ALÈS Les sinistrés du Grabieux réclament des travaux de sécurisation face aux délocalisations annoncées
Rendues publiques le 18 mars, les mesures pour éviter un drame au bord du Grabieux en cas de nouvelle crue ne satisfont pas la majorité des habitants des 863 maisons concernées par le risque inondation dans le bassin versant du Grabieux (relire ici). Le lendemain, ces habitants organisaient leur propre réunion en l'absence de responsables de la municipalité, pourtant invités. Certains foyers, concernés par une délocalisation, ont déjà reçu la visite d'agents de l'Établissement public territorial de bassin Gardons (EPTB) et de l'Agglo.
Les premières études hydrauliques semblaient encourageantes : les travaux étaient estimés à 16 millions d'euros. Et même si l'État ne trouvait pas opportun de mettre plus de 6 M€, l'association des sinistrés du Grabieux avait bon espoir de voir une sécurisation de leur quartier aboutir. Puis, le chiffrage a presque doublé du fait d'une sous-estimation du cabinet d'études, à 30 M€, faisant renoncer les pouvoirs publics. Les 863 bâtiments en zone inondable n'ont désormais plus de destin commun aux yeux de l'EPTB Gardons, présidé par le maire d'Alès Max Roustan, et de l'Agglo d'Alès, présidée par son premier adjoint, Christophe Rivenq. Avec la crainte de voir revenir la vague observée en 2002, 2014 et 2015.
41 maisons délocalisables
"Sur l'ensemble des maisons, 41 sont considérées comme étant plus à risque", détaille Bernard Laurent, l'un des neuf co-présidents de l'association des sinistrés du Grabieux. Sur ces 41 - dont 27 dans le quartier du Moulinet, dont les permis avaient été délivrés dans les années 80 - "les quatre ou cinq plus à risque seront prises en charge à 100 % par l'État, les autres à parts égales entre État et Agglo". Les deux institutions s'engagent ainsi à racheter les propriétés au prix qu'estimera France Domaines, sans décote en raison de l'inondabilité.
Pour 30 M€, l'étude proposait neuf scénarios. Le premier avait les faveurs de l'association. "Il prévoyait d'élargir à 30 mètres le cours d'eau, de l'embouchure du Gardon à la rocade. Nous sommes persuadés qu'ils nous ont bernés pendant quatre ans, s'emporte Bernard Laurent. On mettait 30 M€, on revalorisait plus de 800 maisons. Aujourd'hui, ils vont mettre 15 à 16 M€ peut-être pour essayer d'acheter une quarantaine de maisons." Il restera alors à mettre hors d'eau le reste des habitations par la mise en place de solutions individuelles visant à réduire la vulnérabilité. Les travaux de ce programme Alabri (pour aide à l'adaptation de votre bâti au risque inondation) seront pris en charge à 80 % par l'État, après un diagnostic payé par l'EPTB : "Ils assureront ainsi la fourniture de batardeaux, la création de pièces de survie financées à 70 ou 80 %, etc. En 2014, l'eau est montée à 2,40m chez moi, alors qu'en général c'était plutôt entre 1,50m et 2m, se souvient Bernard Laurent qui vit à Tamaris, au bord du Grabieux, à deux pas du pont dont l'association réclame la mise en place d'un tablier sans arche, pour laisser s'écouler l'eau. La sécurité maximale des batardeaux, c'est 70 centimètres. Plus haut, ça devient un souci pour les pompiers."
"Une digue de 12 mètres de haut"
Co-présidente, Valérie Bricaire compare, toutes proportions gardées, la situation du Grabieux à celle de Nîmes, "qui travaille depuis 1988 sur des bassins de rétention. Aujourd'hui, quand il pleut fort, plus personne ne dort." "C'est autre chose que simplement une rivière qui coule, renchérit le co-président Bernard Vayssade, mais on ne lit rien sur l'aménagement du territoire. Or, il y a des endroits où il pourrait y avoir des carrières qui permettraient de stocker l'eau, sans même aller jusqu'au million de mètre cube de la carrière de Caveirac qui protège Nîmes. On aurait pu trouver des solutions avec un bassin à Saint-Martin-de-Valgalgues, un autre à Saint-Julien-les-Rosiers et un à Saint-Privat-des-Vieux." Une solution pas indispensable pour Saint-Privat, envisagée à Saint-Martin, rejetée à Saint-Julien. "Il aurait fallu une digue de 12 mètres de haut, au nord de la commune, sur la propriété Bastide, explique Serge Bord, pour faire face aux crues du Gravelongue et de Ruisseau rouge", deux affluents du Grabieux. Propriétaire et municipalité n'en ont pas voulu. La municipalité dit réfléchir à des bassins de rétention "à taille humaine" le long des ruisseaux. "Sauf que ce ne sont que des terrains privés", constate Serge Bord.
Les sinistrés du Grabieux s'étonnent également que la puissance publique n'envisage rien pour améliorer le circuit de l'eau. Comme à Tamaris donc, où les arches du pont pourraient être supprimées pour éviter que les embâcles y restent bloqués. Ou au pont SNCF du Moulinet, dont une arche reste désespérément obstruée. "Si on avait été inscrits lors d'un Papi 3 (plan d'action de prévention des inondations), ces travaux auraient pu être financés, poursuit Bernard Laurent. Aujourd'hui, l'EPTB va voir des gens âgés, des ouvriers qui ont construit leur maison. Certains sont paniqués." Le premier courrier leur avait été envoyé deux semaines avant Noël, désormais l'opération s'accélère. Selon l'EPTB - et en attendant l'estimation des domaines pour chaque bien - 29 propriétaires sur 41 se seraient montrés favorables à une délocalisation.
Après avoir rencontré des élus locaux et nationaux, l'association des sinistrés du Grabieux attendait une prise de conscience. "Mais les constructions de lotissement ont continué en amont", imperméabilisant un peu plus les sols, "et ni le maire ni le président de l'Agglo n'ont répondu à nos courriers". L'association souhaitait marquer le coup, en septembre, en commémorant les 20 ans des tragiques inondations de 2002. Une personne était décédée au bord du Bruèges, affluent du Grabieux. Une idée de commémoration reprise depuis par la municipalité. Ce qui fournira, peut-être, l'occasion de se rencontrer...
François Desmeures
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