FAIT DU JOUR Cluster à la prison de Nîmes : une gestion complexe de la crise sanitaire
Avec une quinzaine de détenus et quatre gardiens positifs au covid-19, un cluster est en train de se former à la maison d'arrêt de Nîmes. La situation n'est pas encore dramatique mais les syndicats s'inquiètent de cette propagation du virus dans plusieurs secteurs de l'établissement et demandent la présentation du pass sanitaire pour accéder à la prison. Pour l'avocate Khadija Aoudia, il faut libérer les détenus en fin de peine.
Classée parmi les prisons les plus surpeuplées de France métropolitaine, la maison d’arrêt de Nîmes n'échappe pas à la pandémie. La cinquième vague n’épargne pas l’établissement gardois et les 420 détenus présents qui se partagent les 200 places initiales. Une surpopulation qui ne simplifie pas, c’est le moins que l’on puisse dire, la gestion d’une crise sanitaire et la possibilité d’isoler les malades. Actuellement, on recense une quinzaine de cas positifs chez les détenus et quatre dont un en réanimation chez le personnel où on compte environ une centaine d’agents.
Des chiffres moins forts que par le passé, notamment au début de la pandémie. Les syndicats estiment que l’Agence régionale de santé (ARS) a placé la maison d’arrêt nîmoise en "cluster total" depuis le 13 janvier. "Ce n’est pas par rapport au nombre de détenus touchés car ce n’est pas excessif mais plusieurs secteurs différents où les détenus ne se croisent pas sont concernés et cela créé des chaînes de contamination", maintient et justifie Sébastien Pages, gardien et représentant du syndicat FO Justice. "Cluster total ça n’existe pas pour l’ARS, répond Claude Rols, le délégué départemental, cela voudrait dire que tous les détenus et personnels sont contaminés, ce qui n’est pas le cas."
Passons ces détails administratifs et revenons à l'essentiel avec un coronavirus qui circule dans plusieurs quartiers de la prison ce qui va entraîner à court terme une augmentation du nombre de cas. "Il risque d’y avoir encore de la casse", s’inquiète Sébastien Pages. "La diffusion d’Omicron est importante, ça galope partout et un établissement comme celui-là peut difficilement y échapper", confie Claude Rols en lien avec la direction de la prison qui n'a pas souhaité s'exprimer. Mais comment gérer au mieux ce cluster dans ce lieu clos ? "On travaille sur des modalités d’isolement mais ce n’est pas aussi facile que ça", réagit le représentant gardois de l’ARS. Faute de place, c'est difficile de pouvoir isoler un cas positif. Un détenu contaminé risque donc de transmettre le virus à ces compagnons de cellule.
"Les activités de type formation devaient s’arrêter"
"On a un minimum de trois détenus dans des cellules de 9 m2. D’un point de vue sanitaire, c’est catastrophique !", déplore Khadija Aoudia, avocate pénaliste qui a porté plainte en mars 2020 contre le Premier ministre et le ministre de la Justice pour non-assistance à personne en danger. La solution de regrouper les cas positifs n’est pas aussi simple que cela puisse paraître puisque d’autres critères entrent en jeu pour ne pas rajouter davantage d’animosité entre les détenus. "Si ça commence à s’accroître on coupera un étage en deux avec une partie réservée aux détenus contaminés", prévoit Sébastien Pages. Outre la difficulté de l’isolement pour stopper la circulation, il y a aussi la question du dépistage.
"Il n’y a aucun intérêt à tester tout le monde tous les jours puisque forcément des nouveaux cas vont apparaître", assure Claude Rols qui préconise des tests par blocs ou couloirs rappelant que le dépistage reste sur la base du volontariat. Pour le moment, peu de détenus refusent de se faire tester. Vendredi dernier, près de 180 d'entre eux ont subi un test tout comme le personnel. Concernant la vaccination des prisonniers, le taux à Nîmes est plus bas que la moyenne française avec notamment des détenus arrivés depuis peu de temps. Les permissions de sortie autorisées pendant les fêtes ont en partie contribué à faire entrer le virus dans cet établissement pénitentiaire. "Ce qui m’inquiète le plus c’est qu’au quartier d’isolement, là où je travaille, les mecs sont seuls tout le temps. Ils ne croisent des gens que lors des parloirs", pointe du doigt notre interlocuteur syndiqué.
Des visites qui sont une prérogative indispensable dans le cadre de la réinsertion du détenu et inscrites dans une réglementation européenne à laquelle il ne faut pas déroger. Maintenir un lien avec l’extérieur tout en respectant les gestes barrières cela est possible. Ce que demande surtout le syndicat FO Justice c’est que ces personnes extérieures présentent obligatoirement un pass sanitaire avant de rencontrer leurs proches. "Je sais que je n’aurais jamais de gain de cause mais quand on va à l’Ehpad ou à l’hôpital on demande un test antigénique de moins en 24h. En terrasse c’est obligatoire et dans un lieu fermé non. Pourquoi on ne pourrait pas le demander en prison alors que l’on est habilité à vérifier l’identité ?", s’interroge Sébastien.
L’autre souhait c’est de limiter les venues simplement aux parloirs. "On avait bien stipulé que les activités de type formation devaient s’arrêter", s’agace notre gardien contraint de laisser entrer ce jeudi matin un agent de Pôle emploi. L’obligation de présenter un pass sanitaire en maison d’arrêt, sujet sensible sur lequel l’ARS ne veut pas trop se prononcer et en appelle à la responsabilité de chacun. Pour d’autres, outre le contrôle de ceux qui entrent la solution est de faire sortir des détenus et de ne pas en accueillir de nouveaux.
Libération des fins de peines
"Je demande au Garde des sceaux de prendre les mêmes mesures que lors du premier confinement en mars 2020, c’est-à-dire la libération urgentissime significative de tous les détenus qui arrivent en fin de peine et que tous ceux qui sont en détention provisoire pour des faits délictueux puissent être placés sous Arse (assignation à résidence, NDLR)", requiert Khadija Aouadia qui se félicite la démarche de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) d'avoir adressé un courrier au ministère de la Justice.
Pour l’avocate nîmoise, c’est une solution pour endiguer de manière efficace la propagation du virus. "La maison d’arrêt ne peut plus faire face et on expose directement l’ensemble des détenus ainsi que le personnel", met-elle en garde. Une proposition validée par le gardien Sébastien Pages : "C’est la base. En cluster total, on reçoit des personnes condamnées à des peines d’un an. Elles sont censées être aménagées. On doit travailler ensemble avec les magistrats. Il ne faut pas qu’ils nous mettent des bâtons dans les roues."
En 2024, la prison nîmoise devrait compter 150 places supplémentaires avant qu’un nouvel établissement pouvant accueillir 700 détenus voit le jour à l’horizon 2027 sur l’ancienne base Oc’Via située à la frontière entre Nîmes et Générac. D'autre part, Khadija Aoudia milite pour la légalisation du cannabis qui libérerait encore des places selon elle : "30% des détenus provisoires le sont en raison d’implication dans le trafic de stupéfiants. En légalisant, on réduirait considérablement leur nombre." En attendant, il y a l’urgence de la crise sanitaire et des prochaines semaines difficiles qui s’annoncent délicates pour le personnel pénitentiaire et les détenus.
Corentin Corger