FAIT DU SOIR Cette année, "le particulier qui veut découvrir ce qu'est la truffe peut se lancer"
Comment s'annonce la saison de la truffe cette année ? Plutôt bien que ce soit en qualité ou en quantité grâce à des conditions météorologiques favorables. C'est le moment de découvrir la fameuse variété la Tuber Melanosporum, et de lever les a priori sur son prix d'achat. D'autant que les cours actuels sont presque moitié moins chers que l'année dernière. Nous avons rencontré Louis Teulle, président du syndicat des producteurs de truffes du Gard depuis 10 ans. Entretien.
Objectif Gard : Est-ce que la production s'annonce bonne pour cette saison ?
Louis Teulle : C'est une année correcte en termes de production. La saison a démarré un peu plus tôt que les autres années. Déjà à cette période-ci, on a une bonne maturité et des truffes de qualité. Ce qui n'est pas toujours le cas. La meilleure truffe en termes de parfum, c'est au mois de janvier quand les premiers gels sont passés dessus, elles commencent vraiment à exhaler toutes ses subtilités. Cette année, c'est une année qui a été correcte en termes de climatologie et donc on a une production cohérente. Le département du Gard devrait tabler entre 3 et 5 tonnes de production.
À combien s'élevait la production l'année dernière ?
L'année dernière, ça tournait entre 800 kg et une tonne. Ça s'explique par les conditions climatiques de sécheresse qu'on avait connues. Pour vous donner un ordre d'idée, à la même époque l'année dernière, le marché de gros à Uzès passait entre 10 et 15 kg. Vendredi 11 décembre 2020, on avait 96 kg déclarés.
On dit que cette année, l'offre serait plus élevée que la demande. Expliquez-nous.
On est donc sur une année correcte avec des qualités déjà bonnes. Le problème c'est que pratiquement 70% de la truffe fraîche part sur la restauration et l'hôtellerie. Cette année, la covid est passée par là. On se retrouve avec une offre, et on ne sait pas quelle va être la demande en conséquence. Peut-être que les restaurants ou les traiteurs qui proposent des plats à emporter vont essayer de jouer le jeu pour se relancer pendant les fêtes ? On ne sait pas...
Il y a donc 70% d'incertitude en fait ?
Tout à fait. D'où l'intérêt pour nous de travailler sur les marchés de particuliers, de les inciter à en acheter. La communication que l'on doit mettre en place à notre niveau, c'est : "Profitez, cette année, la truffe sera à des prix pas comparables à ce qu'ils étaient par le passé".
À combien s'élèvera le prix au kilo de la truffe cette année alors ?
C'est difficile à dire aujourd'hui. Déjà, il faut savoir qu'il y a deux marchés pour la truffe : le marché de gros, où on a affaire à des trufficulteurs qui proposent des lots de truffes non-triées et qui contribue à déterminer le cours de la truffe en France, et il y a le marché aux particuliers où on a que de la truffe de premier choix. C'est-à-dire : brossée, triée, canifée. Sur le marché de gros de vendredi 11 décembre, on tourne dans les 400 €/le kg. Le marché aux particuliers est entre 500 et 700€/ le kg. On était à 1 000 € l'année dernière.
C'est à peu de choses près moitié moins cher que l'année dernière. C'est vraiment le moment de profiter de la truffe alors ?
C'est l'année où le particulier qui veut découvrir ce qu'est la truffe peut se lancer. Je dis bien "découvrir ce qu'est la truffe" car on a une concurrence, que je ne qualifierais pas de déloyale mais attisant la confusion, avec tout ce qui est produits de synthèse. Des gens font croire au public qu'on démocratise la truffe en l'abordant au travers de moutardes, de pâtés... à petits prix. C'est pas vrai. Si vous calculez le pourcentage de truffe qu'ils mettent dans leurs produits, le commun des mortels payent à 5 000 ou 6 000 € du kilo. Alors nous, on dit aux gens qui veulent découvrir la truffe : "N'achetez pas ces produits-là, venez profiter du fait que la truffe cette année est abordable". Vous savez, on a toujours tendance à parler de la truffe à 1 000 € du kg. Je n'arrête pas d'expliquer qu'on n'a pas besoin d'un kilo de truffes pour se régaler. Avec 40-50 g, on fait un repas pour quatre personnes, complet de A à Z. Et aujourd'hui, ça ne fera pas 50 € mais 25 ou 30 €. Il faut profiter de la saison : c'est de maintenant jusqu'à fin janvier-fin février.
Où est-ce qu'on peut en trouver justement ?
On a essentiellement le marché d'Uzès, place aux Herbes, tous les mercredis et tous les samedis où on installe la cabane à truffes. Nous sommes également le samedi, au Mas des agriculteurs, à Nîmes. On sera aussi sur le marché de Noël à Uzès (qui dure jusqu'à ce mardi 22 décembre, ndlr). Bien sûr, on fait chaque année une grosse opération qui est le week-end de la truffe, le 3e dimanche de janvier. Cette année, covid oblige, on a dû tout annuler. On a aussi un week-end à Nîmes début-février, là, on ne sait pas encore... Par contre, on va faire deux opérations spécifiques sur Uzès le 17 et le 31 janvier où il y a aura un marché de 9h à 17h. Avec que des trufficulteurs qui ne vont proposer que de la truffe. Pas de dégustation, pas avec nos amis des vignerons du Duché d'Uzès, pas de visites guidées, pas de repas avec les chefs étoilés, pas de démonstration de cavage, pas de messe de la truffe... Tout ça est supprimé.
Il n'y a pas une inquiétude des trufficulteurs gardois au vu de la configuration actuelle ?
Il faut savoir que très peu de personnes ne vivent que de la truffe dans le Gard. C'est une culture d'appoint pour rapporter un revenu complémentaire ou pour valoriser d'autres produits comme le vin. Donc c'est une déception mais ce n'est pas une inquiétude fondamentale pour le trufficulteur puisque s'il ne vend pas, il cavera moins, il va utiliser cette truffe pour ensemencer ou se faire une nouvelle clientèle.
Justement comment peut-on introduire la truffe dans nos assiettes ? On parle de truffe fraîche depuis tout à l'heure, mais peut-on la garder ?
Pour consommer la truffe, il y a deux façons : soit fraîche ou congelée. Elle se congèle très bien, il suffit de la garder dans un sopalin au congélateur. On la décongèle, on la râpe dans un écrasé de pommes de terre ou avec des œufs dans une brouillade.
Pour finir, pouvez-vous nous rappeler combien y a-t-il de producteurs de truffes dans le Gard ?
Il y a environ 500 trufficulteurs, qui font essentiellement de la melano, mais également de la brumale. Il doit y avoir environ 3 000 hectares de plantation de chênes truffiers et 80% de la production est issue de cette plantation. Même si cette année, on aura sûrement quelques truffes de milieu naturel.
Propos recueillis par Marie Meunier