GARD Conter, chanter, raconter la tradition orale en Cévennes
Voilà un livre d’importance que vient de sortir Alcide, la maison d’édition gardoise. Un livre, une référence, une compilation des contes et des chants cévenols. Une priorité pour tous les amateurs du genre ou les Cévenols ayant à cœur de connaître les Cévennes d’antan.
Sans la participation d’Alès agglo et de l’association Clair de terre, ce livre n’aurait jamais vu le jour. Il en va de même pour la maison d’édition qui a le courage de le sortir, Alcide, qui fait ici un choix des plus intéressants. C’est une masse, un corpus complet, un livre synthétique mais qui referme tout un savoir qui allait se perdre.
« C’est assez extraordinaire ! L’exposition sur la transmission orale actuellement présentée à Maison Rouge, à Saint-Jean-du-Gard, est de toute beauté mais on nous a demandé d’en faire le catalogue. Je n’ai pas encore vu l’exposition mais on ne peut pas appeler ça un catalogue ! » sourit Yann Cruvellier, patron d’Alcide. Et pour cause, il y a de quoi sourire. Il faut dire que ce qui est récolté et classé dans les plus de 500 pages de ce livre grand format est unique. Oui, unique. Comprenez bien que sans ces hurluberlus, cette mémoire volatile aurait disparu avec sa dernière génération. Par chance, quelques fadas sont allés, de montagne en montagne, de vallée en vallée, de mas en mas, prendre des photos et enregistrer des chansons sauvant ainsi un patrimoine immatériel qui aurait été perdu une fois les années 1970 passées.
« C’est le livre d’une dream team qui a travaillé dessus pendant plus de 40 ans. De Jean-Noël Pelen à Claudette Castell en passant par Daniel Travier évidemment et Nicole Coulomb ou Pierre Laurence, tout y est » affirme l’éditeur. Tout ? Tout.
« Les Cévennes ont une chance énorme ! Sous Philippe Joutard partent deux branches. Une avec les Cabanel et Chabrol, l’autre avec les auteurs de ce livre. Ces deux mondes travaillent ensemble et sont au sommet en même temps donc c’est une chance pour le territoire. Ce livre, c’est une vie de travail en équipe. Il a été pensé comme un hommage à une civilisation peut-être disparue mais aussi comme un hommage renvoyé à ces gens qui donne beaucoup pour ce territoire. Peu de région à travers la France et le monde ont cette chance, réellement. »
Si ces gardiens n’avaient pas pris garde, ces souvenirs, cette tradition orale seraient maintenant perdus à tout jamais. Merci aux enregistreurs et aux personnes qui les tenaient ! Merci aussi aux derniers cévenols d’avoir tout raconté à leurs semblables pour transmettre, une dernière fois avant l’oubli de la tombe. « Certains chants remontent au XIIe siècle ! »
Pas besoin de stresser, nullement. Même si l’ouvrage peut faire peur tant il est gros et détaillé, le lecteur peut aisément le découper. Il peut même, et c’est l’éditeur qui le conseille, commencer par la fin, Un monde disparu, l’ultime chapitre, pour se rendre compte de cette rupture.
Comment se transmettons les choses ? Avec quels outils ? Pourquoi ? Pourquoi un chant ? Pourquoi un conte ? En tout cas, ce fonds est unique. « C’est fabuleux, ces gens ont le souci de transmettre à l’aide d’une langue simple. Ils pourraient facilement tomber dans le jargon mais pas du tout, ce livre est très accessible grâce à la fabuleuse plume de Jean-Noël Pelen. Cependant, il n’y a aucun compromis sur la complexité, c’est simplement facile et agréable à lire mais c’est surtout très intelligent et pointu malgré cela ! »
Il est certain que si l’ouvrage, dense et complet comme il est, avait été fait par des universitaires ne se souciant pas de leurs lecteurs, les choses auraient tourné au vinaigre mais là, quelle beauté, quelle légèreté dans l’écriture. Un hommage de plus.
« Dans ce livre, cette nuance a une conséquence directe. J’ai lu à plusieurs reprises le livre dans l’ordre mais la qualité de la langue apporte plus qu’une simple lecture. À force de rentrer dans cette langue, on comprend que l’espace et le temps dont parlent ces chants et contes sont différents des nôtres. Les Cévenols n’étaient pas coupés du monde mais ils naissaient et mouraient dans la même maison. » Cet univers devait être traduit sur le papier, sur un beau papier, un papier à la hauteur du travail. C’est ce qu’Alcide a fait en utilisant un papier matiéré de fort belle qualité. « Il y a aussi plus de 300 illustrations ! Encore une fois nous avons de la chance car Daniel Travier, dans les années 1970, a pris un photographe, Nicolas André, et a immortalisé les Cévennes d’alors. »
Ces illustrations, dessins ou photographies plus ou moins vielles et datées, sont importants dans le cheminement du lecteur car ils accompagnent ses pas dans cet autre monde, disparu. « C’est signifiant mais ça va au-delà, on rejoint l’exposition. À chaque chapitre on retrouve des dessins de Marion Lyonnais qui sont aussi présents pour l’exposition et qui servent à plonger physiquement dans cet univers disparu. Ce livre n’est pas un livre triste, c’est celui de la vie, d’une autre vie. Il s’adresse à tout le monde, même en famille vous pouvez lire ces contes et chants. C’est un ouvrage qu’il faut avoir dans sa bibliothèque cévenole. C’est un livre référence, et il n’y en aura pas pour tout le monde ! On laisse une trace mais ils n’ont pas fini cette chaîne d’hommages. Toute personne qui aime les Cévennes doivent l’avoir, c’est une leçon de vie, ce sont des leçons de vies. »
Conter, chanter, raconter la tradition orale en Cévennes, de Jean-Noël Pelen et Nicole Coulomb, 513 pages au prix record de 49 euros pour une poids des près de 2,9kg.