LE 7H50 de Denis Boissière (Alti Aigoual) : "On regarde la météo et on y croit encore"
La station Alti Aigoual, nichée au creux du col de Prat-Peyrot, vit des moments difficiles depuis deux ans. En plus des nombreuses restrictions liées au Covid, elle a aussi subi les foudres de la météo, peu généreuse en termes de neige, ou des nombreux pépins liés aux rats. Denis Boissière de la station Alti Aigoual dresse le constat d'une situation délicate, même s'il croit encore à une rédemption.
Objectif Gard : La deuxième semaine des vacances débute, mais la station est fermée... Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Denis Boissière : Nous ne sommes pas fatalistes. On regarde la météo et on y croit encore. On n’a pas baissé les bras totalement, même si ce n’est pas en corrélation avec ce que l’on espérait. La météo nous a trompés plusieurs fois. Ils ont annoncé des chutes de neige autour de 30 à 40 cm, ce qui nous aurait bien aidé puis finalement c’était plutôt 15 cm. Après, ça peut être dans l’autre sens. On est persuadé que la station de l’Aigoual a encore de l’avenir avec un mix de neige naturelle et de neige sécurisée. Pour l’année 2021, on n'a pas produit un centimètre de neige sécurisée. En 2020, on aurait pu en produire mais les remontées n’étaient pas ouvertes. Ça fait deux années mauvaises, mais on est persuadé qu'à l’avenir, nos équipes monteront en compétences. Plus que jamais, on espère que l’on va passer cette nouvelle mauvaise saison.
Vous savez déjà que cela sera une mauvaise saison…
On a eu un beau week-end, mais on sait que ça va être une mauvaise saison car tout cumulé, on est peut-être à 12 ou 15 jours d’ouverture. Avec au moins une piste rouge ouverte, on a fait trois jours uniquement. En début de saison, on aurait pu utiliser nos canons à neige, mais pour plusieurs raisons tout à fait explicables, on ne l’a pas fait. Il n’y avait pas de neige avant le 23 décembre donc on n’allait pas utiliser nos canons à neige, surtout que cela coûte de l’électricité. Il a neigé à nouveau aux alentours de la mi-janvier mais malheureusement, on a eu cet incendie dans l’usine à neige qui nous a empêchés d’utiliser quatre compresseurs. Depuis, on a remis 30 000 € pour en louer encore, on espère que ce sera pris en charge par l’assurance. Maintenant, c’est la température qui n’est pas au rendez-vous. Depuis une semaine, il fait très chaud.
De telles températures (13 degrés) à cette saison à l’Aigoual, est-ce normal ?
C’est complètement anormal, on a eu une inversion de température. Il y a dix degrés d’écart entre ce que vous avez à Nîmes et ce que l'on a à l’Aigoual. Mais là, 13°C au mois de février c’est juste incroyable, en sachant que le record absolu de la température en plein mois d’août c’est 29°C. On n'a jamais dépassé les 30°C, ça ne s’est jamais vu.
Est-ce qu’on peut se poser la question d’un dérèglement climatique ou c’est juste exceptionnel sur une année ?
On n’est pas du tout dupes et on ne nie pas le dérèglement climatique, mais il aurait vraiment été brutal. Cette année, ce n’est pas l’hiver le plus chaud mais le plus sec de l’histoire, il n’a pas fait non plus très froid mais il a très peu neigé. C’est un deuxième incident climatique. Dans les Alpes du Sud, ils n’avaient pas vu ça depuis 30 ans, cela ne nous touche pas uniquement.
Si la station ne peut pas ouvrir faute de neige, que va-t-il se passer ?
Là, on est en train de travailler fortement pour un investissement nouveau pour l’été, pour moderniser les gîtes du sommet de l’observatoire, pour le mois de mai. Avoir une restauration et un hébergement de qualité. Les familles veulent des coins de baignade, la possibilité de faire du VTT… Pour l’instant c’est en cours de développement, on espère qu’un projet estival va voir le jour. En ce qui concerne l’hiver, on attend les résultats de l’assurance. Moi ce qui m’intéresse, c’est la station de ski et j’y crois encore beaucoup. Mais effectivement, on a eu un nombre incalculable de soucis depuis deux ans et ça continue ces derniers mois, avec des gros soucis de rats qui ont endommagé notamment les canons à neige et les tourniquets. On a été obligé de refaire tous les câblages.
Pour que la station vive bien, il faudrait ouvrir combien de jours ?
À partir de 20 jours, on serait pas mal. Le week-end du 14 janvier, on avait trois pistes vertes, deux pistes bleues et une piste rouge. On avait plus de 2 000 forfaits, on était bien. On a tellement fait d’économies de partout, ce serait suffisant pour passer une bonne année. On n’aime pas demander trop d’aides aux collectivités mais si on n’a pas le choix, on va être obligé.
Propos recueillis par Sacha Virga