ÉDITORIAL Pratique du pouvoir et risque zéro
Agnès Buzyn, l'ex-ministre de la Santé est depuis vendredi mise en examen par la Cour de justice de la République pour "mise en danger de la vie d'autrui" et placée sous le statut de témoin assisté pour "abstention volontaire de combattre un sinistre" pendant la crise sanitaire. Cette annonce est intervenue après son audition par des magistrats de cette Cour de justice de la République, seule instance compétente pour enquêter sur les actes commis par des ministres durant l’exercice de leurs fonctions. Cette même cour qui a reçu depuis de nombreux mois un afflux de plainte contre l'ex-ministre de la Santé mais aussi contre son successeur, Olivier Veran, et même le Premier ministre à l'époque du déclenchement de l'épidémie en France, Édouard Philippe. Qu'est-ce qui est aujourd'hui clairement reproché au Gouvernement ? Une mauvaise, voire une absence, d'anticipation de la pandémie et des risques pour la population. Il faut dire que l'ex-ministre de la Santé a probablement manqué de prudence dans ses déclarations lors du déclenchement de la crise. durant qu'elle annonçait dans plusieurs médias que "les masques étaient inutiles" pour les non contaminés alors que dans le même temps elle avait lancé une enquête interne au ministère pour identifier les stocks disponibles, la justice veut donc savoir si la ministre a sciemment dissimulé la pénurie de masques. Cette enquête, la mise en examen et l'éventuelle condamnation d'Agnès Buzyn posent toutefois quelques légitimes interrogations sur la pratique du pouvoir et le risque zéro. Est-ce qu'un Gouvernement avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête agira à l'avenir efficacement ? Paralysée par la crainte d'une décision ultérieurement contestée, remise en cause par des magistrats qui ne connaissent pas forcément la chose politique, au final c'est la démocratie qui est en danger. Pourtant, si un gouvernement ne remplit pas sa mission, il peut être renversé. Déjà par l'Assemblée nationale. Ou dissous par le président de la République lui-même comme en 1997. Ce même Président qui peut aussi être battu à l'élection suivante, n'est-ce pas Nicolas Sarkozy ? Ou être contraint de renoncer. François Hollande si tu nous lis ce matin... Enfin, rappelons qu'en Italie, en février 2020, la crise couvait déjà et le désespoir des médecins ressemblait furieusement à celui des nôtres quelques semaines plus tard. Est-ce que pour autant, à ce moment-là, le gouvernement italien n'avait pas pris les bonnes décisions ? En avait-il les moyens ? En Europe, la pandémie a très fortement frappé. Alors oui, avec plus de 100 000 décès attribués au covid, la France figure parmi les pays les plus endeuillés. Mais se situe au vingtième rang si l'on rapporte le nombre de morts à la population. Derrière une bonne dizaine de pays européen... Alors qui est le véritable responsable ? Le coronavirus surtout !
Abdel Samari