne baisserons pas la garde.
Même si la canicule n'est pas pour l'instant au rendez-vous, l'épisode de Générargues le week-end dernier sonne comme un avertissement pour les feux de forêts...
Je ne vais pas me plaindre à titre personnel que l'été soit un peu moins chaud que l'année dernière. Rappelons que nous avons subi un record national avec le 28 juin 2019, plus de 45° C dans le département. Concernant Générargues, de gros moyens ont été engagés avec une disponibilité accrue des moyens aériens. Nous avons été plus réactif et les conséquences, fort heureusement, moins grave. Cela étant, il est toujours bon de se souvenir que les incendies ont dans la quasi totalité des cas, une conséquence d'origine humaine. Pas forcément criminelle mais lié à des barbecues en pleine forêt, des cigarettes jetés par les fenêtres, etc. Et comme on a pu le constater à Générargues, un débroussaillement réalisé en prévention évite un embrasement généralisé. Et c'est aussi cela qui a permis au village de ne pas courir à la catastrophe...
Vous êtes inquiet pour la rentrée de septembre ?
Avec l'ARS, nous sommes mobilisés chaque jour pour faire en sorte que la situation sanitaire ne se dégrade pas dans les prochains jours et prochaines semaines. On entend ici et là des personnes considérer que l'épidémie n'est pas là donc que l'on n'a plus besoin d'être vigilant. C'est faux. Regardez encore une fois à Bellegarde. C'est une piqûre de rappel qui doit nous faire prendre conscience qu'un rebond est tout à fait possible...
Propos recueillis par Abdel Samari