Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 07.09.2022 - francois-desmeures - 7 min  - vu 3538 fois

FAIT DU JOUR La Pradelle à Saumane : pour des parents inquiets, la fermeture des ateliers est actée

Si les parents craignent une fermeture des ateliers de La Pradelle, la restructuration de l'association devrait également modifier le fonctionnement des foyers d'hébergement de Saumane et Saint-Jean-du-Gard, ainsi que du foyer d'accueil médicalisé (photo François Desmeures / Objectif Gard)

Après une mise sous administration provisoire, l'élection d'une nouvelle présidente fin 2021 et l'arrivée d'un nouveau directeur général en juillet, Sésame autisme doit repartir sur de nouvelles bases. Le plan stratégique d'évolution de l'offre de services 2022-2027 sera voté ce mois-ci.

En l'état, il prévoit, selon un collectif de parents, la fermeture des ateliers de l'Esat (établissement et service d'aide par le travail) la Pradelle (auberge, charcuterie, bois, arboriculture, pâtisserie, etc.) et le déplacement d'une partie des travailleurs, de Saumane à Vauvert, quand une autre partie cesserait l'activité. Le collectif, d'une petite vingtaine de parents de pensionnaires (*) qui souffrent de troubles du spectre autistique, s'opposent à cette fermeture annoncée, sans pour autant rejeter toute réforme.

Mais surtout, alors que Sésame autisme est une association, ils ne parviennent pas à obtenir les documents qui pourraient enrichir leur réflexion. Une nouvelle réunion est prévue avec les parents, sans doute entre le vote du projet devant le conseil d'administration et en assemblée générale. Pas de quoi modifier les lignes du plan.

Lors d'une journée associative du 8 mars dernier, la fusion des Esat de Saumane et Vauvert était évoquée pour la première fois. Une version administrative des choses, qui ne laissait pas présager l'avenir des ateliers - même si l'auberge était fermée depuis l'hiver, sans assurance de rouvrir durant l'été, comme le confiait alors la directrice par intérim, Colette Helleboid (relire ici). Le syndicat FO dénonçait, déjà, une fermeture annoncée de l'Esat de la Pradelle.

Pour le collectif de parents, l'hypothèse a pris du corps au cours de l'été, dès avant la rencontre du 11 juillet avec le nouveau directeur de l'association de 350 salariés et 400 pensionnaires, qui officie sur les départements du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. Le 7 juillet, ils font parvenir, en préparation de la rencontre du 11 juillet que Cédric Vareilhes avait évoqué à Objectif Gard (relire ici), un courrier adressé notamment à la présidente de l'association Sésame autisme Occitanie est (SAOE), Ampari Monginoux, à son conseiller spécial et ancien sapiteur, André Ducournau, au nouveau directeur, Cédric Vareilhes, et à la responsable du pôle Gard, Aurélie Bastien. "Nous sommes un groupe de parents de travailleurs de l'ESAT La Pradelle soucieux de la qualité d'accompagnement de nos enfants, du développement d'une offre de service SAOE répondant aux besoins des personnes accompagnées et qui désire s'engager sur une démarche d'écoute réciproque et d'échanges avec les divers responsables de l'association", écrit le collectif.

"Pouvez-vous nous fournir les derniers comptes de l'Esat La Pradelle ?"

S'ensuivent dix questions que le collectif propose de mettre à l'ordre du jour de la réunion du 11 juillet. Comme, par exemple : "Pouvez-vous nous préciser la manière dont la concertation sur le devenir de l'ESAT La Pradelle des différentes parties prenantes a été conduite en particulier avec les travailleurs, les parents, les moniteurs, les éducateurs ?" Ou encore : "Pouvez-vous nous fournir le relevé des obligations administratives et les derniers comptes de l'Esat La Pradelle ?" Ou bien : "Avez-vous étudié les conséquences sur le projet de vie actuel et futur de nos enfants, les modalités de respect de leurs droits suivant les solutions adoptées ?" "Quand on demande une étude qui montre  que les ateliers ne fonctionnent plus, on nous répond juste qu'ils sont en déficit", constate une mère qui souhaiterait en savoir plus.

S'ils n'obtiennent pas les documents demandés lors de la réunion du 11 juillet, Cédric Vareilhes leur promet, selon ce qu'ils écrivent, la mise en place "d'une réflexion partagée avec les parents, résidents et professionnels en particulier sur ce qui nous pose question : l'avenir des ateliers de l'Esat La Pradelle". Sauf que le conseil d'administration et l'assemblée générale, qui doivent entériner le Plan stratégique d'évolution de service 2022-2027, sont prévus respectivement les 13 et 27 septembre. "Il nous paraît difficile, écrivent les parents signataires le 29 juillet, d'avoir terminé cette réflexion partagée, les échanges sur le projet et nos propositions avant le 13 septembre". Enfin, ils ajoutent quatre questions à celles émises le 7 juillet, comme celle visant à obtenir les comptes détaillés année 2019 et 2020.

"On ne demande pas d'annuler le plan stratégique, on veut une discussion"

La demande de report est rejetée dès le lendemain par Cédric Vareilhes. S'il promet "un certain nombre de réponses que j’apporterai à vos nombreuses demandes lors de la prochaine réunion d’échange avec les parents, probablement au cours de la première semaine de septembre", il ne précise pas encore de date. "La réunion est prévue le 9 ou le 16 septembre, alors qu'on l'avait demandé fin août", précise l'une des mères. Or, pour le 9, qui est ce vendredi, personne n'a encore été invité. Et le 16 septembre, le document aura déjà été voté en conseil d'administration.

S'il n'est pas possible de déplacer conseil d'administration et assemblée générale, c'est parce que les dates "ont été arrêtées dans le calendrier associatif par les instances élues", plaide Cédric Vareilhes. Or, apporter des réponses aux questionnements n'est pas la même chose qu'établir une concertation avec les parents et, surtout, entendre leurs propositions au-delà de leurs inquiétudes, lui qui déclarait dans nos colonnes, en juillet, à propos des parents : "Je leur ai demandé de faire, eux aussi, des propositions. Si c’est seulement "on ne veut rien entendre, on ne veut pas de changement", on n’ira pas loin.".

"On ne demande pas du tout d'annuler le plan stratégique, corrige l'un des pères. On veut juste un report, une discussion. Pourquoi la seule Pradelle est menacée ?" Cette conclusion, ils la tirent de la lecture du plan stratégique, "fruit d'un travail intense et concerté de l'administration provisoire", selon Cédric Vareilhes. Une concertation qui n'a pas concerné les parents, aux dires du collectif. Recensant les 24 personnes en internat, 10 en appartement de droit commun et un au domicile de ses parents, le document recense comme problématiques, pour le site de La Pradelle, l'éloignement géographique, les débouchés locaux et le "rayonnement commercial insuffisant", et la nécessité de se doter d'un "plateau technique conforme aux exigences réglementaires". Plus étonnant, le document "questionne" l'activité de charcuterie (bio) au motif de l'évolution des habitudes et goûts alimentaires. "Ils n'ont jamais autant vendu de charcuterie qu'en ce moment", s'énerve un père. "En novembre, une réflexion avait lieu en trois ateliers. À aucun moment une délocalisation n'a été imaginée", indique une mère.

"Transformation d'activités de production en activités occupationnelles"

Dans la colonne "Points d'appui du plan stratégique", aucun maintien d'activité n'est identifié. "Le site offre de multiples possibilités de transformation/reconversion", souligne le document. Il note cependant "l'attachement de la population et des familles à un lieu chargé d'histoire", la "préoccupation sociétale et des politiques publiques", mais aussi le "cadre propice au développement de projets autour du tourisme social" et la "transformation d'activités de production en activités occupationnelles" (ferme pédagogique, liens intergénérationnels, projet artistique).

"Selon nous, leur intérêt était que les ateliers meurent", s'emporte un parent. En attendant, à Terroir Cévennes, à Thoiras, ou dans les enseignes U de Saint-Jean-du-Gard et Saint-Hippolyte-du-Fort, on confirme des difficultés d'approvisionnement. "On nous a dit que le responsable de l'atelier pâtisserie était en maladie", réagit Terroir Cévennes. "L'atelier pâtisserie est en carence de moniteur, confirme le secrétaire du comité économique et social CFDT, Michel Ferrant, et un atelier ne tient que par le moniteur d'atelier qui est là." Et si l'accord n'est que verbal, c'est l'Ehpad des Plantiers qui devrait assurer la livraison de repas aux pensionnaires du foyer d'accueil médicalisé à partir du 1er octobre, signe que la cuisine ne reprendra pas dans ces délais.

Pour les parents réunis en collectif, ces convergences laissent peu de doutes. "Ils nous avaient dit qu'on discuterait du projet ensemble. Mais, une fois les ateliers et cuisines fermées, il restera quoi à discuter ?" Au cours du mois d'août, les parents ont d'ailleurs pris leur plume, scandalisés du fait qu'une visite du site de Vauvert ait été organisée pour leurs enfants, sans leur accord. "Ma fille, écrit un père à M. Vareilhes et Mme Bastien, malgré son syndrome, se pose beaucoup de questions auxquelles votre équipe n'a vraisemblablement pas voulu répondre. J'ai beaucoup de peine à croire qu'au sein de Sésame Autisme, personne n'imagine les conséquences psychologiques d'un tel acte [...]. Une telle faute d'évaluation dans une structure dédiée au bien-être des adultes autistes relève, sinon d'incompétence, de maltraitance."

Déplorant "le défaut de communication à ce sujet, du fait de l'absence de cadres de proximité", les deux cadres indiquent que "la visite qui a été organisée à Vauvert prend bien place dans la réflexion menée d'ateliers Esat à Saumane"... À Vauvert, une mère d'un des pensionnaires pense, elle, que si place est faite actuellement à l'Esat de Petite Camargue, c'est pour accueillir des pensionnaires de Saumane, sur des travaux de maraîchage ou d'espaces verts. Une activité qui ne convient pas à 80% des personnes souffrant de troubles du spectre autistique, font savoir les parents.

"Une partie des personnes accompagnées n'est plus en état d'être des travailleurs handicapés"

"On est plusieurs à avoir été responsables d'entreprise dans le collectif. Si les problèmes sont vraiment insurmontables, on peut le reconnaître !", avance un père, qui réclame toujours les comptes. Quand une mère loue la gentillesse des moniteurs des ateliers charcuterie, pâtisserie, bois et cuisine et ne veut pas que le site devienne un "foyer de vie ou un centre de vacances".

Le secrétaire du CSE, Michel Ferrant, se veut rassurant. "Moi, je ne vois pas de fermeture dans le plan stratégique. C'est juste l'évolution d'une réflexion associative sur le sujet, pas encore validée. Les fermetures ne sont pas actées, pour moi. C'est un problème de lecture des documents, une confusion potentiellement entretenue, dénonce l'élu du CSE. Il faut voir l'évolution du plan sur les cinq ans à venir. Mais le constat partagé, c'est qu'une partie des personnes accompagnées n'est plus en état d'être des travailleurs handicapés."

Un avis auquel les parents, sans forcément remettre en cause le diagnostic, souhaiteraient pouvoir adhérer, ou pas, au cours d'une discussion et à l'aide de documents qu'ils n'obtiennent toujours pas. Ils réclament un audit pour les ateliers et le temps de discuter. Ils ont déjà rencontré le député de la circonscription, Michel Sala, ont fait partir une missive à la présidente  du Département, Françoise Laurent-Perrigot le 22 août, une autre au directeur gardois de l'Agence régionale de santé, Claude Rols.

Ils ont également pris conseil auprès d'un avocat. Contactée, la présidente de l'association, figure historique et mère d'un pensionnaire, qualifie les craintes de fermeture de "fake-news" avant même que le projet ne soit réellement discuté et voté. "Vous comprendrez qu'en cette période de rentrée très prégnante, je ne puisse perdre mon temps à contester en permanence ce que je pense être des obsessions sur un texte non actualisé et mal interprété, répond Ampari Monginoux à la demande d'entretien d'Objectif Gard."

François Desmeures

francois.desmeures@objectifgard.com

* André Bourg et Gisèle Blossier, Bérangère et Christophe Courtois, Anne-Marie et Laurent Ducasse-Cournac, Olivier Sarrat, Sylvie et Bruno Thiesset, Annie Mégé et Abdoul Wane et José Grimaldi, Rita Passos et Jorgue Nascimento, Barbara et Régis Pechrikian, Sylviane et Lorenzo Manca. 

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