FAIT DU JOUR Jean-Michel Faidit : les pieds sur terre et la tête dans les étoiles
Mathématicien de formation, le résident de Saint-Chaptes, entre Nîmes et Alès, a commencé à intéresser aux météorites lors de la réalisation de sa thèse de doctorat sur l’astronomie en Languedoc. Depuis, il a effectué des études approfondies en physique théorique et s'est pris de passion pour la météorite d'Alais.
On vous parle d'une époque où Alès s’appelait encore Alais. Ce 15 mars 1806, dans la petite commune rurale cévenole de Castelnau-Valence où la population est affairée aux champs, deux coups de tonnerre déchirent successivement le ciel au beau milieu de l'après-midi. Des détonations qui, trois mois après la bataille d'Austerlitz ne sont pas sans rappeler le son du canon ! Mais en l’occurrence c'est d'un bombardement céleste qui s'abat sur la campagne cévenole. Il s'agit en effet du fracas dû au franchissement du mur du son par une météorite tombée concomitamment en deux fragments, l'un à Castelnau-Valence et l'autre à 7 kilomètres de là, à Saint-Étienne de l’Olm.
Des pierres tombent du ciel !
"Elle pesait environ 6 kilos", explique Jean-Michel Faidit. "C'est une météorite très rare. C'est la première des cinq chondrites carbonées de classe CI 1 (les plus anciennes météorites) observées avant la célèbre météorite d’Orgueil dans le Tarn-et-Garonne (1864), et celles de Tonk en Inde (1911), d’Ivuna en Tanzanie (1938) et de Revelstoke au Canada (1965)." Mais, selon le scientifique, son originalité tient aussi au fait que la météorite d'Alais soit survenue dans un contexte historique particulier. "En 1794, après la chute (*) de Sienne (Italie), le physicien Chladni attire l’attention de la communauté scientifique sur le fait que des pierres peuvent tomber du ciel", indique le scientifique. "Quelques années plus tard, en 1803, en France, ces faits sont officiellement reconnus par l’Académie des Sciences après les études de Biot sur la chute de l’Aigle (Orne)."
La météorite d'Alais exposée au Muséum national d’histoire naturelle
C'est seulement après quoi qu'à partir de 1806 le ministre de l’Intérieur entreprit de collecter des échantillons. "Trélis, secrétaire perpétuel de l’Académie du Gard, avait persuadé le Sieur Pénarier, témoin de la chute dans une terre à blé en contrebas de Saint-Etienne de l’Olm, d’offrir le plus important fragment, d’environ 600 g, pour les collections du Cabinet d’histoire naturelle du Gard. Sur l’intervention du préfet, ce fragment a changé de destination et est parti vers Paris. Depuis cette époque, il est à déplorer qu’il n’y a jamais eu un seul gramme dans les collections gardoises…", détaille le spécialiste qui s'astreint à cycle annuel de conférences à travers toute la France. À défaut de pouvoir conserver un fragment de la météorite d'Alais dans le Gard, il est loisible de l'observer au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, jusqu’au 10 juin prochain, dans le cadre de l’exposition ''Météorites, entre ciel et terre''.
Aujourd'hui Jean-Michel Faidit poursuit un autre projet en lien avec sa météorite préférée : "Je formule le souhait qu’un échantillon de cette météorite d’Alais revienne ici afin que les Gardois puissent l’admirer. Et comme pour la météorite d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), où une stèle est élevée à l’endroit de sa chute et complétée avec une sculpture sur la place du village, je propose que l’on élève de tels monuments commémoratifs dans les villages concernés ainsi qu’à Alès. La capitale des Cévennes peut légitimement s’enorgueillir de voir son nom rayonner dans le monde grâce à cette météorite, parmi les plus primitives du système solaire…"
3 000 euros le gramme !
Pour la petite histoire, sachez enfin que si d'aventure vous retrouviez un fragment de la météorite d'Alais vous ne seriez pas loin d'avoir fait une bonne affaire ! Car si le gramme d'or se négociait ces jour derniers aux alentours de 35 euros le gramme, un petit bout de caillou céleste vaut beaucoup plus cher : "dans le cas de météorites très rares comme Alais, c’est au moins 3 000 € le gramme", révèle l'auteur-conférencier. "Cela s'explique en partie par la dispersion de ce patrimoine météoritique dans les collections. Si la météorite d’Orgueil a été bien sauvegardée, avec une dizaine de kilos récupérée sur 14, il en va autrement pour Alais… Lors du bicentenaire de sa chute en 2006, j’ai enquêté auprès des 32 musées à travers le monde qui en conservent des échantillons. Il ne reste plus que 130 g au total contre 200 g au début du XXe siècle…"
Philippe GAVILLET de PENEY
philippe@objectifgard.com
*On distingue les "chutes", météorites qu'on a vu tomber sur Terre et qu'on a retrouvées peu après leur atterrissage, des "trouvailles", météorites découvertes par hasard sans que leur chute soit observée.
Jean-Michel Faidit digest : Qualifié maître de conférence en Astronomie / Astrophysique et en histoire des sciences, titulaire d'une licence et maîtrise de maths, le spécialiste enseigne également les mathématiques. En parallèle, il a suivi des études approfondies en physique théorique. Jean-Michel Faidit est l'auteur d'une dizaine de livres, dont le désormais classique "Ces Français dans la Lune" présentant les 166 cratères lunaires dédiés à des personnalités françaises. Il assure l’édition d’une plaquette annuelle d’éphémérides ''Le Ciel aux Quatre Saisons''. À travers ce titre inspiré de Vivaldi, un concept nouveau d’informations rassemblant en quatre pages les cartes du ciel à chaque saison et procurant au lecteur l’essentiel de l’actualité des phénomènes astronomiques, mois par mois. Il est aussi le réalisateur d'une quarantaine de diaporamas PowerPoint, dont un dédié à la météorite d'Alais, ayant trait à l’astronomie et aux mathématiques et à l'Histoire qui sont disponibles sur son site internet (faidit.fr) .