ÉDITORIAL Fin de CDD pour le CBD
Alors qu'il ambitionnait un CDI, c'est finalement à un bref CDD qu'aura eu droit le CBD en France. Pourtant, le 23 juin dernier, la Cour de cassation avait rendu une décision favorable sur la légalité du cannabidiol, en autorisant la vente en France afin de se conformer à une décision de Cour de justice de l'Union européenne qui, pour motiver son arrêt, soulignait que l'interdiction de la vente de produits à base de CBD fabriqués légalement dans un pays membre constitue une entrave à la libre-circulation des marchandises dans l'espace européen. Mais alors que les commerces spécialisés dans la revente de ce cousin ersatz du cannabis, auquel on prête des vertus thérapeutiques, se multipliaient à une vitesse hallucinante comme des... champignons, le Gouvernement vient de faire machine arrière et la sanction est tombée en catimini le vendredi 31 décembre 2021, juste avant le foie gras et les cotillons. Publié au Journal officiel sur proposition de la directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, un arrêté interdit désormais la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes à fumer ou en tisane. En... substance, "la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation" est prohibée. On aurait quelques raisons de regretter cette décision et ses conséquences. En premier lieu, le devenir de ceux qui, flairant la bonne affaire dans les effluves de ce produit rapidement adopté par les consommateurs occasionnels de vrai cannabis au THC (et aux effets psychotropes parfois dévastateurs) et avaient succombé à la petite musique de chanvre, se retrouvent désormais avec leur stock sur les bras et vont aller grossir les rangs de Pôle Emploi. Les prévenir et leur laisser un peu de temps aurait été pour le moins plus correct. Par ailleurs, et alors que nos voisins Allemands réfléchissent de leur côté à la légalisation (*) du cannabis THC, notre Gouvernement préfère serrer la vis sur l'usage du CBD - décliné sous plusieurs forme : tisanes, miel, huiles, chocolat... - pour lequel aucune étude scientifique n'a prouvé qu'il pouvait avoir des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs. C'est peu dire qu'au royaume du Maroc - premier producteur mondial de marijuana mais où l'usage récréatif est interdit - et chez les encapuchonnés vêtus de noir qui pullulent dans les entrées de parking assis sur des glacières, les cages d'escaliers ou des lieux interlopes, on se frotte les mains. Les affaires reprennent ! Et l'État qui avait une occasion de prendre la main en règlementant et en organisant tout ça comme il en va pour l'alcool, n'en tirera aucun bénéfice financier et continuera d'envoyer ses policiers au casse-pipe dans une guerre perdue d'avance qui mobilise beaucoup d'énergie et d'argent pour un résultat contestable : les Français restent les plus gros fumeurs d'herbe en Europe avec 11,1 % de consommateurs réguliers devant les Espagnols et les Italiens (9,2 %).
Philippe GAVILLET de PENEY
* Seuls l’Uruguay et le Canada ont légalisé l’usage récréatif du cannabis. Les Pays-Bas appliquent une politique de tolérance dont sont exclus les touristes étrangers.