LES GARDOIS AUX JO Yannick Agnel, le dieu nîmois de l’Olympe
Seul nageur français de l’histoire à avoir remporté deux médailles d’or lors des mêmes Jeux Olympiques, le Nîmois Yannick Agnel est devenu une star mondiale à seulement 20 ans. Victorieux sur le 200 mètres et en équipe sur le 4X100, il éclabousse de son talent les JO 2012 à Londres. Retour sur un moment marquant du sport olympique français.
"D’un côté je prenais 6-0, 6-0 et de l’autre ça se passait beaucoup mieux. Comme je ne suis pas sadomasochiste, j’ai choisi la natation". C’est bien dans une famille où le papa était passionné de tennis que Yannick Agnel a grandi dans le quartier nîmois de la Cigale. Son prénom est d’ailleurs inspiré de Yannick Noah que son papa admirait : "il trouvait le prénom très joli et pas forcément commun". Mais dès 8 ans, Yannick Agnel préfère enfiler un maillot de bain plutôt qu’un short et des baskets. "Une piscine s’est construite dans le lotissement où on habitait, alors il fallait apprendre à nager et je me suis inscrit au Nautic Club Nîmois."
Prédisposé à cette discipline, il est repéré et à 14 ans (en 2006), le jeune nîmois intègre le club de l’Olympic Nice Natation. Un talent précoce qui fait rapidement son petit bonhomme de chemin. En 2010, à 18 ans, il est champion de France sur 200 mètres nage libre et d’Europe sur 400 mètres à Budapest. Une pépite est en train d’éclore et cinq mois avant les JO de Londres, il rafle le titre sur 100 mètres et 200 mètres aux championnats de France à Dunkerque. De quoi traverser la Manche en pleine confiance !
Après avoir rêvé devant la télé en regardant ses idoles Pieter van den Hoogenband (Pays-Bas) et Ian Thorpe lors des Jeux de Sydney, le Gardois à l’occasion de les égaler. "C’étaient des hors-bords sur l’eau. La compétition et la dimension épique avec le côté dieux de l’Olympe, je trouvais ça génial." Pour atteindre son objectif, le nageur français décide de délaisser le 400 mètres pour se concentrer sur les épreuves individuelles et les relais sur 100 mètres et 200 mètres. Le 29 juillet 2012, Yannick Agnel offre la médaille d’or à la France sur 4X100 dans une course d’anthologie. En retard d’une seconde sur l’américain Ryan Lochte au moment de s’élancer, ce qui est beaucoup à ce niveau, le Nîmois le rattrape et termine devant lui.
"Rien ne pouvait m’arrêter"
"Quand j’ai touché la plaque et que j’ai levé la tête, j’ai compris que l’on avait gagné en voyant les expressions faciales de Leveaux, Gilot et Lefert que l’on ne fait qu’en cas de victoire". À peine le temps de savourer que le lendemain, il se présente en finale du 200 mètres. S’il brille en équipe, Yannick montre aussi en individuel qu’il peut devenir le dieu nîmois de l’Olympe. Facile lors des séries et de la demi-finale, il terrasse ses adversaires et remporte l’or avec près de deux secondes d’avance sur le Sud-Coréen Park. Il entre dans le cercle très fermé des sept nageurs français médaillés d’or aux JO. Et surtout, il est le seul de l’histoire a glané deux titres sur une même olympiade. "J’avais une telle sensation de facilité que j’ai pu accélérer sur la fin de la course. Je savais que rien ne pouvait m’arrêter, ça ne pouvait pas se terminer autrement que par une victoire."
Sa moisson de breloques se termine en argent sur le relais 4X200 mètres. Émoussé par un rythme intense avec une dizaine de courses en une semaine, Yannick Agnel échoue au pied du podium sur l’épreuve reine du 100 mètres. "Je n’ai pas de regrets et puis j’étais content que Brent Hayden gagne le bronze pour la dernière course de sa carrière." Le géant de 2,02 mètres a marqué les esprits et le sport français. "C’est grâce à mon abnégation. S’entraîner, aller là où les autres ne vont pas car ils sont trop fatigués, il y a une part de mental. Personne ne pouvait me dévier de mon but". Une aisance aquatique à laquelle il faut donc rajouter énormément de travail et de sacrifices. Un peu de jeux vidéos mais pas de sorties pour le jeune homme qui passe, chaque jour, six à huit heures dans l’eau pour "réduire l’incertitude à néant."
D’inconnu, Yannick Agnel devient une icône. Des succès sportifs qui ont changé sa vie pour toujours. "Peu de temps après, je me rends aux Jeudis de Nîmes. Ma présence a créé une sorte de mouvement de foule comme une rockstar, il a fallu m’extirper." Un autre statut pour un athlète qui a la tête sur les épaules et qui peut compter sur ses proches. "On se découvre de la famille éloignée", sourit-il. Un basculement dans une autre dimension qu’il est parvenu à supporter en restant le même. "Ça devient irréel ! Tu serres la main au Président de la République François Hollande en slip de bain." Pas fan du star-système, il regrette qu’avec la notoriété le comportement des gens change. "La plus belle récompense" pour lui, ce sont les enfants qu’il a pu inspirer.
L’échec de Rio, commentateur à Tokyo
Pendant quatre ans, sa carrière est mouvementée. Il change d’entraîneur et s’exile aux États-Unis sous la direction de Bob Bowman, ancien coach de la légende Michael Phelps. Même s’il est sacré champion du monde à Barcelone (2013) sur le 200 mètres et le 4X100 mètres, le Nîmois ne parvient pas à s’adapter à la méthode américaine et revient vivre en France à Mulhouse. Une préparation délicate pour les JO de Rio marquée par la terrible disparition de son amie et partenaire d’entraînement Camille Muffat, décédée en mars 2015 dans un crash d’hélicoptère. "Tous les signaux n’étaient pas au vert mais je me devais de tout donner", explique le nageur au moment d’arriver au Brésil.
S’il rêvait encore de médailles, Yannick Agnel va vivre un cauchemar. Un 19e temps aux séries du 200 mètres nage libre et une polémique concernant sa non-participation au relais du 4X200 mètres pour cause de maladie. Il décide dans la foulée de mettre un terme à sa carrière à seulement 24 ans. "C’était le bon moment, je ne prenais plus de plaisir." De quoi s’occuper de ses "vies d’après" même s’il ne ferme pas définitivement la porte à un retour. "Si je fais une crise de la quarantaine !". Un après carrière riche avec le programme "Nageur et citoyen", dédié à l’apprentissage de la natation, un poste de directeur sportif au sein du club de esport MCES, l’écriture de son premier roman "Yann" sorti en 2019 et un rôle de consultant sur France Télévisions.
Du bonnet de bain à la bonnette du micro, il n’y a qu’un pas pour le Nîmois qui a commenté ces JO de Tokyo aux côtés d’Alexandre Boyon et Nelson Monfort. "C’est un plaisir et c’est le plus beau métier du monde. C’est extra d’encourager ses potes, cependant c’est beaucoup plus stressant que quand j’étais nageur car on n’a pas les clés en main". Après Tokyo, il se consacrera au bouclage de son deuxième livre prévu pour le début de l’année 2022.
Corentin Corger