FAIT DU JOUR À peine lancé, le projet éolien de Saint-Gervais fait polémique
Il ne s’agit pour l’heure que du lancement des études et de la concertation, mais c’est peu dire que le projet fait déjà parler à Saint-Gervais, village de 700 habitants niché à l’entrée de la vallée de la Cèze, à quelques kilomètres de Bagnols.
Un projet porté à la connaissance des administrés à la faveur d’un conseil municipal le 13 décembre dernier et qui se divise en deux parties : des panneaux photovoltaïques sur un demi-hectare, sur le site de l’ancienne décharge publique, mais aussi et surtout un parc éolien sur la partie nord de la commune, dans la forêt. « Le projet pourrait comporter sept éoliennes, sachant qu’à ce jour rien n’est arrêté », explique l’ingénieur en charge du projet pour l’entreprise RES, Jean-Paul Pin.
Sept éoliennes « d’une hauteur envisagée de 150 mètres. Sachant que ce type d’éoliennes pourrait alimenter environ 30 000 personnes, soit 40 % de la population du Gard rhodanien pour environ 30 MégaWatts », poursuit Jean-Paul Pin. Et si l’ingénieur parle au conditionnel, c’est que « le projet ne fait que commencer, il y a tout un panel d’études de faisabilité à finaliser. » Dans un communiqué (*), le maire de Saint-Gervais, Didier Delpi, le rappelle lui aussi, histoire de tenter de désamorcer la polémique qui grandit dans le village : « Cette pré-étude comportera deux volets. Le premier ce seront des études purement techniques liées aux zones de restrictions et d’exclusions réglementaires par rapport aux enjeux de sites sensibles. Le deuxième volet portera sur les concertations. Des concertations avec la population locale, avec les acteurs économiques, avec les utilisateurs de la forêt, avec les associations, avec les communes avoisinantes et avec la Communauté du Gard Rhodanien. »
« Nous avons pour but d’instaurer un dialogue constructif et pédagogique », appuie Jean-Paul Pin. RES a d’ores et déjà fait parvenir une lettre d’informations aux habitants, et prévoit d’organiser des permanences locales, des rencontres, un site internet et des prospectus. « La population locale pourra s’exprimer et participer à ce projet », promet-il.
« Ils ont caché le projet aux citoyens »
Certains n’ont pas attendu le lancement de la concertation pour s’exprimer. On retrouve Raymond Chapuy dans sa maison de l’entrée du village. Ce retraité est vent debout contre le projet éolien. Il a lancé une pétition dès la fin du mois de décembre pour laquelle il revendique « plus de 150 signatures » et il s’apprête à créer une association. Ce vendredi soir, chez lui quatre amis sont venus lui prêter main forte : le viticulteur Gaël Cluchier, le fonctionnaire Grégory Chambon, l’employé industriel Didier Jouffre et le retraité Pierre Roux. Raymond Chapuy reproche à la mairie « le fond et la forme ».
Sur la forme, « le conseil municipal a préparé ce dossier pendant un an, sans le dire à qui que ce soit. Ils ont caché le projet aux citoyens », lâche-t-il, avant de confier une anecdote : « Certains d’entre nous sont chasseurs. Nous chassons avec le maire et son premier adjoint et ils ne nous en ont jamais parlé alors qu’on se voit souvent ! »
Bref, plutôt que cette concertation à venir, Raymond et ses amis auraient préféré une concertation avant le vote en conseil municipal. Et lorsqu’on lui rétorque que le projet ne fait que commencer, il n’y croit pas : « C’est se moquer des habitants. On sait bien que toute la mécanique est enclenchée avec RES. » Raymond Chapuy croit savoir que le maire s’apprête à signer « un pré-bail qui engagera la commune sur une très longue période. »
Sur le fond, la future association craint « la grande saignée qu’il va falloir faire pour construire le parc, avec un impact fort sur le foncier viticole », avance Gaël Cluchier. Autre grief, le fait que les éoliennes sur leur mât de 150 mètres « se verront de loin et vont donner une image très négative de la vallée de la Cèze, le principal site touristique du Gard rhodanien », estime Raymond Chapuy, qui rappelle au passage que le GR42 et le chemin de Compostelle passent au pied du site retenu.
Une prétendue perte de valeur des biens immobiliers de la commune et le fait que le site serait dans un couloir migratoire d’oiseaux et en bordure de zone Natura 2000 revient également dans l’argumentaire. « Mais nous ne sommes pas contre la transition énergétique. Seulement nous sommes vent debout contre les éoliennes », ajoute Gaël Cluchier.
« Un projet adapté à notre territoire »
« Comme pour tout projet, surtout éolien, il y a toujours des gens qui sont dans une opposition, explique Jean-Paul Pin. Mais aujourd’hui, c’est un projet qui va dans le sens de la transition écologique et énergétique et qui est adapté à notre territoire. » RES ne désespère d’ailleurs pas de voir le projet rajouté aux « fiches actions » du Contrat de transition écologique Aramon-Gard rhodanien.
Quant aux nuisances, « tout dépend de ce qu’on appelle nuisance », affirme-t-il. Si ça se voit de loin ? « Oui, des éléments en hauteur se voient de certains points, mais dans le cadre de l’étude d’impact et de l’étude paysagère et patrimoine, on pourra s’en rendre compte », poursuit l’ingénieur, avant de glisser que « la qualification de nuisance visuelle est assez subjective. » Versant potentielles nuisances sonores, Jean-Paul Pin rappelle que la loi interdit d’implanter des éoliennes à moins de 500 mètres des habitations, et que « le meilleur moyen de se rendre compte » si ces nuisances existent est encore « de se rendre au pied d’un parc éolien. »
Oui, mais pas dans le Gard. Ou alors sur le seul parc éolien du département, à Beaucaire, construit il y a treize ans. Notre département est très en retard sur l’éolien, et les nombreux projets initiés ces dernières années sont soit en cours d’étude, soit ont d’ores et déjà capoté devant les multiples recours judiciaires lancés par les opposants. C’est dans cette stratégie que pourrait s’inscrire la future association, qui a d’ores et déjà rencontré le cauchemar des porteurs de projets éoliens, le Gardois Alain Bruguier, qui avec son collectif Vent de colère a fait échouer nombre de projets.
Chez RES, on préfère ne pas y penser. « Nous allons lancer les études environnementales, elles durent un an minimum pour couvrir les quatre saisons, et on peut imaginer une construction autour de 2022 - 2023, explique Jean-Paul Pin. Je parle sans recours au tribunal. Nous faisons le nécessaire pour ne pas aller dans ce sens là. » Sachant que si les études ne sont pas concluantes, le projet pourrait en rester là, et que la mairie, toujours via le communiqué du maire, explique que « Suite à la pré-étude et avec les recueils de toutes les informations (dans le cadre de la concertation, ndlr), le Conseil Municipal se prononcera sur la suite à donner à ces projets. »
Reste qu’à un peu plus d’un an des prochaines élections municipales, les éoliennes seront un des sujets de la campagne. Alain Chapuy ne s’en cache d’ailleurs pas : « J’espère qu’on va le (le maire, ndlr) mettre dehors dans un an. » Avant d’ajouter : « Mais si ensuite on décide d’arrêter le projet, qui paiera l’étude ? » Une question de plus pour la concertation.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
* Sollicitée, la mairie de Saint-Gervais ne nous avait pas répondu à la date de la publication de cet article.