LES ANGLES Découvrez "Moi, Léa", le film de la lycéenne Inès Bigonnet sur le droit à la différence
Août 2019, en promenant sur son VTT, Inès Bigonnet, 16 ans, a un flash : elle veut réaliser un film en partie inspiré de son histoire. Légèrement atteinte du syndrome d'Asperger, elle a subi de nombreuses moqueries lorsqu'elle était au collège et au début de son lycée.
À travers son moyen-métrage "Moi, Léa" qui sort ce dimanche 29 novembre sur YouTube, elle veut parler du droit à la différence et porter un message de tolérance. Inès Bigonnet a découvert qu'elle était légèrement atteinte du syndrome d'Asperger à l'âge de 13 ans. Un trouble du comportement qui la dote des facilités intellectuelles dans beaucoup de domaines, mais lui donne plus de peine dans d'autres notamment les matières scientifiques. Elle est alors suivie en classe par une AVS (auxiliaire de vie scolaire). Une aide mais aussi une marque visible de sa différence qui lui attira bien des railleries de ses camarades.
Un peu démunie à l'époque, Inès souhaite désormais leur répondre à travers le personnage de Léa qu'elle incarne à l'écran (en plus de la réalisation). "J'espère que les gens qui se sont moqués de moi vont se reconnaître et vont se dire qu'ils sont peut-être allés trop loin. Léa adopte la réaction que je voulais avoir. Elle répond ce que je n'ai jamais osé dire", explique l'adolescente habitant Les Angles.
Passionnée de VTT en loisir, elle se rendait souvent au collège du Mourion en pédalant. Ce qui lui a valu également quelques regards et remarques car ce ne serait pas un sport assez féminin. Tout ce vécu, plus ou moins heureux, la lycéenne a voulu le mettre dans ce film. Déjà auteure de plusieurs courts-métrages amateurs tournés au téléphone portable, elle comptait faire de même pour ce nouveau projet. Mais son idée a suscité un tel engouement qu'elle a revu les moyens à la hausse et a décidé de rendre ce travail public.
Une course de VTT pour régler des problèmes d'argent
Elle commence à écrire le scénario en octobre 2019 et termine la rédaction en février 2020. L'histoire d'une famille qui depuis la mort du père vit dans des conditions peu confortables. La mère est tombée en dépression, la fille (Léa) est harcelée au lycée, son petit-frère a aussi des problèmes mais ne le montre pas. Un jour, le foyer reçoit une lettre des propriétaires de la maison dans laquelle il vit. Ces derniers déplorent plusieurs loyers impayés. La famille a deux mois pour rembourser ses dettes sinon c'est l'expulsion. Léa trouve alors une solution temporaire aux problèmes d'argent de sa famille : gagner une course de VTT et la récompense. Un récit retraçant des rencontres, des entraînements, mais aussi impliquant des personnages valides, d'autres marqués par le handicap, traitant de l'acceptation ou du rejet...
En même temps qu'elle écrit, elle parle du projet autour d'elle. D'abord à une de ses amies avec qui elle avait joué au festival "In" d'Avignon en 2018 puis à Aurélien Quillet de l'IMCA Provence (Centre de formation vidéo scénario). Ce dernier, convaincu par l'idée, deviendra le coréalisateur, et mobilisera une partie de son réseau sur la réalisation de "Moi, Léa" (cadreurs, perchman, et maquilleurs...). Pour le financement, Inès Bigonnet s'est entouré de six partenaires et a aussi lancé une cagnotte en ligne qui a permis de récolter 1 250 €. L'IMCA a fourni gratuitement du matériel notamment une caméra professionnelle.
"Ce n’est pas parce qu’on est jeune [...], que l’on n’est pas capable"
Tous les week-ends, du 30 mai au 12 juillet dernier, Inès et son équipe étaient occupés à tourner au Mourion, aux Angles, à Châteauneuf-de-Gadagne et à Avignon. Entre les techniciens, les acteurs et les figurants, une soixantaine de personnes a participé au projet. Après trois mois de montage, le projet de 52 minutes est fin prêt le 6 octobre. Le jour de sa diffusion en avant-première au cinéma avignonnais Le Vox. Juste à temps avant le reconfinement. Sa sortie officielle sur YouTube a eu lieu ce dimanche 29 novembre.
"En arrivant au bout de ce projet, j’ai voulu aussi montrer que ce n’est pas parce qu’on est jeune et qu’on a peu de contacts ou de moyens, que l’on n’est pas capable de se lancer dans quelque chose qui nous plaît même si c’est très ambitieux, et de trouver les bonnes personnes pour nous aider", affirme Inès Bigonnet. Cette dernière ne se destine pas à une carrière dans le 7e art, mais souhaite faire de son autre passion - le chant - son métier et intégrer le chœur de l'Armée de France. Parce que contrairement à ce que certains jeunes esprits réducteurs ont voulu faire croire, une personne ne se résume pas qu'à sa différence. Inès a su la transformer en force pour nourrir ses ambitions. Et passée la blessure, vient maintenant le pardon et l'invitation à accepter l'autre.
Marie Meunier