FAIT DU JOUR Au Mont Aigoual, les éleveurs crient au loup
Ils sont montés jusqu’au sommet de l’Aigoual pour dénoncer les attaques, trop nombreuses, des loups sur leurs troupeaux de brebis. Plus de 200 éleveurs du Gard, de la Lozère, de l’Hérault, de l’Aveyron et même de l’Isère était mobilisés ce vendredi matin devant l’observatoire météo.
1 567 mètres d’altitude. La canicule de la semaine dernière paraît bien loin. Le brouillard cache les massifs, le vent souffle de plus en plus fort, une pluie fine commence à tomber et… il fait un froid de loup. Ce vendredi matin, au sommet de l’Aigoual, le thermomètre n’excède pas les 8 degrés. Mais il en faut bien plus pour décourager les éleveurs. Emmitouflés dans leurs manteaux, bonnets sur la tête, certains ont fait plusieurs heures de route pour participer à cette manifestation anti-loup, organisée par le syndicat ovin du Gard.
Le choix du Mont Aigoual n’est pas un hasard : « L’emblème des Cévennes, c’est ici. De nombreux touristes y passent », lance dans le mégaphone Marc Delpuech, président du syndicat. Alors, pour alerter le maximum de personnes, un panneau d’information sur les dégâts causés par le loup, images à l’appui, a été posé. Il résume l’angoisse vécue au quotidien par ces éleveurs qui ont tous fait la triste expérience du loup. « Quand on retrouve une jeune brebis égorgée en train d’agoniser au sol, les poumons à l’air, c’est dur », raconte Arnaud Maurin, éleveur à Prévenchères, en Lozère. Là-bas, la dernière attaque s’est produite il y a quinze jours, à 50 mètres du village. Bilan : trois brebis mortes, cinq blessées et une dizaine disparues, certainement dévorées par les vautours.
« Le loup sévit même en plein jour »
Le plus inquiétant, selon les éleveurs, c’est l’adaptation du loup à son environnement. « Il s’habitue à la présence humaine, aux chiens et n’a plus peur. Maintenant, il sévit même en plein jour, au point qu’on sait combien de bêtes on sort, mais on ne sait pas combien on va en rentrer », déplore Guillaume Calcat, venu de Prévenchères lui aussi. Dans le Larzac, une bergère s’est même retrouvée face à une louve qui a mordu, sous ses yeux, plusieurs bêtes. « Il a fallu qu’elle hurle fort pour que la louve finisse par s’en aller ! », commente Jean Noël, ancien éleveur et élu délégué à l’agriculture.
Et les derniers chiffres ne sont pas rassurants : officiellement, 370 loups sont recensés en France et, selon les informations inscrites sur le panneau posé à l’Aigoual, cette population augmente de 16% chaque année. En 2016, 2 735 attaques auraient occasionnées 9 877 victimes. Sans compter les dommages collatéraux : stress des brebis, avortements, animaux gravement blessés et difficiles à soigner, pression constante exercée sur le moral des éleveurs. « C’est une angoisse insupportable pour les troupeaux, mais aussi pour toute la famille, pour nos enfants, révèle Mélanie Brunet, venue de l’Aveyron. Et moi je ne suis pas d’accord pour enfermer mes brebis dans une bergerie ! »
« Il n’y a eu aucun prélèvement sur le Massif Central »
La solution, c’est l’élimination. Entre juillet 2016 et juin 2017, le gouvernement a fixé au total un quota de 40 loups pouvant être tués. « Ils ont pratiquement tous été abattus dans les Alpes ! Il n’y a eu aucun prélèvement sur le Massif Central ! », soupire Olivier Maurin de Prévenchères. « Et de toute façon, 40 loups tués ça ne suffit pas. Même si on en éliminait 100, ça ne permettrait pas de soulager les éleveurs. »
Alors, pour lutter contre cette prolifération et préserver leurs troupeaux, les paysans réclament notamment des tirs de défense renforcés. « Aujourd’hui, pour avoir l’autorisation de tirer, il faut d’abord avoir été attaqué une première fois, puis avoir mis en place des mesures de protection comme des filets électrifiés, des patous (chiens de montagne qui protègent les troupeaux des prédateurs, Ndlr) et des bergers professionnels. Sauf qu’en attendant, nos brebis continuent de se faire attaquer », explique Olivier Maurin. Les éleveurs demandent également la constitution d’une brigade anti-loup spécifique au Massif Central et au secteur Unesco. « L’agropastoralisme ne doit pas passer après le loup ! », clament-ils. Au risque que certains éleveurs, éreintés, songent à cesser leur activité. « Cette bête va finir par nous avaler… », alerte Marc Delpuech. Au moins, ils auront prévenu.
Élodie Boschet