FAIT DU JOUR Les proches des victimes et le survivant de la tuerie des Plantiers parlent
Cette affaire criminelle restera marquée dans les annales judiciaires gardoises. Le 11 mai dernier, Valentin Marcone, 29 ans, arrive à la scierie où il travaille, armé et avec un gilet pare-balles sur le dos...
Quelques minutes plus tard, il abat son patron et son collègue de travail, puis entame une fuite. Il se cachera dans la forêt cévenole pendant plus de trois jours. Poursuivi par des centaines de gendarmes et le groupe d'élite du GIGN, il se terre dans un trou à sanglier, avant de se rendre, épuisé. Depuis il est écroué et mis en examen pour les "assassinats" de Martial Guérin, 32 ans, son collègue de travail, et de son patron Luc Teissonnière, 54 ans.
Des familles et deux femmes dignes
Depuis cinq mois, les familles des victimes et le survivant restent silencieux, comme sous le choc d'une tuerie qui les dépasse et qu'ils ne comprennent pas. Aujourd'hui et pour la première fois, ils racontent à Objectif Gard, ces cinq mois d'angoisse qui ont transformé leurs vies. Des rencontres bouleversantes, mais si la souffrance se perçoit, les propos sont d'une grande dignité. Ces proches sont à la recherche de la vérité judiciaire. Ils souhaitent être considérés comme des victimes et être rapidement reçus par le juge d'instruction de Nîmes en charge du dossier.
Ce 11 mai, deux hommes qui sont tout simplement venus travailler, sont abattus. Un salarié, Martial Guérin, 32 ans, est tué sans aucune chance de s'en sortir, comme son patron Luc Teissonnière exécuté de deux balles dans la tête.
Personne ne savait que le tueur venait avec une arme au travail
« Personne ne savait que Marcone venait avec une arme au travail ou avec ce gilet pare-balles », affirme Fiona, l’épouse de Luc Teissonnière, qui dirige aujourd’hui l’entreprise qu’elle ne voulait pas voir mourir ."Il était hors de question pour moi de voir le matériel rouiller et la scierie fermer ses portes. Ce n'était pas envisageable, donc il a fallu repartir", ajoute-t-elle. Et c'est un pari réussi car depuis mi-septembre, la scierie, théâtre de cette tuerie, a rouvert ses portes avec deux employés dont Vincent, le survivant qui a vu son "père" Luc et son "frère", Martial exécutés.
Le survivant de la tuerie, travaille à nouveau dans la scierie
"Il est d'un courage extrême ce garçon d'à peine 19 ans. Il s'en est voulu de ne pas avoir pu arrêter Marcone, mais il ne pouvait rien faire face à une arme pointée sur lui. Depuis un mois, il revient tous les jours à l'endroit où ses amis ont été tués. Il a une force de caractère impressionnante, une volonté incroyable de voir cette scierie poursuivre son activité malgré le double assassinat ", souligne le conseil des parties civiles, maître Rémy Nougier. Avec Me Isabelle Ortigoza-liaz, ils défendent les familles des victimes et Vincent "le survivant".
Concernant cette arme, Vincent tient à préciser en montrant l'endroit où le drame s'est joué : « Moi je pensais qu’il avait une ceinture dorsale pour le dos car on porte des charges lourdes. On voyait qu'il y avait quelque chose derrière son vêtement de travail, mais à aucun moment je n’aurai pu imaginer que c'était un gilet pare-balles et qu'en plus il avait une arme».
Les belles paroles de l'employé "survivant" pour son patron et son collègue
Cette terrible journée du 11 mai 2021, " Valentin est arrivé à la scierie sans dire bonjour. Luc, le patron, lui a simplement fait remarquer poliment que la moindre des choses lorsque l’on arrive au travail était de se saluer. Marcone lui a répondu "ta gueule". Puis il a sorti une arme et a tiré à deux reprises dans la tête de Luc », se remémore Vincent, 19 ans, le plus jeune employé de cette entreprise. « Luc c’était mon patron, c’était mon ami, une sorte de papa… Lorsqu’il élevait un peu la voix pour une remarque sur le travail, il revenait près de nous pendant une demi-heure comme s’il voulait se faire pardonner ou tout simplement pour que la bonne ambiance continue. Il n'y a jamais eu de crise ici, d'engueulade, c'était plutôt la bonne humeur avec Luc et Martial. Vous en connaissez beaucoup vous des patrons qui emmènent les croissants tous les jours à leurs ouvriers pour le petit déjeuner ? Il n'y a que le lundi où Luc n'apportait pas les croissants, car là c’est Martial qui venait avec des gâteaux qu'il faisait chez lui. Martial je le considérai comme mon frère », ajoute « le survivant des Plantiers ».
Alors que Marcone a tué deux hommes, il fait face à Vincent en pointant son arme contre son jeune collègue… « Je lui ai dis, tu ne vas pas me tuer. Il m’a dit non je n’ai rien contre toi », complète « le miraculé » qui a tenu à revenir travailler dans cette scierie, ombre de ses amis disparus. « Vincent est traumatisé, meurtri, il est dans l’incompréhension totale de ce qui est survenu», complète Me Rémy Nougier.
« Les exécutions, on les imagine à Marseille, dans des villes de trafic, mais ici non », poursuit Camille, la compagne de Martial Guérin, une famille détruite par la disparition de cet homme heureux dans ses montagnes et amoureux de la nature. Un gros bosseur aussi de l'avis de tout le monde. Le jour du drame, Camille sa compagne, était avec ses élèves, dans sa classe d’institutrice... « Lorsqu’une amie essaie de me joindre au téléphone coup sur coup, j’ai fini par rappeler en me disant qu’il était curieux qu’elle insiste », souligne la jeune femme. Elle évoque la joie de son compagnon de travailler dans cette scierie et « la très bonne ambiance qui y régnait. Lorsque l’on faisait du sirop on en donnait à Luc, lui nous offrait des confitures. Tous les lundis, il emmenait des gâteaux qu'il avait préparés pour le petit déjeuner dans l'entreprise", ajoute-t-elle.
Les proches veulent être reçus par le juge d'instruction
Depuis ce drame qui a bouleversé leurs vies, les proches veulent comprendre et être considérés comme des victimes. « On ne parle que de Marcone, on ne voit que lui. On ne sait pas où on en est dans la procédure, savoir ce qu’il a Marcone, apporter la contradiction. Nous aimerions avoir une place reconnue dans l’affaire. Pour l’instant, nous ne sommes rien », déplorent en chœur Fiona et Camille, dignes et solidaires dans la douleur.
Boris De la Cruz